« Ne touchez pas aux idoles, l’or en reste au doigt ». L’apophtegme est je crois de Flaubert, maintes fois vérifié. D’ailleurs, comme je le suggérais hier, n’ayant rien inventé que de prévisible par tout un chacun, j'attends avec tout le monde le premier dérapage sérieux, ou un bris d'essieu dans la course apollonienne du Kid à sa Bribri. Car ça viendra. Fatalement.
Toutefois en avait-il déjà commis deux ou trois comme candidat, d'impairs, dont celui sur la colonisation, coûteux en voix potentielles et qui lui avait par conséquent imposé une alliance de secours immédiat avec Bayrou : il conviendrait qu'il soit désormais économe en conneries, surtout maintenant qu'il est président, car le préjudice serait national et par le fait irrémissible. Et en l'espèce, dorénavant la colonisation aura été un interlude civilisationnel, quelques années de bonheur offertes par la France aux peuplades qui ont eu le privilège d'en jouir. Point-barre. Si, si, il faut positiver.
Mais pour reprendre la métaphore mythologique du présent billet : Chacun a loué son strapontin aux différents nuages du parcours héliaque : Qui, lorsque aura lieu la première manif anti-loi Travail... qui, pendant la bronca qu’aura suscitée une taxe annoncée sur un capital immobilier si cher au Français... et moi, tout simplement, quand reviendront les casseurs : Macron l’autoritaire laissera-t-il alors libre cours à ce jeune chef de Section de Gendarmerie, croisé à Paris à l’époque des bacchanales de Nuit-Debout, il y a deux ans, à l’angle de la Place de la République et du Bd du Temple. Ce sympathique militaire me répondit que si on lui en donnait l’ordre, sa Compagnie réglerait le problème des voyous cagoulés en moins d’une demi-heure... et qu’on n’en entendrait plus jamais parler. Mais faut-il le VOULOIR et s’en donner les moyens. Il faut cogner pour cela. Il y aurait de la casse. Beaucoup. Le nouveau président l’assumera-t-il ?
En terme de faille et de menterie, on a déjà eu les quatre couacs des ministres démissionnaires pour motifs éthiques sinon judiciaires, alors qu'ils étaient prétendus être passés au filtre épurateur. Il était en outre initialement question d'un gouvernement réduit à une quinzaine d’unités, or nous retrouvions hier au soir, annoncée par le très pincé porte-parole de l’Élysée, une cohorte habituelle d’une trentaine de « crânes d’œufs » comme les surnomme Claude Weill, c’est à dire du phénotype caractéristique de l’énarchisme, esséquiens ou sortis d’HEC.
Certes ils et elles, à parité (!), ce qui est nouveau, auraient en main une fameuse « feuille de route », et seront paraît-il astreints à des « résultats » contrôlés en temps donné. Il faudra voir ça, car on a déjà entendu ce discours sous d'autres mandatures...
Je ne souhaite bien sûr pas un échec à la France, et donc une lourde désillusion sur le personnage aujourd’hui divinisé... et qui entretient en effet méticuleusement les effets de sa transcendance. Mais à cet égard, les tirages d’oreille ridicules et petites claques sur la joue de l’investiture à l’Élysée, imposés à des hommes d’âge mûrs et dotés d’une certaine notoriété sociale, par un puiné de 39 ans, m’ont fortement déplu. Penser qu'il ne s’agissait pas de paysans illettrés, de cette chair à canon que Bonaparte envoyait le lendemain se faire hacher menu par l’artillerie ennemie, et qu’il exaltait, la veille d'une bataille, par ces simulacres affectifs, mais de gens de talent, souvent éprouvés au service de l’État, de Régions ou de municipalités, ou majors de la société civile. D'un point de vue diachronique, imaginez Daru, Davout, ou Ney, ou ce Maréchal Bessière je crois (Stendhal « Chroniques Paris-Londres ») qui, lors de la Retraite de Russie, ordonna un soir, du ton le plus comminatoire à son « patron » dépressif et délirant, d’aller se coucher car il gênait l’étude des cartes par l’État-major, imaginez des hommes de cette trempe se laisser tripoter de la sorte ?
J’ai donc pour ma part été mal à l’aise pour ce pauvre Mr Collomb, septuagénaire en pleur, instrumentalisé en public; et je garantis que le modeste dentiste de quartier que je fus aurait nonobstant mis un terme à cette impertinence d’un revers de la main au quart du tiers de son accomplissement. Et quel qu’en fût l’auteur il n’y serait pas revenu.
Tout n’est donc pas à prendre chez Macron. Le sortilège est tel pour le moment que certains journalistes de caractère, à la Cayrol par exemple, commencent seulement à hasarder quelques pics de leur causticité professionnelle sur les bizarreries d'un individu à l’orgueil hors-normes, alors que l’ensemble de leurs confrères est encore souvent, non dans l’extase, ces gens en ont trop vu, mais figés dans une sorte de sidération... derrière laquelle je suspecte néanmoins leur sens critique si redouté être à l’affût.
Et donc, je dis bien : Emmanuel, maoufi de ti, gâri !... O, Baoudou! Se apoustan les chiapacans...