il me rappelle ces bâtards qui aboyaient, la queue entre les pattes, à l’entour des khaïma, quand j’allais chasser ou marcher le soir, dans le Rif ou les Beni-Snassen, à la fin septembre. Les grandes chaleurs s’en étaient allées plus au sud, sur les ailes ensablées du Semoun, et les premières langues de Chergui, annonçant l’hiver, revenaient alors courir le jbel, sautant de roche en roche, pour se précipiter ensuite par le col du Guerbouz, dans la plaine des Angads où elles se dispersaient.
Bien qu'il fît encore jour, quelques étoiles précoces piquetaient ce ciel marocain d'un bleu inimitable, un ciel unique, à contredire Montaigne...
...Et donc une plaie que ces clébards pouilleux et décharnés, qui se glissaient sournoisement parmi les touffes d’alfa sonores, desséchées par l’été. Tous semblaient d’ailleurs bizarrement goûter la rigueur de ma zarwata, car mon approche les ayant fait se taire, il suffisait d’un mot, "Al-Khir!" ou "As-Sahbi!", emporté par le vent, à l’adresse du propriétaire surgi de son gourbi, ou d’un « Lâl-lâ » respectueux envers son épouse (Houlà! Surtout beaucoup de déférence s'imposait), et que le ou la Berbère me répondît, pour que la meute de ces « oies du Capitole » d'un genre particulier, au pelage clairsemé, à l'oreille basse et à la peau galeuse, se regroupât et vînt de biais, d'un pas veule et hésitant, me sentir, me renifler, élevant par instants vers mon visage empourpré par le froid, des regards de faux-culs à nul autres pareils.
J’emporterai dans la tombe ces souvenirs de jeunesse, celui des frimas automnaux de mon pays natal, et de ces yeux tristes de chiens battus, car ils l’étaient, et plus souvent qu’à leur tour. Je n’oublierai jamais leur fourberie native... ou acquise du fait de maltraitance - je n’en ai jamais rien su, n’en ayant pas élevés chez nous, fid-dâr, à Oujda -, mais je savais en revanche parfaitement, à la flexion soudaine de leurs pattes avant, quand ils allaient mordre.
Un bon et immédiat coup de bâton noueux sur le cul pelé de l'un d'eux, et tous s’égayaient alors en jappements peureux. Dans l’indifférence totale de leur maître.
Voilà ce que retient de ce genre d’animaux, et de leur manifeste avatar médiapartien, un roumi que toute injure oblique amuse... et rappelle à sa jeunesse.