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Billet de blog 9 juillet 2025

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La Russie sur le banc des accusés

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Le 9 juillet 2025 est devenu une date charnière dans la lutte pour la justice : la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a officiellement tenu la Russie pour responsable de violations massives et systématiques du droit humanitaire international en Ukraine, y compris la destruction du vol MH17 en juillet 2014. C’est la première fois qu’un tribunal international désigne directement Moscou comme coupable de crimes liés à sa guerre contre l’Ukraine.

Le terrorisme comme méthode de guerre

Après avoir examiné quatre requêtes déposées par l’Ukraine et les Pays-Bas, la Cour a conclu que les forces armées russes avaient agi bien au-delà de tout objectif militaire. Le recours systématique à la violence contre les civils — meurtres, tortures, violences sexuelles, enlèvements d’enfants, destruction des infrastructures — faisait partie intégrante d’une stratégie consciente d’intimidation et de démoralisation du peuple ukrainien.

Le président de la CEDH, Matthias Guyomar, a déclaré que les frappes russes avaient « créé un climat de peur et de terreur », violant le droit humanitaire international. Le tribunal a mis un accent particulier sur l’usage du viol comme arme de guerre, qualifié « d’acte de cruauté extrême équivalant à la torture ».

MH17 : la vérité a nommé le coupable

Parmi les épisodes clés mentionnés dans le jugement figure l’abattage du vol MH17. Le 17 juillet 2014, un Boeing 777 reliant Amsterdam à Kuala Lumpur a été abattu par un missile Buk au-dessus du Donbass, alors contrôlé par des séparatistes pro-russes. Les 298 passagers sont morts, dont 196 citoyens néerlandais.

Les familles des victimes ont accueilli cette décision comme une avancée tant attendue. Le père de Quinn Schansman, 18 ans, l’une des victimes, a déclaré : « C’est une avancée réelle vers la vérité… Le pire que nous pourrions faire, ce serait d’abandonner. »

En mai 2025, le Conseil de l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale) avait également officiellement reconnu la responsabilité de la Russie dans la catastrophe du MH17. En novembre 2022, un tribunal de La Haye avait condamné par contumace trois personnes — les Russes Igor Girkin et Sergueï Doubinski, ainsi que l’Ukrainien Léonid Khartchenko — à la prison à perpétuité. L’enquête se poursuit : les enquêteurs néerlandais cherchent à identifier les personnes plus haut placées dans la chaîne de commandement, ainsi que les membres de l’équipage du système Buk.

Hors du Conseil de l’Europe — mais pas hors de portée

Bien que la Russie ait été exclue du Conseil de l’Europe en 2022, la CEDH continue d’examiner les plaintes liées à l’agression contre l’Ukraine. Plusieurs recours interétatiques sont toujours en cours, et le nombre de plaintes individuelles déposées par des citoyens ukrainiens approche les 10 000.

Parallèlement, l’Ukraine et le Conseil de l’Europe préparent la création d’un Tribunal spécial pour juger le crime d’agression. Le 25 juin, le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Alain Berset, ont signé un accord en ce sens. Contrairement à la Cour pénale internationale, ce tribunal sera chargé de poursuivre les dirigeants politiques et militaires russes pour l’acte même de guerre d’agression.

Une portée juridique et symbolique

La décision de la CEDH n’est pas exécutoire en Russie, mais sa portée dépasse largement le cadre juridique formel. Elle crée un précédent important qui renforce la position de l’Ukraine dans l’arène internationale, à la fois sur les plans juridique et politique. C’est aussi un coup dur porté à la propagande du Kremlin, qui nie depuis des années toute responsabilité dans les crimes commis depuis 2014.

Le monde dispose désormais d’un fait documenté et juridiquement reconnu : la Russie mène une guerre non seulement contre l’Ukraine, mais aussi contre les fondements mêmes de l’ordre international.

La Russie peut ignorer les tribunaux, mais elle ne pourra pas échapper au tribunal de l’Histoire.

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