 
    Agrandissement : Illustration 1
 
                    "La lune n'existe pas. C'est une projection sur l'écran de la sphère qui entoure le monde. La preuve : quand elle est pleine, c'est toujours la même image, alors que s'il s'agissait d'une autre sphère céleste, elle tournerait. Et parfois ça brille autour, alors que si elle était dans l'espace ce serait un noir mat tout autour. Dans un endroit tenu secret, il y a un laser géant qui projette l'image de la lune dans le but..."
César se demanda s'il y avait réellement des gens qui croyaient ça. Il trouvait que le texte n'était même pas très bien rédigé. Le graphisme, représentant un gros tube laser semblable à un canon projetant une image de lune, était soigné, mais César y sentait la patte d'une IA. Il scrolla pour voir le post suivant, mais cette nouvelle théorie du complot l'intriguait. La sphère qui entoure le monde? Comment expliqueraient-ils sont existence? Elle aurait été construite ou se serait formée naturellement? César revint sur le post précédent, cliqua dessus pour en savoir davantage. Le site s'ouvrit dans un nouvel onglet, déposa quelques cookies auxquelles César ne prêta nulle attention. Un lien, qu'il prit pour un lien interne au site qu'il visitait, était en réalité un lien de téléchargement et un document s'ouvrit. César y trouva sa réponse. Dieu avait créé cette sphère pour tenir l'homme à l'écart du jardin d’Éden, après sa chute. Un sourire amusé aux lèvres, César ferma le document et l'onglet. Il attribua un smiley "mort de rire" au post conspirationniste, pour le dénigrer, puis poursuivi son exploration du réseau social qu'il visitait. Le document demeura dans le cache de son appareil et le code contenu dans ce document s'exécuta en tâche de fond.
Kevin vit le smiley déposé par César et cliqua sur le post qu'il aurait autrement ignoré.
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Bien que les lumières stroboscopiques aient tendance à augmenter l'excitation liée à un événement ou à une présentation, les risques qu'ils peuvent représenter l'emportent largement sur l'événement lui-même. Ne regardez pas directement dans une lumière stroboscopique. En regardant loin de la zone éclairée vous accordez une pause à votre vision, pause qui vous permet de vous concentrer sur ce qui est réellement présent dans votre environnement.
Le virus se fraya un chemin jusqu'au GPU (Graphics Processor Unit ou unité de traitement graphique) et l'écran de César se mit à clignoter, à une fréquence trop rapide pour être perçue consciemment.
Les lumières stroboscopiques affectent la vision ainsi que la capacité d'attention et de concentration. Elle peuvent engendrer des céphalées. Cela peut être passager, mais, lorsque les fréquences dépassent 100 Hz, ou lorsque des groupes de stroboscopes non coordonnés génèrent des effets de chevauchement, cela provoque des effets durables en détruisant certains neurones.
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César fouilla les tiroirs de son bureau à la recherche de paracétamol. Il ne restait qu'un dernier cachet dans la boite qu'il trouva. Il l'avala, puis utilisa de nouveau son appareil pour se renseigner sur les causes des maux de tête. Son état s'aggrava. Il sortit pour se rendre à la pharmacie. Désorienté, la vue trouble, il traversa la rue au mauvais moment et se fit percuter par un minibus. Son smartphone cessa d'être connecté au réseau, avertissant les chercheurs que leur premier cobaye leur était désormais inutile.
Kevin était seul chez lui. L'effet stroboscopique provoqua une crise d'épilepsie généralisée tonico-clonique qui se répéta sans reprise d'une conscience normale et se prolongea jusqu'à sa mort. Les chercheurs remarquèrent qu'il ne postait plus rien sur les réseaux, ce qui était contraire à ses habitudes. Ils retirèrent le post toxique afin de procéder à quelques ajustements avant de lancer la prochaine série de tests.
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La règle numéro un des films catastrophe, qui veut que les premiers personnages décèdent en début de film, est respectée.
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Le cerveau échantillonne les images qu'il traite, comme le fait une caméra qui échantillonne le réel au rythme de 24 images par seconde. Le cerveau capte de façon discontinue des images du monde extérieur (13 par seconde) mais réussit à nous faire percevoir les mouvements en continu : ces images fixes sont très rapidement montées par un mécanisme neuronal de remplissage pour restituer une impression subjective de continuité. La vision restitue à l'être humain une vue qui combine les éventuels effets stroboscopiques extérieurs avec l'échantillonnage que réalise en permanence le cerveau : ainsi, voir un film en 24 images par seconde s'avère cohérent avec un échantillonnage de la vision de 13 images par seconde et un rendu satisfaisant. Dans la mesure du possible, maintenez la fréquence stroboscopique en dessous de 10 Hz pour minimiser le risque de crises et de lésions neuronales.
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La directrice du collège connaissait Michèle depuis plus de 15 ans. Cette enseignante en histoire-géo approchait à grands pas de la cinquantaine. Elle était grande et forte, et portait en général des robes amples très colorées, souvent ethniques, pour masquer ses rondeurs et afficher son absence de racisme. Elle avait parfois posé quelques problèmes d'organisation à la directrice, en raison de son profond engagement syndical, fortement orienté à gauche. Cette fois, cependant, la directrice ne l'avait pas convoquée dans son bureau pour négocier l'accueil obligatoire des élèves durant une grève. Des parents s'étaient plaints.
- "Avez-vous parlé aux quatrièmes B de la mission Apollo 11?", demanda la directrice.
- "Oui. Nous en sommes au chapitre sur la guerre froide et cette mission est au programme. Pourquoi me demandez-vous ça?"
- "Vous ne devriez pas enseigner une hypothèse comme s'il s'agissait d'un fait établi."
- "Une hypothèse? Quelle hypothèse?"
- "Vous savez bien... De nombreux experts disent que cette expédition n'a jamais eu lieu, que le film a été tourné en studio."
- "Pardon?! Protesta Michèle. Vous n'accordez pas foi à ces théories?"
- "Il ne s'agit pas de ce que je pense personnellement, quoiqu'un drapeau qui flotte dans le vent sur une planète réputée dépourvue d’atmosphère... Plusieurs parents se sont plaints. Ils m'ont dit qu'il y avait même eu un reportage sur la Fox en 2001 qui démontrait que l’alunissage était une propagande destinée à impressionner les russes."
- "Dans ce contexte, on parle plutôt de soviétiques, corrigea automatiquement la prof d'histoire-géo. Et la Fox n'est pas ce qu'il y a de plus fiable."
- "La moitié des américains la regarde! Protesta la directrice. C'est forcément fiable! Le manuel que vous utilisez comme support ne présente que l'histoire officielle, il ne faut pas tout prendre pour argent comptant, un peu d'esprit critique ne fait pas de mal."
Michèle la fixa avec sidération. Elle ressortit du bureau en ayant dû promettre d'expliquer à ses élèves que certains contestaient la véracité de l’alunissage, tout en se réservant à part elle l'intention de leur faire comprendre qu'il s'agissait de conspirationnisme.
Lors de la réunion syndicale suivante, Michèle se retrouva seule avec François et en profita pour lui raconter son entretien avec la directrice. François était un prof de maths, grand, mince et un peu bossu. Il avait des cheveux blancs mi-longs, peignés en arrière. Michèle s'interrogeait sur son âge : elle l'avait toujours connu avec des cheveux blancs, il ne semblait pas changer au fil des années et son crâne ne se dégarnissait pas. Michèle aimait la chaleur de son sourire. François était son collègue préféré.
- "Elle aussi", commenta François.
Devant la mimique d'incompréhension de Michèle, il expliqua :
- "De plus en plus de personnes autour de moi se mettent à croire à des conneries. Et certaines deviennent fachos."
- "La montée de l'extrême droite, on en a déjà discuté..."
- "Il ne s'agit pas de ça. Il s'agit d'un retournement brutal, je l'ai même constaté chez des camarades."
- "Qui ça?"
- "Nicole, Angèle, Marc..."
- "Marc?! Attend qu'il arrive, on va parler..."
- "Il ne viendra pas. Je crois qu'à part nous, personne ne viendra."
- "Marc, quand même, il faut qu'il vienne. Il est notre délégué."
- "Il m'a dit qu'il avait besoin de faire le point."
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Dans une grande salle sans fenêtres, lourdement équipée de matériel informatique, seuls quelques postes de travail étaient occupés. Des écrans muraux affichaient la liste des fichiers présents sur l'ordinateur. Bob, un jeune rouquin aux cheveux coupés en brosse, présentait une tablette à son supérieur.
- "Il doit y avoir une erreur."
- "Je leur ai déjà fait vérifier deux fois, répondit Bob. Le pourcentage d'intentions de vote est en baisse."
- "Mais il était en hausse!"
- "Il était en hausse, mais maintenant il baisse."
- "Ce n'est pas possible!"
- "Le problème, c'est que de plus en plus de gens croient que, dans les mairies, ils ont installés des EEG qui envoient des publicités woke dans le cerveau des gens. Donc ce serait dangereux d'aller voter."
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La règle numéro deux des films catastrophe, qui veut que les textes défilant sur les écrans d'ordinateurs soient toujours le résultat d'une commande triviale, sans rapport avec le sujet du film, est respectée.
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Dans des expériences animales sur les chats, une lumière stroboscopique de 100 à 120Hz a causé des brûlures aux cellules cérébrales. Les cellules brûlées appartenaient au tissu corporel géniculé latéral, qui joue un rôle dans le contrôle du globe oculaire. Les lumières stroboscopiques asynchrones provenant des différentes zones de l'écran peuvent avoir un impact plus profond. Dans un cerveau humain il y a en moyenne 10 000 000 000 neurones et 1 000 000 000 000 connections inter-neuronales. Un signal stroboscopique d'une fréquence de 10 Hz n'affectera pas les premiers neurones qui le recevront, mais ces neurones transmettront le message à des neurones situés plus profondément dans le cerveau. Si ceux-ci reçoivent également des messages asynchrones provenant d'autres neurones, la fréquence cumulée peut devenir dangereuse au point de détruire ces neurones profonds alors que les neurones de surface ne seront pas affectés.
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Un trader, travaillant pour une grande banque, reçut un spam proposant un retour sur investissements très avantageux pour un placement en bitcoins. Il trouva l'offre géniale et la forwarda à ses collègues. Quelque part, une personne devint immensément riche et eut le bon sens de retirer ses gains de sa banque sans attendre. Cette personne alla s'installer à Monaco avec sa famille et y vit encore tranquillement aujourd'hui. La banque qui employait le trader trop crédule fit faillite, entraînant une crise financière que de moins en moins de gens comprenaient.
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Un local de réunion dont l'adresse, connue de tous, n'était jamais rendue publique, ne se situait pas rue de Grenelle. Un groupe d'activistes de la quadrature du net s'y trouvait, ils regardaient par la fenêtre. Une manifestation d'une quarantaine de personnes passait dans la rue. Les manifestants suivaient une fanfare et s'efforçaient de marcher au pas. Le résultat évoquait une bande de canards.
- "Quelqu'un a vu ce qui est écrit sur leur banderole?" demanda l'un des activistes.
- "La rue de Grenelle est la meilleure rue de Paris."
Des riverains sortaient de chez eux. La colère montait. Quelqu'un cria aux Grenellois de rentrer chez eux, et ce cri fût repris par d'autres. Une bagarre éclata. Un passant appela la police mais l'appel fut mal compris. Plusieurs véhicules de police furent envoyés d'urgence rue de Grenelle.
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La Quadrature du Net promeut et défend les libertés fondamentales dans l'environnement numérique. L'association lutte contre la censure et la surveillance, que celles-ci viennent des États ou des entreprises privées. Elle questionne la façon dont le numérique et la société s'influencent mutuellement. Elle œuvre pour un Internet libre, décentralisé et émancipateur.
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Durant leur réunion, les activistes de la quadrature du net échangèrent leurs impressions concernant la manif des Grenellois et les évolutions sociétales récentes. Certaines des anecdotes qu'ils échangèrent, prises isolément, auraient été cocasses, mais leur accumulation dressait un tableau angoissant. La compréhension émergea de l'intelligence collective, d'abord sous forme d'hypothèse : seuls les utilisateurs de Linux semblaient épargnés par la montée du complotisme et d'idées d'extrême droite tellement à la masse que même Trump ne les aurait pas reniées.
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Linux n'est pas un havre de santé au milieu d'un océan contaminé. Néanmoins, les cybercriminels s'attaquant à des systèmes Unix visent généralement des secteurs clés tels que les serveurs et le cloud computing, appartenant à des entreprises ou à des services publiques, et les utilisateurs particuliers sont encore relativement épargnés.
Il y a cinq raisons à cela :
Linux dispose d'un système de permissions plus restrictif que Windows. Sous Ubuntu, la plupart des processus utilisateur s'exécutent avec des permissions limitées, ce qui peut restreindre l'impact d'un virus.
L'arborescence des fichiers sous Linux est différente de celle de Windows. Les virus Linux doivent être conçus pour naviguer et exploiter la structure et les permissions spécifiques du système de fichiers Linux.
Ubuntu utilise un système multi-utilisateur et multi-groupe où chaque utilisateur dispose d'autorisations spécifiques pour accéder aux fichiers et aux répertoires. Cela permet d'empêcher l'accès non autorisé par des programmes malveillants.
SELinux et AppArmor sont des modules de sécurité dans Ubuntu qui appliquent un contrôle d'accès obligatoire. Ils réduisent le risque qu'un virus exploite des vulnérabilités du système.
La motivation financière des éditeurs de logiciels anti-virus, qui les pousse à créer et propager eux-même des virus, afin d'attirer et de fidéliser les clients en proposant la parade, ne correspond pas à la culture des utilisateurs de Linux. Ces derniers chercheront en priorité un remède gratuit, il n'est donc pas rentable pour les éditeurs de logiciels anti-virus de créer des virus adaptés à Linux.
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L'hypothèse d'un virus informatique affectant les humains était tellement contre-intuitive que les activistes de la quadrature du net osaient à peine la formuler. Ils évoquèrent des rumeurs passées concernant les pouvoirs des images subliminales, en prenant soin de préciser qu'ils n'y avaient jamais cru.
Ils décidèrent de vérifier leur hypothèse en contactant chacun un ou plusieurs utilisateurs de Linux de leur entourage.
Max contacta sa tante Michèle, via une messagerie cryptée. Ils avaient déjà évoqué ensemble les transformations sociales récentes. Elle lui confirma que, dans tout son établissement scolaire, le personnel perdait les pédales. La prof d'allemand projetait en classe des enregistrements de discours d'Hitler, dont elle semblait amoureuse. Le prof d'EPS organisait des compétions sportives entre les élèves, puis faisait monter les vainqueurs sur un podium tandis que les autres devaient chanter la Marseillaise. Il avait donné un coup de poing à l'un des élèves, algérien, qui avait gagné une course puis demandé à ce que ce soit l'hymne national algérien qui soit chanté. Une des profs de français ne maintenait plus aucune discipline dans ses classes et appelait tous ses élèves "mes petits chéris". L'autre prof de français lisait des poèmes de Rimbaud tandis que ses élèves grattouillaient ouvertement leur smartphone.
Michèle raconta à Max que François l'avait initiée à Linux, il y avait plusieurs années de cela, puis, plus récemment, l'avait convaincue d'installer Ubuntu Touch sur son smartphone en remplacement d'Android. A sa connaissance, François et elle étaient les seul utilisateurs de Linux dans son établissement, et les seuls qui n'avaient pas été affectés.
- "Ca se confirme", annonça Max au groupe.
- "Pareil," dirent plusieurs autres.
- "On arrête de tourner autour du pot de peur de passer pour un con", décréta la doyenne du groupe. "Je crois qu'il y a un virus informatique qui rend les gens complètement cons. Qui n'est pas d'accord?"
- "Je suis d'accord, mais comment s'effectue cette transmission de la machine à l'homme?"
- "Nous devons le découvrir."
- "Je vais faire du café."
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Bob avait été l'un des premiers à constater les dégâts. Son supérieur lui avait ordonné de garder ça pour lui, lui rappelant sèchement la clause de confidentialité inscrite dans son contrat et les pénalités encourues en cas de non respect.
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Le secret-défense ne procède que d'un acte officiel de qualification. Le juge pénal compétent pour réprimer les atteintes au secret-défense se borne à constater l'existence d'une mesure administrative de protection, sans se prononcer sur son bien-fondé. Cette définition a permis au pouvoir de classer secret des documents ou des informations qui ne relevaient pas du domaine de protection originellement visé par le législateur, permettant par exemple de dissimuler certains agissements potentiellement délictueux du pouvoir exécutif.
Le fait de détruire, reproduire ou diffuser de telles informations sont des délits passibles de 75 000 € d'amende et de cinq ans d'emprisonnement (articles 413-11 et 413-11-1 du Code pénal).
La France possède des moyens d'attaques informatiques, c'est-à-dire une capacité à détruire ou paralyser des ordinateurs et des réseaux considérés comme hostiles, pas seulement à les pénétrer à des fins d'espionnage. Cela s'appelle la "lutte informatique active", la Lia. Tout est couvert par un secret-défense particulier, baptisé Dalia.
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Passant par-dessus son supérieur, Bob avait alerté les autorités. Dans un soucis d'efficacité et afin de ne pas se mettre pénalement en danger, il s'était adressé à une personne habilitée "secret-défense Dalia". Il s'aperçut que ce haut gradé était au courant de l'expérience mais pas de toutes ses conséquences.
Suite à l'intervention de Bob, il fut décidé de mettre fin à l'expérience.
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La règle numéro trois des films catastrophe, qui veut que parmi les méchants scientifiques il y ait un subalterne qui se repente, est respectée.
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Transmis d'un ordinateur à l'autre, le virus circulait toujours. Animés par la ferveur des nouveaux convertis, les complotistes ne se contentaient pas tous de consulter les sites et documents en ligne et d'en poster les liens. Certains en téléchargeaient des copies afin de mieux pouvoir avertir leurs concitoyens en les partageant ensuite sur les réseaux. Lorsque courut la rumeur d'une mise hors-ligne des sites initiaux, le nombre de personnes s'adonnant à cette pratique se multiplia. Les tentatives de censure ne firent, à leurs yeux, que confirmer la véracité des informations fournies par ces sites.
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L'article de la quadrature du net exposant la transmission du virus de la machine à l'homme fut bien accueilli. Le neurologue interviewé suggérait prudemment une explication possible, assez proche de la vérité. Parmi les personnes non-contaminées, cependant, peu de gens y accordèrent du crédit. Leurs réactions les plus courantes furent de classer cet article parmi les théorie de la conspiration ("eux aussi, ils s'y mettent, à nous raconter des foutaises!"). Des personnes contaminées s'efforcèrent d'installer Linux sur leur ordinateur et Ubuntu Touch sur leur smartphone, même lorsque le smartphone en question ne figurait pas sur la liste des appareils compatibles. Sur les forums d'aide, le nombre de questions triviales et/ou mal formulées explosa. Le nombre de RTFM aussi.
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Les activistes de la quadrature du net qui étaient rentrés chez eux retournèrent dans leur local. Tous avaient les yeux rougis par le manque de sommeil. La rue était couverte d'affiches proclamant qu'il s'agissait de la meilleure rue de Paris, mais ils ne furent pas surpris de les voir. Le mouvement se répandait et de nombreuses rues s'auto-proclamaient la meilleure rue de Paris. Les Champs-Élysées, connus de longue date pour s'auto-proclamer la plus belle avenue du monde, avaient pour cette raison été pillés et incendiés. Les CRS envoyés pour les protéger s'étaient battus entre eux, au motif de profondes divergences d'appréciation concernant la beauté de cette avenue.
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La Chine coupa totalement l'accès à l'internet international de son pays, aggravant la crise économique et la panique boursière.
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Les traductions des sites et documents conspirationnistes, manuelles ou automatiques, généraient des texte dépourvus de virus. La pandémie se restreignait donc aux pays francophones.
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Shigeru Ishiba, premier ministre du Japon, reçut un coup de téléphone de son ambassadeur en France, tout confus et honteux de ce qu'il devait annoncer.
- "Comme vous me l'avez dit, Monsieur le Premier Ministre, je leur ai proposé notre aide. Ils m'ont dit qu'ils acceptaient et ils m'ont demandé de leur envoyer des plats de curry."
- "Dites-leur de s'adresser à Narendra Modi", répondit Shigeru Ishiba, pince-sans-rire. "Nous, c'est les sushis".
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- "Tu n'as pas eu peur de marcher dans les rues?" demanda Max à sa tante Michèle.
- "Quand on fait face chaque jours à 30 adolescents, on ne craint plus rien. Je suis venue pour confirmer mon témoignage, et François m'a dit qu'il viendrait aussi s'il le fallait."
Elle se tint un peu à l'écart du centre de la réunion, se sentant dépassée par le jargon technique. Elle se retrouva ainsi à jouer le rôle de portier et ce fut elle qui répondit à Bob à l'interphone.
- "Un type dit qu'il amène le code source du virus. Je le laisse entrer?"
- "Tu plaisantes?" demanda Max.
- "Merci, mais nous ne sommes pas intéressés", annonça Michèle dans l'interphone.
Max ne prit pas le temps de lui expliquer son erreur. Accompagné d'une demi douzaine de jeunes hommes, il fonça dans la rue.
Ils revinrent avec Bob, qui leur remis une clef USB et leur raconta son histoire. Devant l'urgence de la situation, la question de la divulgation fut rapidement mise au vote et adoptée à l'unanimité. Chacun se mit ensuite à envoyer des copies de ce code-source à toutes les personnes et organisations auxquelles ils pouvaient penser, de préférence dans des pays non francophones. Il fut également posté en ligne.
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Norton, Kaspersky, Bitdefender, McAfee, Intego et Avast promirent de mettre gratuitement l'anti-virus adapté à la disposition de tous, dès qu'il l'auraient mis au point. Ils s'engagèrent dans une course effrénée pour être le premier. Certes, ils n'en tireraient aucun bénéfice financier direct, mais y gagneraient en notoriété, et rien dans leur engagement ne leur interdisait d'associer quelques pubs à leur produit.
K7 Internet Security, un anti-virus indien, gagna la course. Narendra Modi dépêcha une conférence de presse pour annoncer que son pays mettait gratuitement ce remède à la disposition de tous, avec une interface en français et une en anglais. Ayant eu un long échange téléphonique avec Shigeru Ishiba, il proposa également de mettre en accès libre l'excellente recette de curry de sa mère.
Microsoft, Apple et Google inclurent K7 dans une mise à jour et l'installèrent sur tous les appareils dont ils contrôlaient la plateforme.
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Bob décéda d'une overdose alors qu'il ne se droguait pas. Son supérieur fut promu et muté à Mayotte.
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La règle numéro quatre des films catastrophe, qui veut que le scientifique subalterne qui se repente ne s'en tire pas, est respectée.
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K7 vainquit le virus informatique mais ne pouvait pas guérir les personnes affectées. Selon leur degré d'exposition, un petit nombre mourut, de nombreuses autres eurent des séquelles à vie. Les théories du complot continuèrent à bénéficier d'une grande popularité et Éric Zemmour gagna haut la main les élections présidentielles de 2027.
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Toute ressemblance avec des personnes existantes est délibérée.
 
                 
             
            