Je ne prétends pas qu'au cours de quarante cinq ans d'exercice, mes modestes gestes professionnels aient eu quelque influence sur la société, ne serait-ce qu'au cadre local, mais l'obligation de les accomplir vite, et à la satisfaction relative de mes patients, m’a habitué au pragmatisme et donné le sens de l’efficacité. Sinon je n’aurais pas gagné ma vie, ni pu nourrir une famille.
Je retrouve ce rationalisme chez l’une des deux personnes qui me sont le plus cher au monde. Le Mulet, pour ne pas la nommer, est en assez fréquents contacts avec de hauts-fonctionnaires et de tout aussi hauts diplômés d’État depuis une quinte d’année, et m’a récemment avoué qu’elle les avait très vite cernés : « ils m’ont impressionnée deux jours... puis j’ai compris ». Elle avait sans doute compris que demain est une sage prolongation d’aujourd’hui pour des individus totalement détachés d’obligations de rentabilité. Produire leur est étranger, penser et surtout parler, leur raison d’être. Pour la bonne et simple autre raison que ces gens ne risquent pas, eux, de perdre leur « fromage ».
Ainsi je m’inquiète des réactions à venir, non seulement de la rue, mais aussi de l’usine à gaz institutionnelle à laquelle Macron ambitionne de s’attaquer avec butée décisive au 17 juillet prochain, dans une réforme espérée utile du Code du Travail.
Le mot est d’ailleurs devenu d’évidence une injure dans la mentalité salariale française. TRAVAIL. Pour autant, le commun des syndicalistes lui consubstantialise les affects immédiats de "souffrance" et de "dégradation", presque comme d'une seconde mais impérieuse nature, ou plus vraisemblablement comme effets de l'impaction subconsciente de slogans ingérés, et ânonnés lors de spécificités nationales, les manifestations de rues et les occupations d'usines : Le salarié, manipulé, s'estime systématiquement exploité.
Dans cette optique, les accumulations de célèbres Arrêts de TRAVAIL lui sont ce que sont ses médailles au militaire : une fierté. D'avoir floué l'ennemi : le "patron". Qu'on ne me dise pas le contraire : je l'ai entendu dire maintes fois par de glorieux rodomonts de comptoirs et urbains. MAINTES fois!...
Bref, de mettre ce peuple au boulot dans des conditions matérielles et sociales ajustées à sa réelle efficience et face à une concurrence mondiale intraitable, ne sera pas une mince affaire. Faciliter la petite et la moyenne entreprise, satisfaire les suppliques de leurs « dirigeants » afin de les rendre compétitifs "à l’international", et qu'ils créent par conséquent de l’emploi sans crainte de l'hystérie Prud’homale, leur ménager une souplesse légitime dans le débauchage circonstanciel : ce réalisme est une abjection aux yeux d’une majorité de jaloux de la réussite.
Or, dans l’ordre calendaire de modification des structures étatiques, « Proportionnelle », réduction du cheptel parlementaire, moralisation de la vie politique, etc... vient au premier chef de ces exigences modernisatrices la nécessité économique d’un bouleversement de ce foutu Code, et par la force des choses, du « génie » hédonistique des Français.
L’inquiétant, disais-je, est que le président de la République, homme au verbe fécond, dispersé et souvent confusément littéraire, dont on a d'ailleurs maintenant largement suffisance, s’est dispensé d’en dire le moindre mot dans son discours au Congrès.
Bicose ?... !...