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Billet de blog 5 juin 2017

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C’était la Ligue du Nord...

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Illustration 1

C’est ce jour-là que je me suis juré de n’être jamais d’extrême-droite.

Bobonne était restée à l’hôtel pour la sieste de la cadette, après déjeuner, et nous allions Place St Marc avec mon futur Mulet qui devait alors avoir 8 ou 9 ans. Née lotie d'un chef noir geai, ma "grande" passa par une calvitie temporaire totale (nous la surnommâmes d'ailleurs Kojack), et devint ensuite blonde pour une dizaine d’années, d'un blond vénitien justement, avant de virer lentement mais définitivement vers le brun d’aujourd’hui, frisé bien sûr. Forêt rebelle sur de grands yeux sombres, pétillants d’énergie. Anne, la cadette, de blonde nordique à sa naissance est demeurée, adulte, d’un brun plus clair, et elle a de magnifiques yeux verts.

Les charmes et surprises du métissage.

Ainsi nous déambulions la main dans la main au soleil de la Sérénissime, par un bel après midi de Juin. Je menai d'abord ma fille au Caffe Florian tant vanté par Giono, ou par Paul Morand dans son inoubliable Venises. Sanctuaire déliquescent du souvenir d’illustres personnages, de Sand, de Musset, de Byron, de Casanova...d'Henri de Régnier et de tant d’autres parmi ses ors éteints. Un orchestre minable faisait malheureusement grincer des violons en terrasse, couvrant ceux du bistrot d'à-côté. Or, comme j’aime beaucoup la musique, ces dissonances m'horrifièrent et nous décampâmes aussitôt. Autres temps...

Nous longions la Tour de l’Horloge quand j’entendis un bruit sourd, inquiétant, une clameur monter de la Piazetta et grandir en se répercutant sur les murs ocre de la célèbre et vénérable agora. Une sorte de roulement de tambours rythmé pour la marche, devenant sonore au point que le Campanile parut en frémir : Une marée humaine, surplombée d’immenses drapeaux verts agités par un vent nerveux surgi de la lagune, serpentait vers nous depuis les Schiavone et le quai des deux colonnes. Ces gens scandaient des slogans manifestement martiaux, que ponctuait une rangée de processionnaires aux allures de sénateurs en frappant des morceaux de bois sur le cul de poubelles renversées (!), .

Arrivés à proximité, et alors que nous nous étions réfugiés sur le seuil d’un magasin, si je me souviens bien, une femme encore jeune nous aperçut. La gosse étant terrorisée par ce vacarme, et moi glacé, cette femme s’en avisa et vint alors à nous en souriant. J’étais blond à l’époque, et le Mulet aussi. Mêlant sa voix au martèlement des poubelles et aux éructations de ses pairs, elle effleura la chevelure de mon enfant d’un geste doux, et me regardant, me destina un propos que j’interprétais comme l’expression d’une similitude phénotypique, car elle se saisit ostensiblement d’une mèche de ses propres cheveux pendant son discours. Tout cela fut très bref. Ayant en effet saisi que je ne comprenais pas l’italien, elle s’en retourna parmi les siens, imperturbables dans leurs exercices vocaux et tintamarresques. 

C’était la Ligue du Nord. Je pensai immédiatement à la déception de cette manifestante si elle avait su que ma gamine n’était pas de pur sang caucasien...

Puis je m’interrogeai incontinent sur la cause des incessants malheurs que l’homme se créé invariablement depuis la nuit des temps. Souvent pour des riens. Parfois pour quelques gamètes intruses et une frisure capillaire un poil accentuée...

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