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Billet de blog 20 décembre 2021

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Le lapin de Noël... Au pays des merveilles

Du Sapin au Lapin...Motordu Lapin vert enguirlandé Lapin blanc d'Alice au pays des Merveilles De l'imaginaire au monde réel , une voie vers la coopération , la fraternité, pour désamorcer le rejet et l'exclusion à l'école Des instits stagiaires témoignent modestement de petits moments merveilleux J'en fais, comme promis, un « signalement d évènements désirables »

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je veux rendre ici un hommage à ces professeurs des écoles stagiaires qui ont su parler et écrire sur leur métier, avec authenticité et en confiance, lors des groupes de parole proposés pendant leur formation. Il était nécessaire pour eux de partager les ressentis d'impuissance, la colère , voire le déni face au malaise des enfants non intégrés dans le groupe, rejetés et parfois violents , phénomène qui s'apparente au harcèlement ou qui le deviendra. De cette élaboration commune sont nés des écrits , témoignages d'une créativité retrouvée , écrits qu'ils ont accepté que je diffuse en préservant l'anonymat et en changeant les prénoms. Je n'ai pas pu les citer tous, mais tous sont présents en creux, car c'est de la solidarité, du non jugement , du partage des expériences de terrain que sont nés ces écrits dans la conflictualité parfois mais aussi dans la joie et la complicité de rire.

Leurs « motordus  » tordent  la novlange de l'éducation , et surgissent dans cette liberté de parole et de pensée. Une parole qui circule pour que l'institution reste vivante, en s'autorisant à « perdre » un peu de temps, en acceptant de se laisser surprendre et de rester sensible à ce qui arrive « sans l'avoir planifié » en surmontant la peur et les menaces multiples qui entretiennent un climat insécurisant peu propice aux apprentissages et à la vie en groupe.

S'autoriser à lire entre les lignes, à surfer entre les cases à cocher des référentiels déprimants et des compétences à mesurer... « Je t'aime grand comme une maison » dit l'enfant . Qui alors aurait l'idée de mesurer la superficie de la maison ? Tout ce qui est humain échappe à la mesure et c'est bien ce qui fait de ces témoignages de précieux enseignements . Ils relatent ces « changements limités mais considérables » ( Balint) qui en changeant les regards ouvrent de nouvelles voies de « bonnes voies » bien loin de la prescription des « bonnes pratiques » et des postures prescrites artificielles et en faux self .

Le lapin de Noël.

« Dans ma classe, un élève n’est pas beaucoup intégré. A la récréation il ne joue qu’avec un seul enfant qui est dans une autre classe. En classe nous travaillons sur « La belle lisse poire du prince de Motordu » Lors d’une séance d’art visuel , chaque élève doit représenter un mot « tordu » en lien avec l’album étudié en classe. Cet élève a choisi d’illustrer les mots « lapin de Noël » pour remplacer les mots « sapin de Noël ». Il a donc dessiné un lapin vert avec des guirlandes et des boules de Noël.

Quand il m’a montré son dessin, je lui ai dit que c’était très bien je lui ai demandé ce qu’il comptait faire ensuite. Il n’avait pas plus d’idée et sa voisine a commencé à discuter avec lui en disant que c’était un super dessin et qu’elle pensait que ça allait être le meilleur de la classe. Tous les élèves ont voulu voir son dessin et l’ont trouvé très bien réalisé. Ils ont commencé à lui donner des conseils :  « tu devrais faire une maison » « sur la maison tu pourrais dessiner le traîneau du Père Noël » « tu pourrais mettre des cadeaux à côté du lapin »... L’élève a présenté son dessin à la fin de la séance et tout le monde était fier de lui et l'a félicité.

Avant de partir ce soir-là, l’élève est venu me voir et m’a dit « tu as vu maîtresse, je ne suis pas nul ils ont aimé mon dessin ». Cela fait plusieurs mois que j’essaie de lui faire comprendre qu’il n’est pas nul, qu’il sait faire plein de choses et qu’il peut s’intégrer au groupe. A ce moment-là je me suis dit que c’était sur une bonne voie et que parfois, les choses arrivent sans les avoir planifiées . »

Ils me font pas la passe au foot !

« Léo en CM2 se sent exclu du reste de la classe . Il m'a confié avoir dit au psychologue scolaire qui le suit pour ses « troubles de comportement » : « Tout le monde me déteste sauf vous »

Lors d'une récréation, peu de temps après cet échange , il vient me voir dépité , les larmes aux yeux : « Madame, ils me font pas la passe au foot  »  J'ai interpellé les garçons leur demandant de faire la passe à Léo. .Pierre lui a lancé la ballon et j'ai encouragé Léo à courir après la balle et quand il a tenté de marquer un but je lui ai dit d'y aller,que je le regardais. But manqué ...mais Léo ravi.

J'ai continué mes encouragements quelques minutes puis je suis retournée sur le banc surveiller la classe. Avec un grande fierté envers eux, j'ai continué à les entendre  m'imiter  en encourageant Léo et en applaudissant lorsqu'il tentait de marquer un but .

Mes élèves ont compris que Léo se sentait rejeté et qu'il fallait l'encourager pour qu'il se sente davantage inclus dans le groupe .On est sur la bonne voie... »

Un moment magique avec mes élèves.

« Première mise en autonomie de toute la classe pour la réalisation de la carte de Noël . Abdou qui a une AESH pour son manque d'attention, de concentration, et pour son comportement a compris avant les autres le principe du pliage origami du sapin de Noël. Je lui ai donc confié la mision de l'expliquer à ses camarades et il a parfaitement accompli sa mission .

Premier laché prise de ma part en laissant chacun vaquer à ses occupations, sans débordement.

Fin de la séance avec le chant de Noël puis un chant demandé par Victor pour l'anniversaire d'Abdou : tous les enfants se sont mis à danser même les plus timides . C'était  magique »

Une révélation.

« J’ai instauré le conseil des élèves au sein de ma classe de CE2. Le premier conseil a eu lieu ce vendredi après deux mois d’école .

Et voilà que toi, qui depuis le début de l’année chahute beaucoup, toi qui es un peu provocateur mais qui est gentil dans le fond., toi qui n’es pas très intégré au sein de notre équipe, même parfois isolé à la récréation et un peu bagarreur pour te faire remarquer, eh bien tu as su te faire remarquer à bon escient et tu as été pris en compte lors de cet échange.

Chacun d’entre nous t’avons écouté, nous t’avons posé des questions sur ce que tu entendais par cette phrase notée sur ce bout de papier que tu as glissé dans l’urne « devenir plus forts ensemble ». Et pendant cet échange tu t’es dévoilé, tu as remarqué que les autres portaient de l’attention à tes dires.

C’est ce moment qui m’a le plus marqué jusqu’à aujourd’hui. Ça me montre la cohésion de la classe, chacun finalement y trouve sa place. »

Un petit bonheur de mon année de stagiaire

« Pendant les récrés me élèves, majoritairement garçons jouent au foot depuis le début de l'année. Ayant fait du foot dans mon enfance , j'ai joué avec eux .Ils étaient surpris mais très enthousiastes. J'ai ainsi réussi à insérer les filles dans le match de foot sans aucune remarque des garçons. Cela m'a permis de leur apprendre les règles de base.

Une élève de CM1 très timide a voulu jouer. Elle a pris le poste de gardienne et a reussi à arrêter un très beau but des adversaires. Les garçons ont été surpris de son arrêt « Maîtresse, elle est trop forte ! »

En jouant avec eux j'ai à la fois permis aux filles de jouer au foot avec les garçons mais aussi de montrer aux garçons que les filles peuvent être aussi « fortes » au foot.

Et de créer des liens dans le groupe. »

La confiance se gagne.

« C'est un petit garçon tout calme, tout timide , rêveur, fragile.Qui ne lit pas , qui se pense peut être un cas désespéré. Et qui ne parle pas et ne me regarde jamais trop longtemps .Pendant un mois j'ai fait de mon mieux pour lui montrer que je ne le juge pas, qu'il a le droit d'être dans la classe et que je suis là pour l'aider .Je l'impliquais en classe lui parlant de tout et de rien même si je savais qu'il ne répondrait pas. Je le traitais comme les autres malgré sa différence ( il est au CE2 avec un niveau début CP). Il aurait fallu que je sois toujours à ses côtés !

J'ai été émue lorsqu'après un mois d'efforts Mattéo est venu me voir pour me demander de l'aide. Pour la première fois, il a levé la main pour prendre la parole en classe et m'a regardée d'un regard qui voulait dire « Merci maîtrese de t'intéresser à moi ». Victoire !

Depuis septembre il est mon éléve et je suis enfin sa maîtresse.

La confiance se gagne...»

Un doigt sur la bouche.

« Emile est en moyenne section.Il parle en permanence mais pas très fort, il a du mal à se taire et à écouter les autres au regroupement.Quand je lui ai proposé de le mettre seul à une table pour réfléchir il n'a pas supporté et a hurlé. Je l'ai fait revenir et expliqué au groupe qu' Emile avait de la peine et qu'il fallait qu'on lui explique pourquoi on lui demande de ne pas parler en même temps que les autres. Les autres enfants ont été bienveillants et Emile a paru rassuré très rapidement. Il s'est calmé.

Ce sont les autres enfants qui m'ont amenée à agir ainsi. Ils se sont montrés spontanément solidaires avec lui. Quand un jour il parlait sans cesse alors que je leur lisais un livre je lui ai demandé de mettre un doigt sur sa bouche. Il a refusé et spontanément quelques enfants l'ont fait pour l'encourager. Il l'a fait aussi et a été attentif à la lecture . »

Un. Deux. Trois... Soleil.

Professeure des écoles stagiaires depuis septembre, j’effectue mon stage en responsabilité dans deux écoles. .Deux quart temps me sont donc attribués et c'est difficile de ne voir les élèves qu'un seule journée par semaine.

C’est lors d’une récréation que j’ai pu faire véritablement connaissance avec mes élèves du lundi alors que se jouait un léger différent.

Remarquant un attroupement d’élèves autour d’Aurore, assise par terre recroquevillée et pleurant à chaudes larmes, je me suis approchée en demandant aux enfants de s’éloigner et de nous laisser seules. Après avoir interrogé Aurore sur sa tristesse, la plus jeune de mes élèves m’a alors confié qu’elle pleurait car «  personne ne voulait jouer avec elle ». Hésitante d’abord, mais soucieuse du bien être de mon élève, je lui demande si la possibilité de jouer avec moi l’intéresse. A ce moment j’ai pu lire dans le regard d’Aurore à la fois de l’étonnement et de la joie. Bien évidemment elle répond : «oui ». Je lui demande alors à quoi elle veut jouer. Aurore choisit de jouer à :Un Deux Trois ...Soleil. Alors, devant ses camarades et mes élèves ? mais aussi devant mes collègues, nous avons commencé le jeu. Les élèves m’ont très vite sollicitée pour jouer avec Aurore et moi. Aurore, très heureuse de pouvoir jouer avec tous les élèves de la classe a accepté. Après quelques parties, j’ai laissé mes élèves continuer à jouer en m’éclipsant.

Le sourire d’Aurore était revenu et le mien apparut. C’est à ce moment précis que je me suis sentie légitime en tant que maîtresse dans cette école. Tout a changé depuis.Les élèves sont heureux de me voir le lundi. Il m’est arrivé de rejouer avec eux et je dois bien avouer que cela m’a servi de leçon. En effet, malgré la pression engendrée par cette année de formation, je me sens libre depuis lors d’être bienveillante avec mes élèves et j’assume totalement le fait d’aimer travailler avec des enfants.

Pour ce qui est d’Aurore , il arrive encore qu’elle soit mise de côté parce qu’elle connaît un décalage de maturité par rapport à ses camarades en raison de son âge mais cela ne dure pas, j’y veille… »

« Des changements limités mais considérables »

Des enfants regardés autrement par les adultes et donc par les camarades, pourront quitter progressivement l'identification à cette vision négative d'eux mêmes pour s'identifier à leurs pairs d'âge et faire pleinement partie du groupe : «  Tu vois je ne suis pas nul ils ont aimé mon dessin  »

Temps essentiels du jeu ensemble, de la récréation... à la re-création.

Des enfants qui s'apprivoisent et qui apprivoisent les adultes .

Eléves attentifs cherchent enseignants attentionnés.

Enseignants attentionnés cherchent institution attentive ...

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