Jeudi soir, dîner de l'UMP aux Salons de la Raynière, près de Saint-Cyr-sur-Loire (Indre-et-Loire), dans le cadre des journées parlementaires du parti. Deux grandes salles, des dizaines de tables. Responsables UMP, élus de la majorité et ministres sont là, attablés, tantôt avec des journalistes, tantôt avec leurs entourages.
C'est l'heure du fromage. Au milieu des serveurs, Jean-François Copé profite de cet intermède pour saluer chaque table. Et chaque journaliste. Le secrétaire général de l'UMP est le seul à observer cette marque d'attention.
Il s'arrête à notre table et en profite pour discuter avec nos confrères du «Petit Journal» de Canal Plus. Il leur dit tout le bien qu'il pense de leur émission - une émission «importante» - et salue leurs bonnes audiences. Il repart. Je me lève et le rattrape. J'explique que nous préparons, à Mediapart, un article sur le travail qui attend les députés pour cette fin de quinquennat (article à lire ici). Un papier de fond. Loin de la primaire socialiste. Pas besoin de petites phrases, ni de querelles entre lui et le premier ministre. Je demande s'il aurait un moment le lendemain en marge des tables rondes de l'UMP pour en discuter.
S'ensuit un long échange, debout, au milieu des tables. Echange cordial, mais dont le message est limpide: il ne répondra plus aux questions de Mediapart. «Ne le prenez pas personnellement, mais je me vois mal vous répondre comme si de rien était alors que dans la page d'à côté on m'attaque personnellement, on raconte n'importe quoi sur moi.»
«La page d'à côté», c'est notre série d'enquêtes sur l'affaire Karachi devenue affaire Takieddine, qui dérange également le secrétaire général de l'UMP (lire ici et là). «Encore hier, (vos collègues) remettent en scène un papier sur moi avec rien. Ils s'attaquent à moi parce que je fais partie des responsables (UMP) importants, qu'il faut faire tomber. Je n'ai rien à voir avec tout cela.»
La veille, Mediapart a publié un article intitulé «Affaire Takieddine: les curieux oublis de Copé». Mes collègues y démontrent, documents à l'appui, que Jean-François Copé n'a pas entretenu que des relations «amicales» avec Ziad Takieddine (lire notre enquête). Deux jours plus tôt, l'émission «Complément d'enquête», sur France 2 (11 octobre), a également consacré un sujet à l'affaire Takieddine et diffusé à nouveau les photos - publiées par Mediapart cet été - le montrant en vacances, en août 2003, avec son épouse, aux côtés de Ziad Takieddine. «On viole ma vie privée», se plaint Jean-François Copé, évoquant «les photos de Mediapart».
Discussion sur l'affaire. Le patron de l'UMP se justifie longuement. «On étale ma vie privée dans des photos partout. (...) Je n'ai pas élevé mes enfants dans cette idée. (...) Il n'y a pas une radio où je vais sans qu'on me pose une question en me mettant ces photos sous le nez. Ce sont des méthodes, excusez-moi, des années 30. Pour servir un intérêt commercial. Votre patron (Edwy Plenel - NDA) profère une véritable haine contre nous, son seul but est de nous faire tomber.»
A chaque volet de nos enquêtes, Jean-François Copé a été contacté par Mediapart. Il a toujours répondu, parfois par l'intermédiaire de ses proches ou de son porte-parole, Guillaume Bazaille. Mais je lui propose de venir s'expliquer dans nos colonnes. Un grand entretien. «Je m'explique ailleurs, pas chez vous... Quelque part, vous répondre, ce serait cautionner tout cela... (hésitations) Non... vraiment... Encore une fois, ne le prenez pas pour vous... mais il y aura d'autres (responsables UMP) pour vous répondre. Et puis vous savez, votre patron ne vous en voudra pas de ne pas avoir Copé...».
Je lui rappelle qu'il n'y pas si longtemps, il était plus enclin à parler dans nos colonnes. Que, président du groupe UMP (poste qu'il occupait jusqu'en novembre 2010), il nous avait même expliqué, dans un entretien, comment contenir l'hyperprésidence Sarkozy et avait défendu son livre Un député ça compte énormément! (sorti le 24 avril 2009 chez Albin Michel - lire notre recension). «Je n'ai jamais fait d'entretien avec Mediapart, je n'ai d'ailleurs jamais reçu de demande», dit-il. Je lui rappelle cette longue interview qu'il nous a donnée, le 6 mai 2009.
La discussion repart sur les affaires. Il répète qu'il n'a «rien à voir avec tout cela». Nous évoquons l'affaire Woerth-Bettencourt. «Eric Woerth a été traîné dans la boue. Je vous jure, pendant des mois il a vécu un enfer, sa femme, ses enfants aussi». Je l'interroge sur Thierry Gaubert et Brice Hortefeux. L'ancien ministre de l'intérieur peut-il encore prétendre au poste de directeur de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012? «Il a été bien attaqué... On verra...».