Dans ce bus qui me ramène à Paris, j'ai le coeur serré de n'avoir pu assister à cette table ronde de Sea Watch à Bruxelles, et je me souviens de ce jeune Syrien rencontré sur mon chemin, courtois et bienveillant me relatant son itinéraire depuis son pays, en guerre, sous les bombes me disait-il.
Un livre entre les mains, les mots d'Edgar Morin me frappaient de leur sens. L'écrivain philosophe m'entrainait dans un raisonnement éclairé.
Il se souvenait des justes et de leur entraide pendant la seconde guerre mondiale pour cacher les juifs, désobéissant aux autorités xénophobes en place. Il se souvenait de ces actions courageuses, pour relater en 2012, ces gouvernements dont la France qui ont mis en place cette loi liberticide nommée, "le délit de solidarité".
La loi n- 2012- 1560 du 31 décembre 2012 légifère sur ce qu'on appelle communément "le délit de solidarité". L'article L.622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile entré en vigueur le 1er mars 2005 prévoit que "toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de facilité l'entrée, la libre circulation ou le séjour irrégulier d'un étranger en France sera puni par d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 euros". En 2018, le Conseil Constitutionnel revoit cette loi et modifie m'article L.622-4 pour exempter de cette sanction le conjoint et les membres de la famille de la personne en situation irrégulière dans l'aide à la circulation ou le séjour irrégulier d'un étranger mais aussi les bénévoles et associatifs dans l'aide à la circulation.
Dans son livre, le titre résonnait de sens au préalable - La fraternité, pourquoi, pour résister à la cruauté du monde.
Les mots me frappaient de leur sens et je puisais en ces idées la substance, l'antidote à "la dégradation des solidarité".
J'écrivais sur mon carnet, "Mes expériences de fraternité sont les plus beaux moments de ma vie."
"La fraternité doit sans cesse se régénérer car elle est sans cesse menacée par la rivalité."
Sans savoir encore que toutes ces successions de raisonnement se forgeant dans la fraternité m'aideraient à entendre un triste bilan.
Je ne savais pas encore en lisant ce manifeste d'Edgar Morin à l'humanisme et à la fraternité que SOS Méditérannée tirerait la sonnette d'alarme en s'appuyant sur un communiqué de Reuters.
1000 migrants ont péris en mer méditérannée cette année 2019.
Je ne savais pas que 70% de ces décès interviennent dans le secteur central de la méditérannée, entre la Lybie, l'Italie, et Malte, comme nous le faisait remarquer la porte parole du Haut Commissariat des réfugiés des Nations Unies, Liz Throssell.
J'avais pourtant bien décidé de ne plus réitérer le vocabulaire des diplomates. Désormais, l'heure de la reconnaissance était venue pour tous ces déplacé.e.s par les catastrophes climatiques, ou les guerres, l'heure pour ces hommes, ces femmes et ces enfants était de les appeler par la fraternité - réfugié.e.s.
Dans le bus low cost qui me ramenais à Paris, j'avais assimilé un enseignement qui m'immuniserait contre l'aliénation fascisante de la pensée. J'avais ancré dans mon esprit la fraternité contre le délaissement des Etats membres de l'Union Européenne que sollicitait Liz Throssell, elle, membre du HCR, appelait les Etats à reconnaître les ONG et leurs actions de sauvetages, elle appelait les Etats à prendre en charge les secours.
C'était mardi 1er octobre 2019 que ce triste bilan pour la méditérannée fût annoncé.
1000 réfugiés ont péri en mer méditérannée.