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Nous avons eu accès à la lecture du pv de police de l’intervention du 5 septembre dans l’école spécialisée de Nalinnes lors d'une rencontre avec une structure qui est en lien avec le parquet de Charleroi. Ce PV indique qu’à l’arrivée de la police, Mathis était maintenu par un ouvrier de l’école (à la demande de la direction). Deux policiers se sont ensuite rendus dans le bureau de la directrice pour un briefing opérationnel à l’issue duquel les deux policiers ont plaqué Mathis contre le mur. Cette source tierce remet fondamentalement en cause la version de l’école qui est jusqu’ici aussi la version de WBE. Comme Mathis et sa maman ne cessent de le clamer depuis maintenant quasiment un mois, Mathis n’était pas en « crise aiguë » pendant plus de 2h. A l’arrivée de la police Mathis était calme et cette intervention n’avait donc pas pour mobile d’aider l’école à gérer cette supposée « crise ».
Cet élément nouveau dans le dossier de l’affaire Mathis révèle que la directrice de l’école de Nalinnes a fourni une version erronée à la presse mais aussi à WBE. La Ministre Caroline Désir n’était donc, au moment de la commission Éducation du 19 septembre dernier, pas en disposition d’éléments parcellaires mais bien d’informations fausses transmises par l’école. Il apparaît donc aujourd’hui évident que la version présentée par l’école de Nalinnes visait à couvrir les exactions et violences négrophobes subis par Mathis de façon à faire croire que le cadre de la circulaire n° 5643 du 4 mars 2016 relative aux « Mesures de contention et d’isolement dans l’enseignement » aurait été respecté.
A l’aune du PV de police, il devient aujourd’hui patent qu’il n’y a pas deux versions contradictoires, celle de l’école et celle de Mathis et de sa maman, mais il y a une version tronquée, celle de la direction de l’école de Nalinnes qui fait état d’une « crise aiguë de 2h » de façon à couvrir la brutalité institutionnelle et donc la responsabilité pénale et civile de l’établissement. Cette version ne fait pas l’épreuve des faits, elle ne résiste même pas à la lecture du pv de police. Mathis était calme au moment de l’intervention de cette dernière, il était contenu par un ouvrier de façon prolongée à la demande de la direction. L’action de la direction de l’école de Nalinnes face à la colère de Mathis produite par l’injustice face aux propos racistes qu’il a subi, à sa mise à l’écart et à l’inaction des encadrants est marquée du sceau d’une volonté de vengeance et d’humiliation. A la sortie du briefing avec la police, deux policiers collent Mathis contre le mur et la directrice lui annonce qu’elle va tout faire pour le renvoyer de cette école. La suite est connue (cf. vidéo).
Devant la gravité des faits, un rendez-vous a été pris avec le cabinet de Caroline Désir. Les éléments nouveaux, la chronologie circonstanciée des faits et l’analyse des graves manquement et abus relatifs au non respect de la Circulaire n° 5643 du 4 mars 2016 sur les « Mesures de contention et d’isolement dans l’enseignement » ont été présentés en présence du DGDE. Le cabinet a pris bonne note de ces éléments nouveaux et a écouté attentivement les données factuelles présentées par le Comité de soutien. A l’issue de cette rencontre nous espérons que la ministre de l’Enseignement et WBE prendront les mesures qui s’imposent.
Rappel des revendications
- Mathis fait toujours l’objet de poursuites pénales à l’information judiciaire devant le parquet de Charleroi pour « indiscipline » et « mis en danger ». Ces poursuites sont la conséquence d’un briefing entre l’école et la police qui a eu lieu juste avant que deux policiers ne collent Mathis contre le mur, en lui maintenant la tête violemment contre le mur, lui faisant chacun une balayette et le plaquant au sol au moment où la directrice annonçait à Mathis son renvoi de l’école. Ensuite la police a rédigé un PV à décharge de l’école et à charge de Mathis sur cette base. Une policière a d’ailleurs menacé la maman de dresser un PV contre Mathis, ce qui fût fait. Nous continuions à exiger la fin de toutes poursuites contre Mathis par un classement sans suite du procureur du roi de Charleroi, Vincent Fiasse.
- Lorsque la police est arrivée à l’école spécialisée de Nalinnes à la demande de la direction, Mathis était déjà maintenu par un ouvrier de l’école. Lorsque l’ouvrier a voulu relâcher Mathis, c’est la directrice de l’école qui a demandé à ce que la mesure de contention se prolonge jusqu’à l’arrivée de la police. Dès lors, lorsque la police est arrivée à l'école, Mathis était calme et contenu. Une policière à ensuite maintenu Mathis sous surveillance pendant que deux autres policiers participaient à un briefing avec la direction au cours duquel la brutalité policière semble avoir été commanditée. A aucun moment le papa, la maman de Mathis et son conjoint n’ont été prévenus des mesures de contention exercées. Aucune mesure alternative n’a été mise en œuvre par l’école pour répondre à la colère de Mathis. Lorsque les deux policiers tombent sur Mathis à la sortie du bureau de la directrice, il n’y a aucune nécessité d’exercer une mesure de contention, la fameuse « crise aiguë » est déjà terminée depuis longtemps. Cette brutalité institutionnalisée et policière jusqu’au placage ventral et aux provocations (« si ta maman fait la maligne, on va la plaquer au sol », « je veux que ta maman te vois dans cette position », « Madame c’est un gangster », « tu insultes maman à la maison », « madame je ne vous parle pas », etc.) est marquée par une profonde volonté d’humiliation et de vengeance.
- A aucun moment les mesures de contention exercées par l’école via un ouvrier à la demande de la directrice et par la police ne respectent le cadre de la Circulaire n° 5643 du 4 mars 2016 relative aux « Mesures de contention et d’isolement dans l’enseignement ». Mathis dans son récit du plaquage ventral parle de « problèmes respiratoires » et de « fausses déglutitions », ce qui correspond précisément aux facteurs à risque évoqués par la circulaire (3.1.). Le policier continue pourtant d’exercer le placage ventral de longues minutes. Que ce soit du point de vue de l’information, de la communication, de l’extrême nécessité, de l’imminence, de l’échec de mesures alternatives, du débriefing, etc. les mesures de contention réalisées contre Mathis que ce soit par l’école ou par la police sont de part en part brutales, hors cadre, disproportionnées et illégales. Nous demandons que Wallonie Bruxelles Enseignement assume ses responsabilités en tant que PO de l’école et condamne avec la plus grande fermeté la direction de l’école.
- La technique du « plaquage ventral » utilisée contre Mathis est une technologie d’appréhension policière extrêmement dangereuse. Générant une compression du thorax ou de l’abdomen, l’usage du plaquage ventral peut mener à la mise à mort de la personne immobilisée par asphyxie si la position est prolongée ou si d’autres facteurs de risques sont conjugués. L’asphyxie provoquée par cette méthode d’immobilisation policière est pointée par de nombreuses études médicales comme étant la cause de l’augmentation significative du nombre de personnes tuées en détention policière depuis le début des années 1980 (« Asphyxie positionnelle : une cause de décès insuffisamment connue », Revue Médicale Suisse, Bettina Schrag, Sébastien de Froidmont et Maria-del-Mar Lesta, 303 (2011), pp.1511-1514 ; « Death in Custody : A historical analysis », Journal of Forensic Sciences, J.R. Grant, P.E. Southall, D.R. Fowler, J. Mealey, E.J. Thomas, T.W. Kinlock, 52(5), septembre 2007, pp. 1177-1181). Raison pour laquelle cette technologie policière est interdite à Los Angeles depuis les années 1980 ainsi qu’à New-York depuis 1993. Si l’assassinat de George Floyd par le policier Derek Chauvin a entraîné un soulèvement mondial contre cette technique meurtrière et l’impunité des crimes policiers racistes, Lamine Bangoura est assassiné par un placage ventral sous le poids de quatre policiers de Roulers le 07 mai 2018. Nous demandons la pénalisation de cette technique d’immobilisation policière (plaquage ventral et clé d’étranglement) au risque létal très important et à plus forte raison contre des mineurs. Nous attendons sur ce point une déclaration ferme du Délégué Général aux Droits de l’enfant.
- Lors d’une rencontre entre le Directeur Général aux Droits de l’Enfant et le P.O., Julien Nicaise, administrateur général de WBE, a estimé que « L’école a respecté les obligations requises » (circulaire 5643 du 4 mars 2016). Nous demandons que Julien Nicaise revienne sur ses propos et prenne acte de la version de Mathis et sa maman, du PV de police ainsi que de la plainte déposée par Rita, la maman de Mathis. Nous demandons qu’une enquête indépendante soit réalisée au niveau du respect de la circulaire et que des mesures soient prises pour que ce type d’abus ne puissent plus se reproduire dans l’impunité.
- En commission Éducation du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, la ministre de l’Enseignement Caroline Désir a repris la version de l’école et fourni des éléments à décharge de celle-ci alors qu’elle affirme elle-même ne pas disposer de tous les éléments. Nous demandons au vu des actes de partialité commis jusqu’ici pour protéger la direction de l’école et sa version mensongère que Caroline Désir reprenne en main le dossier dans un souci de respect du principe du contradictoire et de la circulaire sur les mesures de contention. Nous attendons également de la part de la ministre, une prise de position forte relative à l’usage discriminatoire et inhumain de telles mesures à visée d’humiliation dans l’enseignement spécialisé.
- L’affaire Mathis met aussi en lumière la façon dont la fabrique de dossiers disciplinaires dans l’enseignement spécialisé qui instaurent des profils racialisés de « délinquants », de « brigands », etc. joue un rôle central dans la débauche de violences négrophobes contre de jeunes enfants noirs. Le racisme à l’école est d’abord l’œuvre d’un racisme scolaire constitué sur la fabrique de l’anormalité, racisme exacerbé contre les enfants noirs, arabes ou rroms. Nous demandons que le dossier disciplinaire contre Mathis qui risque de le poursuivre dans sa scolarité soit revu à l’aune du principe du contradictoire et de la responsabilité de l’école. Nous demandons la fermeture du dossier ouvert au SAJ pour les faits relatifs au 5 septembre qui ne sont pas allégués. Mathis n’a pas à porter la trace dans son dossier disciplinaire des fautes commises par l’école d’enseignement spécialisé de Nalinnes du 5 septembre et de la mauvaise conscience de WBE.
Comité de soutien #JusticePourMathis