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Billet de blog 14 novembre 2025

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Tribune sur l'opportunisme du Rassemblement National

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La dette ou la grande conjuration : comment le Front national veut transformer la détresse de la Nation en marchepied vers le pouvoir

Citoyens,
Peuple souverain, veilleur de l’Histoire, écoute ma voix :
Depuis des semaines, on brandit devant nous cette dette comme un spectre sorti des entrailles du chaos, comme une ombre gigantesque projetée sur les murs de notre République pour en assombrir les fondations.

Cette dette, cette chimère, cet artefact instrumentalisé !

On nous l’a jetée au visage pour nous faire croire que la maison France allait s’effondrer sous son propre poids, qu’il n’était plus de salut, plus de respiration, plus d’issue.

Mais je vous le dis : ce n’est pas la dette qu’on cherchait à vous faire redouter — c’était ceux qui prétendent la résoudre.

Car au milieu de cette tempête, un parti s’est glissé avec la précision du prédateur qui flaire la proie blessée :
le Front national.
Et qu’on ose parler de “Rassemblement national” !
Non : ce n’est pas en rebaptisant la bête qu’on transforme son venin [1].
Le loup ne devient pas agneau parce qu’on lui noue un ruban tricolore autour du cou.

Le FN ne veut pas éteindre l’incendie.
Il veut l’attiser.
Il veut le propager.
Il veut que les institutions vacillent, que la peur monte, que les fondations tremblent, car Weber et Arendt nous l’ont enseigné : là où règne le désordre, les extrêmes dressent leur trône [2].

La séquence institutionnelle que nous venons de traverser ?
L’une des plus graves sous la Vᵉ République.
Et quand enfin la tempête s’estompe, que se passe-t-il ?
La dette disparaît du débat public.
Évanouie. Dissoute.
Comme un spectacle qu’on range après avoir récolté les applaudissements de la panique.

Citoyens, peuple vigilant, vous ne devez pas vous laisser hypnotiser :
le FN n’offre que de fausses réponses à de véritables questions [3].

Ainsi, dévoilons le stratagème :
— l’illusion économique (I),
— la catastrophe annoncée (II),
— la panne morale qui sous-tend leur quête de légitimité (III).

I – Des propositions forgées dans l’illusion, présentées dans la solennité, et qui s’effondrent sous la lumière du réel

Le FN veut “rembourser la dette”.
Rembourser… une dette que même les grandes puissances ne remboursent pas !
Aucun pays de l’OCDE ne le fait [4] ; les ratios dépassent les 110 % [5] ; les États roulent leur dette, comme toutes les nations modernes [6].

Mais le FN s’accroche à une vision ossifiée, pétrifiée, sortie des temps westphaliens [7].
Une conception de la souveraineté si archaïque qu’elle semble exhumée d’un traité poussiéreux de Carré de Malberg [8].
Une souveraineté d’archives !
Une souveraineté de vitrine !

Puis vient la liturgie des « 3 % ».
Ah, ces 3 % nés d’une improvisation bureaucratique dans les couloirs de Bruxelles [9] [10].
Et les voilà devenus article de foi pour un parti qui prétend rompre avec l’Europe.
Quelle incohérence sacrée !

Ramener un déficit de 5,8 % [11] à 3 % en cinq ans ?
Il faudrait coupes massives, amputations sociales, sacrifices budgétaires.

Mais jamais le FN n’ose nommer les vraies dépenses : retraites, santé, éducation [12] [15].
Il préfère promettre des économies imaginaires en s’attaquant à des postes marginaux.
Quant à la théorie du ruissellement, on la croyait enterrée avec Reagan ; ils la réveillent comme une relique naïve [13].

Ce n’est pas un programme.
C’est une tapisserie d’illusions.

II – Des mesures qui, loin de réparer la République, risqueraient de la fracturer en mille éclats

Le FN promet des milliards d’économies.
Mais les dépenses de fonctionnement ? Dérisoires [14].
Les grandes masses ? Incompressibles [15].
Et l’immigration, ce totem qu’ils agitent comme une incantation magique :
même en supprimant toutes les aides, l’impact serait microscopique.
Car les immigrés contribuent de 7 à 10 % du PIB [16] [17].
Les exclure, c’est réduire le PIB.
Réduire le PIB, c’est faire monter la dette.

Et leur austérité sociale ?
Elle tuerait la consommation, assécherait les recettes TVA — c’est le paradoxe keynésien [18].

La croissance qu’ils promettent ne dépend pas d’eux mais :
— du marché mondial,
— de l’inflation,
— de la BCE [19].

La France a déjà été dégradée [20].
L’arrivée d’un parti extrême au pouvoir ferait s’élever la prime de risque, grimper les taux, exploser la charge d’intérêt [21].
Leur remède ?
C’est du poison.

Ils ne répareront pas la République :
ils la mettraient au bord de l’asphyxie [22].

III – La dette comme cheval de Troie : comment le FN cherche à se forger une respectabilité de carton

Ne nous trompons pas :
si le FN s’est saisi de la dette, ce n’est ni par vertu, ni par lucidité.
C’est par stratégie.
C’est par calcul.
C’est par opportunisme froid.

C’est la tactique des extrêmes :
s’emparer d’un sujet technique pour se draper dans l’illusion de la maîtrise [23].

Les politistes l’ont décrit :
le FN utilise désormais l’économie comme un costume [24],
une parure de “responsabilité”,
un déguisement républicain.

Depuis 2017, le paysage politique déchiré leur a ouvert une brèche [25].
Et ils s’y sont engouffrés avec la voracité d’un parti qui voit la lumière du pouvoir scintiller au bout du couloir.

En parlant dette, ils veulent se prévaloir de la “gouvernementalité” — ce que Foucault a si finement disséqué [26].

Et puisqu’ils n’ont jamais gouverné, ils peuvent tout critiquer sans rien assumer [27].

Ils ont mis entre parenthèses leurs obsessions identitaires pour apposer un vernis économique [28].
Un masque.
Un maquillage.
Un décor de théâtre.

Mais leurs propositions sont fragiles, irréalisables, bancales.
La dette n’est pour eux qu’un instrument.
Un outil.
Une incantation.

Citoyens,
France,
République des Lumières :

ne laissez jamais ceux qui prospèrent dans l’ombre prétendre défendre la lumière.

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