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Billet de blog 11 août 2017

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AUTONOMIE OU AUTORITE DECENTRALISEE ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un nouveau ministre arrive et le monde enseignant est suspendu aux nouvelles mesures qui ne manqueront pas de bouleverser les précédentes, voire annuler des fonctionnements récemment mis en place.

Ballotés par les différentes réformes, les enseignants ne cessent de s’adapter et sont accusés dans le même temps d’être responsables de l’échec de l’institution scolaire, pointé par les enquêtes successives PISA.

Pourtant un bon nombre parmi les jeunes enseignants aspirent à plus de liberté dans leur pratique. Certains, de plus en plus nombreux, s’engagent dans des pratiques différentes, vers un renouveau éducatif où les mots « implication », « coopération », « émancipation » font écho aux mots « bienveillance », « écoute », « respect »…

Ce renouveau éducatif est entretenu grâce à des livres, des films, des conférences, des vidéos, des MOOCs, des formations… qui attirent un public de plus en plus large : enseignants, mais aussi parents, animateurs, formateurs… Un collectif informel et invisible qui échange aussi sur les réseaux sociaux, se forme pendant les congés, réfléchit… dans une société qui bouge.

Souvent seuls dans leurs classes, les enseignants expérimentent des approches et des méthodes qui changent réellement leur pratique et leur relation aux élèves, dans un souci non seulement de lutter contre l’échec scolaire mais aussi d’apporter du bien-être, de la confiance en soi, du plaisir dans la vie des jeunes en situation d’apprentissage.

Rarement sur le terrain ces démarches sont reconnues et soutenues par l’Education Nationale.

Quand le ministre, Jean-Michel Blanquer, annonce son intention de rendre les établissements scolaires autonomes, faut-il s’en réjouir ? De quelle autonomie parle-t-on ?

Dans un entretien livré dans le journal La Croix le 28 juin 2017, le ministre y définit l’autonomie comme « une liberté adossée à la responsabilité et à la confiance. Confiance en soi et confiance les uns envers les autres ». Il affirme son intention de « soutenir et accompagner les équipes qui auront la possibilité de définir elles-mêmes leur chemin ». Et termine par une exhortation aux enseignants : « vous disposez d’un pouvoir d’initiative et de responsabilité. Saisissez-vous-en ! ».

On ne peut qu’abonder dans son sens !

Malheureusement cet élan est vite tempéré quand on aborde la dimension plus concrète. Car le ministre donne quelques pistes : « il serait efficace, par exemple, qu’un enseignant se charge, au sein de son établissement de coordonner les « devoirs faits », de piloter « l’évolution numérique » ou encore « un grand domaine disciplinaire »…  Quant aux « compétences fondamentales » qu’il faudra « ancrer » dès les premières années d’école, il en profite pour évoquer « un spectre de méthodes qui fonctionnent », révélées par « des recherches nationales et internationales de très haut niveau ». Des écoles soutenues financièrement par l’association Agir pour l’école expérimentent déjà la méthode de lecture phonologique censée régler l’échec scolaire …

Bref, le ministre sait comment occuper les enseignants ! Les former ! Les évaluer !

L’autonomie, conçue comme « une liberté adossée à la responsabilité et à la confiance », est pourtant une occasion pour le ministre d’accorder une responsabilité aux enseignants quant au choix et la gestion des projets à mettre en œuvre, et de faire confiance à ceux qui souhaitent s’engager dans un vrai travail d’équipe autour du renouveau éducatif.

Pour cela, il faudrait non seulement nommer, comme le propose J-M. Blanquer, les enseignants sur profil de poste mais aussi définir collectivement un projet et constituer un Comité de pilotage formé d’enseignants, de parents, d’animateurs, d’élus et de représentants de l’Education nationale, qui pourrait recruter les enseignants, chefs d’établissement, animateurs, et évaluer le projet et l’équipe enseignante à l’aide de critères élaborés collectivement… Une sorte de Conseil d’établissement dont le mode de gouvernance donnerait à chacun le même poids dans les décisions, avec une personne, distincte du chef d’établissement, élue comme représentante du groupe.

Le ministre aura-t-il la volonté d’accorder cette forme d’autonomie aux enseignants ? Ou bien s’agit-il pour lui de décentraliser l’autorité d’un système trop lourd à gérer ? Pour continuer à faire (voire imposer) ce qui ne marche pas ?

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