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Je fus un jour obligé de lui dire que si Abramovich ancrait sa péniche tous les étés devant Juan-les pins et non à Gruissan-plage, il y avait sans doute une petite raison à ce choix.
Oui, parce que le beauf carcassonnais est un médecin Occitan tellement chauvin que ça en devenait ridicule.
J’aime bien la région, ceci dit, surtout en automne, et j’y ai eu d’excellents copains durant des années, avec lesquels j’ai fait autrefois pas mal de sport et de bringues, en majorité des confrères dudit beauf, et nous avons donc occupé de sacrées tablées au Mas d’Auriac ou à l’Hôtel de la Cité du temps de Del Burgo.
Le problème était là encore le chauvinisme ambiant, jusque dans la gastronomie. J’ai d’ailleurs fini par être cassant car je n’aime pas du tout le cassoulet, par exemple, qui est un estouffa-gari*. Or, si l’on graille néanmoins très bien entre Montagne Noire et Corbières, comme partout en France au demeurant, il est un pinard qui passe assez mal, lui aussi, la frontière de mes papilles gustatives, c’est le Corbières justement. Va pour le La Voulte-Gasparets, et encore y faut-il la cuvée Romain Pauc, ou bien doit-on se tourner vers la Cuvée 3 et deux ou trois autres, sinon au delà d’une puissance du col à déménager les meubles, ce sont des piquettes. Ne parlons pas du muscat de St Jean de Minervois qui vous fracasse la tête à la troisième gorgée.
...Et pour parachever le tout, et qui fait la substance du présent billet, le beauf a débarqué un beau matin habité d'une passion subite pour la tauromachie. Cash. Lui qui n’avait jamais autrement qualifié ses voisins, les transpyrénéens, du ton le plus méprisant que de vils « espadrilles », s’est mis à rouler les R - ce qui faisait un peu comique pour un toubib de la quarantaine - en m'énumérant une guirlande de zigomars selon lui réputés, trucideurs de bovins à culs de gaypride-guys en goguette : moulés en effet dans des fringues étriquées, bariolées et coruscantes. Tissus satinés roses ou bleues et paillettes. Drôle de genre!
Au bout de 5 minutes à subir sa nouvelle lubie, je fus encore plus net qu’au sujet du cassoulet, car je hais les corridas depuis l’enfance, et j’ai même failli rejoindre, sur invite de mon ami le Dr Francis V, avec lequel j’ai un temps bricolé dans l’humanitaire, une association anti-corrida qu’aurait prétendument initié Paul Mc Cartney (!) (Je le vends pour le prix que je l’avais acheté). C’est en effet un spectacle à la con, lors duquel un ou des mecs risquent leur vie à chaque seconde dans le tohu-bohu assourdissant de trompettes enrouées, de greluches à éventails, automates impavides sous leurs mantilles, et d’un troupeau de gueulards blindés au Machaquito. Imaginez ce que tout ça peut donner en plein cagnard...
Ces propos lapidaires, que je ne lui mégotai pas, furent, m’a-t-il semblé, la cause immédiate d’un refroidissement sensible et définitif de nos relations familiales.
Mais quoi !...Il y avait déjà ce foutu cassoulet, même celui qu’on allait chercher chez Castex à Castel(naudary) où son père était membre d’une confrérie avec les frères Spanghero. Il y avait aussi leurs tort-boyaux (Merci Malox) dont un verre suffisait à vous niquer un dîner... En revanche, applaudir des clampins coiffés d’un drôle de bitos à écoutilles, et allés, déguisés en drag-queen, jouer à pile ou face le plaisir de se faire embrocher tout vif : ça c’était au dessus de mes forces. Je ne supportais pas.
Pour malheureuse preuve, hier...
* C'est du Nissart.

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