La Commission internationale indépendante des Nations Unies chargée d’enquêter sur la situation en Ukraine continue de recueillir des preuves des crimes commis par la Russie contre la population ukrainienne et de systématiser les données relatives aux personnes impliquées. Ce travail, entamé dès les premiers mois de l’invasion à grande échelle, couvre aujourd’hui des centaines d’épisodes démontrant que la violence, les déportations et les frappes contre les infrastructures civiles ne sont pas des incidents isolés, mais des éléments d’une politique d’État délibérée menée par Moscou.
Selon le dernier rapport de la Commission, les forces russes ciblent délibérément les infrastructures civiles sur la rive droite du Dnipro, y compris les quartiers résidentiels, les hôpitaux, les écoles et les installations énergétiques. Les experts de l’ONU soulignent que ces attaques n’ont aucune justification militaire : leur objectif principal est de contraindre les habitants à quitter leurs foyers, transformant les bombardements en instrument de déplacement forcé.
Dans plusieurs cas, ces frappes coïncidaient avec des annonces des administrations d’occupation russes concernant la « relocation volontaire » des civils. Ainsi, les soi-disant mesures humanitaires se sont transformées en mécanisme de déportation, dissimulé sous le prétexte de la protection des populations.
La Commission documente de nombreux cas de déportations, d’expulsions forcées et de séparation violente des familles. L’un des exemples les plus marquants concerne la région de Zaporijjia, où, en 2022, les troupes russes ont expulsé des familles entières de leurs maisons pour avoir refusé de coopérer avec les autorités d’occupation. Les habitants ont été contraints de quitter leurs villages sous la menace d’arrestation, et leurs biens ont souvent été confisqués.
Selon les témoignages recueillis, certains déportés ont été transférés dans des camps de filtrage sur le territoire russe, où ils ont subi interrogatoires, humiliations et violences. Ces faits, selon la Commission, constituent des crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
La Commission ne se limite pas à enregistrer des crimes isolés : elle identifie également les structures et les individus impliqués dans leur exécution. Le dernier rapport cite le général Mikhaïl Teplinski, commandant du groupement de troupes « Dniepr », et Valeri Guerassimov, chef d’état-major des forces armées russes, comme responsables de la planification et de la coordination des frappes de missiles et de drones contre des infrastructures civiles.
C’est une étape décisive : pour la première fois, une instance internationale établit formellement un lien direct entre les plus hauts responsables militaires russes et les crimes commis sur le territoire ukrainien.
La Commission des Nations Unies transmet les preuves recueillies au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, ainsi qu’à la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, qui a déjà émis des mandats d’arrêt contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova pour la déportation illégale d’enfants ukrainiens. Le nouveau rapport met l’accent sur les violences systématiques et les attaques répétées contre les civils.
Parallèlement, Genève et Bruxelles débattent de la création d’un Tribunal international spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine. Cette juridiction viendrait combler les lacunes du mandat actuel de la CPI, afin de juger le déclenchement même de la guerre — l’acte d’agression en tant que tel.
Les juristes internationaux soulignent que la documentation des crimes n’est pas une simple collecte de témoignages, mais la construction d’une base de preuves indispensable pour traduire les responsables en justice. Le bureau du procureur général d’Ukraine collabore activement avec la Commission, lui transmettant les matériaux d’enquêtes menées dans les territoires libérés.
L’enjeu dépasse les cas individuels : il s’agit de bâtir un système juridique international qui exclue à jamais l’impunité pour l’agression et le terrorisme d’État. Ce principe constitue le fondement même d’un futur ordre mondial fondé sur la sécurité et la justice.
La Russie tente de nier l’évidence, qualifiant ses crimes d’« opérations de représailles » ou de « frappes légitimes ». Pourtant, les faits recueillis parlent d’eux-mêmes : derrière chaque maison détruite, chaque enfant tué ou chaque famille déportée, il y a des ordres précis, des exécutants identifiables et un pouvoir responsable.
C’est pourquoi le travail de la Commission n’est pas seulement un acte de justice pour l’Ukraine — c’est aussi une épreuve morale pour la communauté internationale.
Le monde saura-t-il juger le mal — non par des mots, mais par des verdicts ?