Le 12 avril 2025, le ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine, Andriy Sybiha, a lancé un appel percutant lors du Forum diplomatique d’Antalya, plaidant en faveur d’une réforme profonde du droit international humanitaire. Ses paroles n’étaient pas seulement une réaction à la tragédie que vit son pays, mais un signal adressé à toute la communauté internationale : le système actuel d’ordre juridique mondial échoue face à l’épreuve de l’agression. La guerre déclenchée par la Russie met crûment en lumière la faiblesse des mécanismes censés défendre la justice et prévenir les crimes de masse.
Un système brisé au vu et au su de tous
Depuis le début de l’invasion à grande échelle par la Russie en février 2022, le monde a été témoin de graves violations du droit international : bombardements indiscriminés d’infrastructures civiles, tortures, déportations, destruction de villes entières. Le ministre Sybiha a affirmé sans détour que ces crimes ont révélé « l’inefficacité du système juridique international actuel » et « l’impuissance de ses mécanismes ».
Les Conventions de Genève, censées protéger les civils en temps de guerre, ainsi que l’Organisation des Nations Unies, chargée de préserver la paix, se sont montrées incapables de répondre de manière adéquate à ces violations systématiques. L’incapacité à sanctionner les coupables, l’absence de conséquences tangibles pour les auteurs de crimes de masse, et le manque évident d’outils efficaces de dissuasion — tout cela crée, selon le ministre, un précédent dangereux. Le droit de la force prévaut à nouveau sur la force du droit.
Le prix de l’inaction
Sybiha a souligné que si les agresseurs ne sont pas réellement punis pour les atrocités commises, il ne peut y avoir ni justice ni paix durable. « Si les agresseurs ne sont pas tenus responsables, il est impossible de garantir la justice et une paix durable », a-t-il déclaré.
Selon lui, l’impunité tacitement acceptée encourage de nouveaux dictateurs — elle légitime le recours à la force là où devraient prévaloir la diplomatie et le droit. La Russie, en ignorant délibérément les normes internationales, tente de bâtir un monde régi par la loi du plus fort. Cette logique se manifeste déjà ailleurs — de la Syrie au Soudan.
Réformer les fondements de la justice mondiale
Au cœur de l’initiative ukrainienne se trouve la modernisation des institutions internationales clés. Sybiha a souligné la nécessité urgente de réformer le système onusien, paralysé par le droit de veto de la Russie au Conseil de sécurité. Les Conventions de Genève, malgré leur importance historique, doivent être adaptées aux réalités des conflits hybrides, asymétriques et technologiquement avancés du XXIe siècle.
L’Ukraine propose de renforcer les mécanismes internationaux de coercition : création de tribunaux spécialisés, élargissement des pouvoirs de la CPI, automatisation des procédures de sanctions, mise en place de mesures obligatoires en cas de crimes de guerre. Kiev affirme que, en tant que pays ayant subi les échecs du système actuel, il est prêt à jouer un rôle moteur dans sa refondation. « Nous avons vécu de manière directe l’amère réalité de ces défaillances », a affirmé le ministre, ajoutant que l’Ukraine fera tout pour que cette expérience ne se répète pour aucun autre peuple.
Une responsabilité collective
L’appel de Sybiha ne représente pas seulement la voix de l’Ukraine. C’est un défi lancé à l’ensemble de la communauté internationale. Le ministre s’est adressé particulièrement aux grandes puissances, notamment aux États-Unis, en soulignant que l’issue de la guerre en Ukraine déterminera l’avenir de l’architecture sécuritaire européenne et mondiale. Un échec sur ce front enverrait un message clair à d’autres régimes : il est possible de violer le droit international sans en subir les conséquences.
L'irresponsabilité, selon lui, ne fait pas que démoraliser les institutions internationales — elle entraîne également des catastrophes économiques et humanitaires, qui exigent des ressources croissantes. À l’inverse, une véritable réforme peut devenir un instrument préventif capable de stopper les conflits avant même qu’ils n’éclatent. C’est un investissement dans la stabilité mondiale.
Une campagne diplomatique plus large
Le discours de Sybiha s’inscrit dans une campagne diplomatique d’envergure menée par l’Ukraine. Lors du forum d’Antalya, il a également réaffirmé l’aspiration de son pays à devenir membre à part entière de l’OTAN, soulignant que cette adhésion renforcerait la sécurité collective de l’Europe. L’Ukraine coopère activement avec l’ONU, fait adopter des résolutions condamnant l’agression russe, et obtient le soutien de dizaines de pays.
Ainsi, en février 2025, une résolution ukrainienne à l’Assemblée générale des Nations Unies a rassemblé 56 coauteurs — preuve éclatante que le soutien international à la position de principe de Kyiv reste fort. Tout cela témoigne du rôle croissant de l’Ukraine en tant qu’acteur de la politique internationale, capable non seulement de réagir aux défis, mais aussi de façonner l’agenda global.
Un moment décisif
La guerre de la Russie contre l’Ukraine est une épreuve non seulement pour le peuple ukrainien, mais aussi pour l’idée même d’un ordre international fondé sur des règles. Sybiha a été clair : l’incapacité de la communauté internationale à traduire la Russie en justice établira un précédent dangereux. Son appel représente une chance de transformer un système obsolète en un cadre plus souple, plus efficace et moralement cohérent.
La réforme du droit international humanitaire et la modernisation d’institutions comme l’ONU et les Conventions de Genève sont des tâches colossales. Elles exigent une volonté politique, une habileté diplomatique et un consensus mondial. Mais l’Ukraine ne se contente pas de critiquer : elle propose un leadership. Forte de son expérience, de sa souffrance et de sa détermination, elle s’érige en porte-voix de la justice dans un monde qui l’a trop longtemps ignorée.
En conclusion, le ministre a déclaré : « Le mal causé par l’agresseur ne doit pas rester impuni ». Ce n’est pas qu’une déclaration politique — c’est un impératif moral qui, aujourd’hui, doit unir le monde civilisé.