Une requête[1] auprès de la Cour européenne des droits de l’homme qui vient d'être publiée rappelle à qui voudrait l’occulter que la pratique indigne du placement d’enfants en centres de rétention est toujours actuelle dans notre pays qui pourrait bien se voir, une nouvelle fois, condamné pour ces enfermements aux terribles conséquences. La requête concerne, en effet, le placement dans le centre de rétention administrative de Metz-Queuleu d’un couple et de leur enfant mineur, âgé de huit ans au moment des faits, et ce pendant quatorze jours.
Il ne s’agit nullement là d’un cas isolé d’une pratique en voie de disparition. Comme l’a, en effet, souligné le rapport annuel de La Cimade[2] , en 2019, 3380 enfants ont été enfermés dans les centres de rétention administrative, soit plus du double par rapport à 2018 (1429).
Les condamnations de la France par la CEDH ont beau se suivre, notre pays persiste et signe dans cette pratique indigne.
En 2012, la CEDH rappelait ainsi à la France (arrêt Popov contre France du 19 janvier 2012) que le placement de deux enfants – âgés respectivement de cinq mois et trois ans – dans un centre de rétention administrative durant quinze jours en compagnie de leurs deux parents violait les articles 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants), 5 (droit à la liberté et à la sûreté) et 8 (droit au respect de la vie familiale) de la convention européenne des droits de l’homme. François Hollande, candidat, s’était alors engagé « à interdire les placements en rétention des familles avec enfants dès mai 2012, au nom de l’intérêt supérieur des enfants qui doit primer ». Une circulaire du 6 juillet 2012 encadrant cette pratique a de fait permis initialement de la limiter en métropole (64 mineurs en 2013 contre 312 en 2011). Mais, après une baisse initiale, les chiffres sont ensuite repartis à la hausse. En 2015, ce sont 105 enfants ont ainsi été placés avec leurs parents en CRA pour aboutir aux 256 placements de 2017 (et ces données concernent la métropole et ne tiennent pas compte, par exemple, de la situation dramatique de Mayotte, où 4 300 enfants sont passés en 2016 par des centres de rétention). Le 12 juillet 2016, la CEDH condamnait de nouveau la France pour avoir contrevenu à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme selon lequel « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » en raison du placement d’enfants étrangers en centre de rétention administrative.
En 2017, à l’occasion de la loi « Asile-Immigration » de nombreuses voix demandaient aux parlementaires de faire passer un amendement d’interdiction. Rien n’y a fait. Des enfants continuent donc à subir cette expérience très traumatisante, quelle que soit la durée, celle-ci étant même potentiellement plus longue, le projet de loi ne prévoyant pas d’exception à l’augmentation de la durée maximale de rétention.
Alors que nul n’ignore les conséquences désastreuses de ces placements entre murs et barbelés pour des enfants aux conditions de vie déjà très difficiles, nous ne serons jamais assez répétitifs ni assez nombreux pour dénoncer cette pratique, totalement contraire à l’intérêt de l’enfant. Il en va, tout simplement, de la crédibilité de notre humanisme. « Il nous appartient de veiller tous ensemble à ce que notre société reste une société dont nous soyons fiers » écrivait Stéphane Hessel : ce n’est tout simplement pas compatible avec des enfants enfermés dans des centres de rétention.
[1] https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22:[%22001-208833%22]}
[2] https://www.lacimade.org/publication/?type-publication=rapports-sur-la-retention-administrative