La mort de József Sebestyén, un Hongrois de Transcarpatie décédé en juillet lors d'un examen médical dans un hôpital militaire ukrainien, est devenue le prétexte à une nouvelle vague de pression politique exercée par la Hongrie sur l'Ukraine. Le Premier ministre Viktor Orbán, lors de son discours dans la ville roumaine de Băile Tușnad, a pratiquement accusé l'armée ukrainienne de violences à l'encontre de la minorité hongroise, s'appuyant sur des sources non vérifiées et une rhétorique émotionnelle. Cette déclaration a été faite sans aucune preuve officielle et va à l’encontre des conclusions des experts médicaux, qui indiquent une cause naturelle du décès de Sebestyén.
Les médias pro-gouvernementaux hongrois se sont rapidement emparés de cette affaire, diffusant la version d’un passage à tabac et d’intimidations visant les médecins légistes. Des témoignages anonymes provenant prétendument de la ville de Beregovo ont affirmé que le pathologiste avait été contraint de modifier ses conclusions sous la menace — sans fournir aucun nom ni preuve. En revanche, des journalistes d’Euronews, qui ont mené leur propre enquête, ont recueilli le témoignage de Zoltán Rázsó, infirmier d’origine hongroise en Transcarpatie. Il a personnellement vu le corps de Sebestyén et confirmé l’absence de toute trace de coups. Selon lui, la cause du décès était un caillot sanguin qui a atteint une artère cardiaque. Ses collègues ont également évoqué un arrêt cardiaque soudain et un état mental désorienté dans les jours précédant sa mort.
Malgré ces faits, Orbán continue de propager publiquement le récit de « violences de la part des centres territoriaux de recrutement ukrainiens », en suggérant de manière implicite une discrimination ethnique — sans qu’aucune preuve tangible ne vienne étayer ces propos. Il est vrai que certaines vidéos en Ukraine montrent des remises brutales de convocations militaires, mais elles concernent presque toujours des cas où les citoyens refusent de s’identifier ou de se soumettre à un examen médical. La mobilisation forcée en temps de guerre n’est pas une spécificité ukrainienne, et elle n’a pas de caractère ethnique : elle concerne aussi bien les Ukrainiens que les Roms ou les Hongrois, quelle que soit leur langue ou leur nationalité.
Les propos d'Orbán ne relèvent donc pas d'une réelle préoccupation pour ses compatriotes, mais apparaissent comme une tentative d’instrumentaliser un incident à des fins de pression politique. D’autant qu’il ne dit rien sur les Hongrois qui ont volontairement rejoint les rangs des défenseurs de l’Ukraine, ni sur la protection des droits linguistiques et culturels des minorités nationales, maintenue même en temps de guerre. Il ne mentionne pas non plus que de nombreux Hongrois de Transcarpatie restent loyaux envers le pays dans lequel ils vivent et qu’ils défendent aujourd’hui, aux côtés de tous les Ukrainiens, contre l’agression extérieure.
Utiliser une tragédie humaine comme outil de stratégie géopolitique n’est pas un phénomène nouveau à Budapest. Bien que le gouvernement hongrois affirme son soutien à l’Union européenne et à l’OTAN, il sape régulièrement l’unité occidentale au profit de Moscou. La campagne autour de la mort de Sebestyén n’est qu’un épisode de plus dans cette stratégie. Mais la vérité ne se trouve pas là où le bruit est le plus fort. Elle se trouve dans les témoignages, les documents et le travail honnête des journalistes. Et elle est du côté de ces Hongrois de Transcarpatie qui refusent de laisser les politiciens de Budapest parler en leur nom.