Les bobos... c'est un mot chargé d'affects et d'émotions dont il convient d'analyser rationnellement le sens afin d'en dégager la spécificité. En effet nombreux sont les travaux autour de la gentrification, mais rares sont ceux qui y voient un phénomène bien plus politique que social. Les bobos ce n'est pas qu'un phénomène de mode. L'hypothèse formulée ici est que l'on assiste à une reconfiguration du concept de "bourgeoisie" à partir d'un nouvel investissement de l'espace de la ville. Ces derniers ont un comportement que l'on peut qualifier de "conquête", à l'image des westerns, avec les limites propres à l'analogie. Cette attitude est redoublée d'une autre appropriation : celle des discours autour du "lien social" qui se sont démultipliés ces dernières années. Ce discours a son lieu propre : les cafés culturels. A lire certains d'entre eux, ils chercheraient à développer une certaine mixité sociale. Rien de bien nouveau sous le soleil. Sauf que... ces nouveaux lieux se veulent indépendants de l'institution au nom d'une certaine approche du social et de la culture. de la créativité,
Si une première bourgeoisie s'est située pendant le XIXesiècle du côté de l'industrie et des finances, définie par Marx comme détentrice des moyens de production, une autre bourgeoisie s'est déployée au XXe siècle en s'appropriant les moyens de reproduction sociale cette fois. Ce second moment est l'institution d'une culture dominante qui place sous tutelle tous ceux qui n'y participent pas. Si l'argent est toujours là, la culture semble lui apporter une certaine éthique. Le capitalisme a en effet toujours revêtu ses profits des oripeaux de la morale. Le troisième moment d'expansion de la bourgeoisie, correspond à cette "nouvelle"bourgeoisie qui investit la petite ceinture parisienne et plus généralement le tour des grandes métropoles. Si le discours qu'elle tient peut apparaître bienveillant et social, sa spécialité est le remix des normes trop criardes d'une bourgeoisie financière, et celles trop académiques d'une bourgeoisie que Bourdieu nommait "la bourgeoisie culturelle". Ce troisième moment est celui des sciences de l'information et de la communication. Les représentations qui lui sont rattachées sont l'importance de la famillle, du terroir et des produits "bio", de la culture conçue comme ce qui se tient à l'écart de la "masse". L'appel au brassage social relève bien plus d'une posture que d'un réel militantisme
Le militantisme ce n'est plus transformer le monde. C'est bien plutôt s'en protéger. Sous des airs humanistes soucieux de la destination humaine, surgit un discours d'enfermement, au sens foucaldien. Cette nouvelle classe bourgeoise est héritière de la crise et des peurs collectives. En s'associant à ses semblables elle prévient tout risque d'imprévu. Le groupe se fait communautaire. La contingence des rencontres est réduite de plus de la moitié. Le paradoxe c'est alors l'ouverture déclamative à un brassage social. Soucieuse en effet, de son bien-être, cette nouvelle bourgeoisie se tient à l'écart et tient l'autre à distance, tout en développant un discours social, prônant le lien social par exemple. Cette contradiction mérite qu'on s'y arrrête.
On assiste en effet à une redistribution de l'espace de la ville. La rue en tant que lieu de passage n'est pas un lieu à conquérir. C'est le lieu de la transaction visible, le lieu des échanges en tout genre. Cet impératif de visibilité n'est pas celui des nouveau arrivants. Ils visent bien plutôt un échange intimiste où la relation avec l'autre construit un monde commun. Ils créent des ilôts porteurs de leurs valeurs et se prêtent au jeu des échanges, ouvrant leurs portes aisément à l'étranger, tout en lui marquant par cette invitation, son étrangeté irréductible et en même temps sa chance d'être élu.. Le paradoxe c'est que ce jeu d'ouverture se redouble d'un jeu de fermeture à l'égard de l'étranger qui, tant qu'il demeure dans ce rôle, n'est pas un danger. Il est identifié comme altérité, l'autre culture. Si on est affable, c'est parce qu'il n'y a nul danger.
On assiste à un échange vide, lesté de toute attention à l'autre, dans une sorte de narcissisme où l'autre n'est que mon écho. Dérive pathologique du capitalisme qui finit par tuer le libre-échange.
à suivre