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Billet de blog 26 févr. 2023

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Macron, l'idéologie électorale

Depuis son affirmation en tant que leader politique en 2016, Emmanuel Macron a subi un certain nombre de critiques sur le manque de ligne idéologique de son mouvement. De la moralisation de la vie politique, à son refus du paradigme gauche/droite, les marqueurs du macronisme ont été faits et défaits aussi vite que l'éclair avec une seule idée directrice : la prochaine échéance électorale.

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« On me reproche de n’avoir pas de programme, mais, ce qui compte, c’est le projet ! » (1). Avant même de devenir président, Emmanuel Macron l'affirmait : dans son mouvement, les mesures sont moins importantes que le cap, le discours, l'état d'esprit. Problème, qui peut vraiment décrire ce qu'est le projet macroniste ? L'efficacité face aux idéologies dogmatiques ? La modération face aux extrémismes ? La victoire du nouveau monde face à l'ancien ? Autant de concepts flous, permettant de mobiliser un imaginaire positif et d'y agréger des discours changeants, parfois contradictoires, sans jamais avouer un quelconque revirement.

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Emmanuel Macron à Madrid pour un sommet de l’Otan, le 30 juin 2022 © Eliot Blondet/Abaca.

Ce flou assumé, bâti autour d'une supposée efficacité, permet au président de s'affranchir de toute continuité idéologique au fil des différentes élections et de choisir, à chaque échéance, les concepts qui lui permettront de toucher ses électeurs. Depuis sa première campagne présidentielle en 2017, Emmanuel Macron mène donc sa barque par séquences électorales. A chaque échéance sa propre temporalité, son propre électorat cible et donc, ses propres idées fortes, quitte à se contredire de temps à autre. Pour le bien du peuple... et l'efficacité maximale d'Emmanuel.

 MORALISATION ÉPHÉMÈRE

La première de ces séquences commence donc dès sa démission du ministère de l'Économie, le 30 aout 2016. L'objectif est clair, gagner l'élection présidentielle, et se créer un espace, au centre, en plaçant la dynamite de tous les côtés. Les thèmes abordés ont donc tous le même objectif : briser les codes et montrer aux électeurs que le candidat Macron fera de la politique autrement une fois élu. Dépassement du clivage gauche/droite, moralisation de la vie politique, égalité femme-homme, transition écologique... Le Macronisme affiche alors un visage consensuel et rassembleur.

Le thème de la moralisation de la vie publique est un exemple parlant. A l'époque, « l'Affaire Fillon » fait figure de véritable bombe politique qui fait remonter à la surface 30 ans d'affaires politico-judiciaires. Dans ce contexte, les débats autour d'une transparence renforcée et d'un contrôle plus strict des élus ont le vent en poupe et marquent un des grands enjeux de l'élection. Emmanuel Macron est celui qui s'empare alors le plus fortement du sujet. Il déclare alors, en avril 2017 : « Le principal danger pour la démocratie est la persistance de manquements à la probité parmi des responsables politiques ». Le candidat renchéri également en promettant une « République exemplaire » s'il était élu. Ces éléments, loin d'être anecdotiques, ont été des marqueurs fort du décollage du projet macroniste. En effet, 64% des électeurs d'Emmanuel Macron ont déclaré avoir été séduit par son "incarnation du changement" (2). Une thématique qui englobe aussi bien le refus du paradigme gauche/droite, que la moralisation de la vie publique.

Le candidat Macron devient alors Président, et les premiers mois du mandat laissent espérer une réelle avancée dans la lutte pour une plus grande exemplarité dans la vie politique. Sylvie Goulard, alors ministre des Armées et François Bayrou, ministre de la Justice, sont rapidement exfiltrés quand « l'Affaire des emplois fictifs » au MoDem (leur parti) éclate. Mais le temps passe, la première séquence macroniste arrive à son terme. La question de la probité perd peu à peu son importance d'un point de vu électoral.

Le moment charnière aura surement été « l'Affaire Benalla ».

Illustration 2
Emmanuel Macron visite le champ d’éoliennes offshore au large de Saint-Nazaire, le 12 septembre 2022 © Sébastien Salom-Gomis/Pool/Abaca.

À l'été 2018, l'Elysée est secouée par les révélations concernant le proche collaborateur du président. Accusé, entre autre, d'avoir violenté des manifestants lors des débordements du 1er mai, Alexandre Benalla fait face à des critiques difficilement compatibles avec des fonctions au sommet de l'état. Loin de la vigilance de début de mandat, l'Elysée a alors réagi avec une simple mise à pied de 15 jours pendant le mois de mai, et a permis à Benalla de reprendre du service par la suite. Si son éviction a été rendu inévitable à la suite des révélations du « Monde » en juillet, les tâtonnements et la timidité de la condamnation par l'Elysée ont posé un certain nombre de questions sur la capacité du chef de l'état à faire le ménage dans ses rangs.

Mais plus que l'affaire en elle même, c'est le discours tenu par Emmanuel Macron qui a marqué un changement de cap. Loin de simplement dénoncer les agissements de Benalla, le chef de l'état s'en est directement pris aux contre-pouvoirs.

"S'ils veulent un responsable, il est devant vous. Qu'ils viennent me chercher." Emmanuel Macron, 24 juillet 2018 

Après avoir fustigé une « presse qui ne cherche plus la vérité », Emmanuel Macron s'en est sorti grâce une série de pirouettes. En rejetant « la République des fusibles », et en appellant à "venir [le] chercher" si une faute avait été commise, tout en connaissant son immunité présidentielle, le chef de l'Etat retombe finalement dans une rhétorique connue, celle de la minimisation des affaires et de la perpétuation des scandales. Des scandales qui se sont ensuite enchainés. De la nomination de Gérald Darmanin au ministère de l'Intérieur malgré des accusations de viol,  au maintien en poste d'Eric Dupond-Moretti ministre de la Justice mis en examen, l'exécutif semble avoir poussé le curseur toujours plus loin dans l'abandon de leur principe électoral.

CONTREFAÇON

Mais l'exemple qui symbolise peut-être le mieux l'idéologie changeante du camp macroniste se trouve sûrement dans son rapport à la gauche. Entre appels du pied aux Républicains, séduction de l'électorat de gauche, puis stigmatisation de la NUPES, l'élection présidentielle de 2022 nous a offert un condensé parfait des revirements du discours d'Emmanuel Macron et de la majorité sur le sujet. En l'espace de quelques mois, voir quelques semaines, le camp du locataire de l'Elysée a changé de discours trois fois, toujours pour s'adapter à la situation éléctorale.

La première de ces séquences se situe en amont du premier tour de l'élection de 2022. En pleine crise ukrainienne, le président-candidat communique peu sur son programme pour les cinq années à venir. Jouant au maximum sur sa stature d'homme de la situation, Emmanuel Macron délivre deux grands projets à mener : la réforme des retraites et le conditionnement du RSA à des heures d'activité. À droite toute. Du côté des Républicains, on va même jusqu'a crier au plagiat. « Emmanuel Macron nous a présenté un projet du déni et de la contrefaçon » déclarait Valérie Pécresse, candidate LR à la présidentielle, le 17 mars dernier lors d'une réunion publique à Nîmes. « Et qui dit contrefaçon dit mauvaise copie » complétait la présidente de la région Ile de France. L'objectif est clair, fidéliser la base conservatrice et finir de siphonner l'électorat des Républicains pour s'assurer une place au second tour.

La deuxième séquence s'ouvre à peine quelques jours avant le premier tour de l'élection. Tous les voyants sont au vert côté présidentiel, sauf catastrophe Macron sera au deuxième tour. L'objectif est alors de convaincre l'électorat de gauche de se déplacer pour voter Macron. Grand coup de barre à babord à l'horizon. Dès son meeting à La Défense Arena le 2 avril 2022, le chef de l'état annonçait une hausse du minimum retraite pour les carrières complètes, une revalorisation de 50% de l'allocation pour les mères seules ou encore le triplement de la prime Macron. Mais au delà du martèlement de ses propositions sociales, le camp présidentiel a usé et abusé des éléments de langage montrant sa proximité avec la gauche. Richard Ferrand, alors président de l'Assemblée nationale pointait alors du doigt des « valeurs communes » entre les électeurs de Jean Luc Mélenchon et le parti macroniste. Emmanuel Macron lui même a multiplié les appels du pied, reprenant le terme de "planification écologique" à la France insoumise, ou même le slogan : « nos vies valent plus que leurs profits » au NPA de Phillippe Poutou - se référant au scandale des maisons de retraite ORPEA.

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Marine Le Pen et Emmanuel Macron lors du débat de l’entre-deux-tours en 2017 © Illustration Simon Lambert/Les Jours.

Si Libération titrait le 3 avril : Macron se repeint en rouge pour séduire la gauche, le président-candidat y a ajouté une belle touche de vert, en annonçant pendant l'entre deux tours « La politique que je mènerai dans les cinq années à venir sera écologique ou ne sera pas ». Touche finale de cette séquence séduction, le chef de l'exécutif a mis un point d'honneur à ne pas mettre un signe égal entre la gauche et l'extrême droite. Voilà ce qu'il déclarait dans un entretien au Figaro le 7 avril 2022 à ce sujet : « Je fais un distinguo profond [entre les deux], parce qu'ils résultent de mouvements très différents ».

LES EXTREMES

Mais la période rouge du président ne va pas faire long feu. Dès les derniers bulletins dépouillés et l'annonce de la réélection d'Emmanuel Macron annoncée, un nouvel objectif rentre en ligne de mire : remporter les élections législatives, et battre le nouvel ennemi juré : la NUPES. Et pour l'atteindre, toutes les stratégies sont permises, quitte à contredire les éléments de langage de la mi-avril.

Le 9 juin à Puycelsi, dans le Tarn, le chef de l'exécutif remettait en cause ses propos en renvoyant la NUPES et le RN dos à dos. Il déclarait : « Ce que propose l’extrême droite comme l’extrême gauche, c’est de revenir sur tout ce qui a permis à la France d’être plus forte ». Dans la foulée, c'est tout le mouvement LREM qui s'est mis en marche pour disqualifier l'alliance des partis de gauche. Pendant que la ministre des Sports Roxana Maracineanu appelait à un « front républicain contre l’extrême gauche », sa collègue Amélie de Montchalin, éphémère ministre de la transition écologique qualifiait son adversaire aux législatives, le socialiste Jérome Guedj, d'« anarchiste d'extrême gauche ». Il serait difficile de lister ici toutes les attaques envers la NUPES et La France Insoumise, mais on comprend vite que l'époque des « valeurs communes » était déjà un lointain souvenir.

Sur des sujets variés, le discours politique d'Emmanuel Macron et de son mouvement semble donc obéir a une règle : suivre les thématiques en vogue pour se renforcer en vu de la prochaine élection. Le tout, quitte à réaliser un grand écart digne d'un numéro d'équilibriste. Si la stratégie a pu payer en 2022 au vu de la réélection d'Emmanuel Macron, c'est bien elle qui a pu et qui pourrait continuer à brouiller tous les repères politiques. En appelant à un "front républicain" contre la NUPES, la majorité dynamite ce concept et fini de faire sauter toutes les digues contre l'extrême droite.

Marius JOLY

(1) Entretien avec Jérome Garcin pour L'Obs (14/07/2017)

(2) Enquête IPSOS Avril 2017

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