La théorie de l'autodétermination en psychologie, est une théorie de la motivation qui pousse les êtres humains à agir sans aucune influence ou interférence externe de façon à répondre à leurs besoins psychologiques innés.
Plusieurs études importantes, en particulier les recherches sur la motivation intrinsèque, soulignent « l'origine de la poursuite par un individu d'une activité parce qu'elle lui procure une satisfaction en elle-même, au contraire de la motivation extrinsèque, où l'activité est poursuivie en vue d'atteindre un but externe à celle-ci. »
Devant la menace d’une droitisation de la politique en général et de l’éducation en particulier, nous avons le devoir collectif, comme le suggère Peter Wagner dans son livre « Sauver le progrès »*, de « penser le progrès de demain » et « redéfinir ce que pourrait être un futur désirable pour celles et ceux qui souffrent du présent. »
Il devient urgent et impératif de concevoir un renouveau éducatif, au-delà des alternances politiques.
Etat des lieux
L’Ecole a du mal à se détacher du prisme des savoirs et de son cortège de notation, d’évaluation et de compétition, pour se pencher sur l’enfant dans son individualité et son unicité. L’enfant dans son milieu social et culturel qui lui est propre, et dans un contexte économique, social, écologique local et global : à l’échelle de son quartier, son village ou sa ville, en interaction avec la planète.
Les différentes réformes et l’acharnement administratif ont épuisé le corps enseignant dans son ensemble. Les difficultés vécues et ressenties par les professionnels de l’éducation dans les quartiers populaires ne sont pas prises en compte par la hiérarchie. L’inquiétude liée aux attentats et aux périls écologiques réclame une remise en question de l’éducation, telle que nous l’avons conçue au 20ème siècle dans une perspective de progrès constant et dans la mémoire du Siècle des Lumières…
Nous savons tous aujourd’hui quel impact ont nos états psychologiques sur notre santé et sur nos capacités à agir, à atteindre nos objectifs. Pourtant l’éducation nationale se révèle incapable de traduire ce qui semble évident pour la société contemporaine dans la pédagogie et l’organisation du système éducatif.
Définir un futur désirable
Dans cet état d’abattement et d’inquiétude, certains d’entre nous veulent retrousser leurs manches pour agir. Mais comment s’y prendre ?
Selon Laurent Frajerman, chercheur spécialiste de l'engagement enseignant, au Centre d’histoire sociale du XXème siècle, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne **, "l’autonomie des équipes éducatives est souvent confondue avec la liberté pédagogique, alors qu’elle la restreint au bénéfice d’un travail collectif. Elle suppose une envie partagée des enseignants de s’investir dans un travail en équipe durable et de se constituer en pouvoir propre au sein de l’établissement. Elle implique d’alléger les pouvoirs du chef d’établissement ".
La nomination d'un comité de pilotage, constitué des différents acteurs éducatifs, avec responsabilité devant le conseil d’administration ou Conseil d'école, dont le principal de collège ou directeur d'école ne serait plus le président élu.
Une réflexion et une mise en œuvre de pratiques qui prennent en compte l’enfant dans sa globalité, en rupture avec l’approche de la réussite scolaire liée aux seuls savoirs, discriminante pour une partie de la population moins acculturée que l’élite qui bénéficie du fonctionnement actuel du système éducatif.
Des approches telles que la pédagogie de projet, les intelligences multiples, la classe inversée, les pédagogies Freinet, Montessori, Steiner… sont à visiter pour en tirer les principes d’une éducation renouvelée capable de dépasser les menaces extrémistes, les positions de repli, les dangers liés au réchauffement du climat …. Une éducation à la paix pour l’émergence d’un éco-citoyen du monde, respectueux de lui-même, des autres et de la planète.
Une implication des enfants
Une éducation à la paix se distingue radicalement de « l’enseignement laïque de la morale » conçu en relation avec le conseil supérieur des programmes comme « l’appropriation libre et éclairée par les élèves des valeurs qui fondent la République et la démocratie ». Un enseignement qui n’implique que le fonctionnement rationnel « cerveau gauche » ne peut aboutir à une réelle transformation de notre société vers plus d’humanité.
Cet objectif ne peut être atteint qu’en passant par un vécu, un ressenti dans une relation à l’autre. C’est pourquoi le concept de pédagogies actives est à creuser pour qu’il soit réellement une mise en situation, une implication de l’élève dans des actions qui le motivent et donnent du sens aux apprentissages. Le fonctionnement par projet ajoute la notion de collectif quand il se veut action de transformation dans la vie de l’établissement (aménagement d’une cour, repas à la cantine, choix des activités de « récréation »…), dans l’organisation citoyenne (modes de déplacements sur le trajet maison-école, tri des déchets, création d’un compost…) ou dans la lutte contre le réchauffement climatique (circuit court de l’alimentation, réduction de consommation électrique, sensibilisation à l’écologie (bois exotiques, pillage du sable, pollutions automobiles, entrants chimiques, énergies fossiles…)
Réaliser des projets en petits groupes amène les élèves à confronter leurs idées, leurs modes opératoires, leurs fonctionnements mentaux, à élaborer des stratégies communes et à chercher les consensus adaptés aux situations. Dans ces situations, ils expérimenteront, avec l’aide de l’adulte, l’apprentissage d’une communication bienveillante, d’un respect de la différence, de l’entraide, du bien commun, de l’écoute et de la tolérance.
Implication de l’Etat
Mais comment concilier ce mouvement en émergence avec l'arrivée de notre nouveau ministre, étroitement lié à l'Institut Montaigne, partisan d'une "liberté bien conçue" ? Qui prône une "autonomie" des établissements: de quelle autonomie s'agit-il ?
Quelles seront les énergies et les motivations mobilisées pour agir ensemble et pour la réussite et le bien-être de tous les enfants?
Peut-on imaginer une « Maison » de l’Education, ouverte à tous...dans une interaction des savoirs chauds (le vécu et le sensible) et des savoirs froids (la théorie et l’approche intellectuelle) ?
*chez La Découverte
**Il travaille pour l'Institut de recherches de la FSU. Il est membre du SNES-FSU.