Est-on condamné à des titres de presse régionale toujours plus concentrés, détenus par une banque (le groupe Crédit mutuel), un ministre (Jean-Michel Baylet), un affairiste (Bernard Tapie) ou peut-on faire le choix d'une autre presse locale, indépendante, qui n'a d'autre intérêt que celui de ses lecteurs ? Bien souvent, un seul grand journal domine outrageusement le paysage médiatique local, loin de l'impératif démocratique du pluralisme de la presse. Alors que les métropoles prennent de plus en plus d'importance, l'information y reste pauvre, souvent centrée sur les annonces sans recul et la chronique du sport et des faits divers.
Les journalistes se doivent donc d'imaginer une offre repensée, moderne, adaptée aux enjeux actuels. Depuis plus d'un an, nous portons à Marseille un journal en ligne sur abonnement, persuadés qu'à l'échelle d'une métropole de deux millions d'habitants, une offre d'information exigeante peut trouver sa place. Marsactu vit de cette ambition. L'aventure est prenante, le défi passionnant et l'enjeu important : prouver que l'on peut réinventer sur Internet une presse locale indépendante et viable.
Cela passe évidemment par des définitions éditoriales et économiques différentes, l'une et l'autre ne pouvant de toute façon pas être décorrélées. Il s'agit d'abord et surtout de réinventer la relation avec les pouvoirs locaux, notamment politiques. Ceux-ci ont l'habitude de voir leurs positions relayées régulièrement et souvent sans nuances tout en finançant la presse locale à coups de publicités et d'annonces légales. La pression sur les journalistes qui souhaitent faire leur métier sans concessions est chaque jour plus forte. Bref, la proximité entre les pouvoirs politiques et médiatiques est criante. Elle se manifeste encore régulièrement par des transferts de journalistes exerçant des responsabilités éditoriales vers les collectivités locales pour se mettre aussitôt au service de la direction politique, décrédibilisant alors l'ensemble de la professsion.
Le pari que nous prenons est celui des lecteurs. Sans publicité, sans financements locaux, nous remettons notre destin entre leurs mains. En s'abonnant, ils font de Marsactu leur journal. En retour, cela nous oblige éditorialement à produire chaque jour, des reportages, des enquêtes, des décryptages qui installent Marsactu comme une vigie sur son territoire. Ils sont nos juges. Nous leur offrons en parallèle un espace d'expression libre, l'Agora, pensé comme un carrefour du débat sur le territoire.
Mais il est clair que notre aventure comme d'autres tentatives ailleurs en France sont fragiles. S'installer face à des médias présents et puissants de longue date, avec forcément peu de relais dans les médias locaux, demande du temps. Nos moyens ne sont pas ceux de Bernard Tapie et de La Provence. Cela nécessite donc de trouver les moyens de cette pérennité. Jeunes journalistes, néo-entrepreneurs, nous n'avons pas les moyens d'assumer seuls financièrement les dépenses nécessaires au développement et à la pérennisation de notre journal.
Cette situation est celle de nombreux titres. Seul un élan citoyen peut leur permettre de vivre. C'est pourquoi nous solliciterons nos lecteurs pour leur proposer de monter pleinement à bord en devenant actionnaires. Marsactu, entreprise solidaire de presse, sera ainsi majoritairement la propriété de l'équipe éditoriale fondatrice et de lecteurs unis dans un même but : renouveler l'information locale. Sans doute, des investisseurs, eux-mêmes convaincus de la pertinence de ce projet, nous rejoindront-ils. L'espoir est d'ouvrir une brèche dans les monopoles ou duopoles locaux, de montrer que c'est possible. Et d'espérer susciter des envies, un peu partout sur le territoire. C'est aussi un enjeu démocratique.