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Billet de blog 31 mars 2021

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Chronique de l'Odéon occupé

Un roc, un bloc. Les pierres du théâtre de l'Odéon à Paris, lieu occupé par la culture en résistance, ont répondu présent à l'appel de la lutte contre la non-essentialité de la culture décrétée par l'Etat en cette période covid. Rencontre au 26 ème jour de la lutte.

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Un roc, un bloc. Les pierres du théâtre de l'Odéon à Paris, lieu occupé par la culture en résistance, ont répondu présent à l'appel deslieux culturels contre la non-essentialité de la culture décrété par l'Etat en période covid.

Je me tiens là au 26 ème jour de la lutte, parmi eux, les occupant.es et le public, toutes et tous réunis.

La météo des théâtres et des lieux culturels en résistance se porte bien malgré tous les signaux de détresse envoyés par les artistes au gouvernement. Ils ont la fougue solidaire et une mine de créativité ambulante. Certains ont renoncé comme l'autre jour le remerciait cet écrivain de sa veine en hommage à un ami artiste qui ne trouvant plus de sens à sa vie a décidé de rompre le fil de sa vie covidienne. Pourtant, le ministère de la culture leur a tiré son rideau de fer à ces artistes pour cause officielle de pandémie. Depuis, des troupes dissidentes en lutte occupent ce lieu. Comme des dizaines d'autres sur la carte des luttes de l'hexagone, ils refusent de rester muet et d'attendre des miettes d'indemnités ou pas à défaut de travail viable.

A hauteur de la rue Corneille, des silhouettes se distinguent, happées par l'ombre installée sur les côtés du parvis de l'Odéon. Les ombres, à mesure que j'avance, deviennent des spectateur.trices; leurs regards rivés sur la façade de cet édifice culturel; s'échappent  les appels de revendications; une voix attractive et féminine s'exprime depuis la fenêtre du théâtre. Une parole claire et sûre; décrivant un contexte d'artistes et de culture en siège depuis la décision de l'Etat de fermer tous les lieux d'expression culturelle : théâtre, cinéma, salle de concert, scène de festival, etc...

Attirée par la sincérité et le coeur battant de ces créateur.trices aux destins éprouvés, je regarde avec étonnement les artistes qui déambulent en bandes syncronisée; tenant en équilibre sur les vieux pavés arrondis et fûtés du parvis. Sur leurs longues échassent à ressort, ils déambulent au rythme jazzy des musiciens volubiles en live; dessinant des gammes accoustiques en ce prélude de l'après-midi d'un faune : le slamer Abd al Malik cherche dans la foule des ondes positives pour préparer son texte, ai-je songé. Lui aussi, en ce jour de lutte, il déambule parmi le public partie prenant, également.

Il y a un air de rassemblement médiéval dans ce happening littéraire. Devant la première grille du théâtre, enfin tombe le masque. Et le visage du slamer se déroule clamant avec ses sonorités et son tempo littéraire, sa prose. Il y a des consonnes qui claquent; une qui rebondit sur le mot amour; dans l'ombre installée de ce parvis; un slam clame une prose combattive annonçant le soleil; les gens présents s'illuminent soudain au son immergé dans l'intimité de la pénombre. L'accoustique de sa voix masculine, nue de tout artifice métallique, excerce son style sur le coeur battant du public, qui attend suspendu à une latitude empathique, que sonne la phrase accompagnée du mot clé. Et les mots galants de l'homme-en-noir-accompli-de-savoir se taisent, à l'instant où la prose, prend son envol et se dépose sur l'altitude lyrique d'un chant à la voix féminine : la chanteuse invisible cachée dans l'entrée du théâtre ému, se faufile de sa voix persuasive vers les gens de la place publique.

A la fin de ce paradoxe poétique, le slamer persiste dans son art, verbalise, nous livre de sa voix juste : - il est temps que la culture dirige ! Et il persiste de son art en disant sur un ton juste, l'évidence : - il faut mettre l'humain au centre.

Et puis, une cascade de mains frappantes la paume de leurs destins cristallise l'aura noire d'Abd al Malik, revendicant le collectif Hiya.

Et puis, à son tour s'en va vers un son jazz flottant et aérien... la prose. Le camion scratch.com faisant la transition de ce happening littéraire et lyrique. Il nous embarque dans une revendication graphique : une fresque de noir et blanc réalisée en brut et en live de portraits et de traits stimulants. Une longue bande de " papyrus" blanc se jette dans les bras dessinants du graphiste et des bdéistes géants : l'insurrection, l'innocence et le baiser. Le thème est ouvert à ceuxcelles qui dialoguent avec les lignes. La musique sans discontinuer son élan a poursuivi sa trace de l'avant, du pendant et de l'après. La fresque est apparu telle une éclypse de la musique et de l'esquisse.

Où cette fresque voulait-elle nous mener ? Sur la paserelle d'Abd al Malik ?

C'était mardi 30 mars devant le théâtre de l'Odéon. Chronique d'une culture en lutte : " on joue plus on lutte ! "

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