Est-ce un effet collatéral de WikiLeaks? Carl Bildt, le ministre des Affaires Étrangères suédois, a en tout cas décidé de rendre publics des documents diplomatiques auparavant confidentiels
échangés entre le siège du gouvernement suédois à Stockholm et ses services diplomatiques à Moscou, Saint-Pétersbourg et dans les capitales des pays Baltes, dans les mois précédant la chute de l'URSS à la fin de l'année 1991.
Intitulés « Un Empire qui implose », ces documents ont été publiés jeudi dernier, à l'occasion d'une conférence à l'Institut Suédois des Affaires Internationales. 90 documents et 400 pages de communications diplomatiques sont désormais librement accessibles au public sur Internet, à la manière des fameux télégrammes diplomatiques de WikiLeaks.
« Ces documents sont uniques, et la décision de les publier l'est tout autant. Ils nous permettent de voir comment notre diplomatie fonctionne lorsqu'elle est à son meilleur niveau. » a déclaré Carl Bildt.
Quelques phrases 'chocs' ressortent de ces documents. En pleine tentative de putsch contre Gorbatchev, en août 1991, l'ambassadeur de la Suède à Moscou, Örjan Berner écrit : « je ne veux pas dramatiser, mais à ce stade je dois souligner qu'il y a un risque clair de guerre civile ».
Mais de manière générale ces documents n'apportent pas grand chose de nouveau, et permettent simplement de mieux comprendre le regard bienveillant que la diplomatie suédoise portait sur l'effritement de son grand voisin soviétique et sur l'émergence de pays baltes indépendants. Dans une interview à la radio suédoise, Malcolm Dixelius, alors correspondant de la télévision suédoise à Moscou a estimé que « la faiblesse de ces documents, c'est qu'ils ne racontent qu'une histoire à sens unique, ce que les diplomates sur le terrain ont raconté au ministère. Mais rien sur comment cela a été analysé, comment la politique étrangère de la Suède en a été impactée ».
Pas sûr pour autant que ce ne soit qu'un coup dans l'eau. La date de publication de ces documents n'est pas anodine, et intervient dans un contexte délicat pour la diplomatie suédoise.
Dans la foulée de sa victoire aux élections en septembre, la coalition de centre-droit a annoncé une série de coupes budgétaires, qui affecteront notamment les ambassades à l'étranger et de nombreux services diplomatiques suédois devraient fermer leurs portes.
Cette politique de rigueur a pris du plomb dans l'aile lorsque, samedi dernier, une étude commandée par le Parlement soulignait que de nombreuses économies pouvaient être réalisées non pas en fermant des ambassades à l'étranger, mais au sein du Ministère, à Stockholm, notamment en réduisant les effectifs ou en transférant certains services (le commerce international notamment) dans d'autres ministères.
L'opposition a elle aussi donné de la voix contre cette réforme, soulignant que ces fermetures seraient très dommageables pour l'image de la Suède dans le monde et priveraient le pays de nombreux atouts diplomatiques.
Ce n'est ni plus ni moins que ce que soulignait Lars Fredén, consul suédois à Riga pendant la chute de l'URSS, lors de la publication des télégrammes diplomatiques : « nous étions en sous-effectifs, notre compréhension de la situation était imparfaite et inadéquate. Nous aurions pu avoir une meilleure image de ce qu'il se passait. Nous aurions pu faire bien davantage, nous n'étions jamais des acteurs, seulement des témoins » a-t-il déclaré à la Sverigesradio.
La crise de la diplomatie suédoise est profonde, entretenue par les coupes budgétaires drastiques depuis quelques années et l'arrivée au pouvoir de Fredrik Reinfeldt et du centre-droit. Depuis six mois, le poste d'ambassadeur de Suède en Espagne, pourtant destination plébiscitée par les citoyens du Royaume, est vacant, faute de remplaçant.
Dans une diplomatie en crise, pas sûr que le contrefeu cette publication de documents fasse illusion bien longtemps.
M.U.
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