Il y a de quoi fulminer quand on est handicapé moteur à Aubervilliers. On a soif d'égalité crie un panneau d'affichage municipal. Qui est concerné par cette égalité ? En tout cas pas les handicapés moteurs. Si la ville connaît depuis peu le vol des fauteuils roulants, un luxe pour la Sécurité Sociale qui ne rembourse presque rien, elle peut être fière car cela ne se passe pas du côté des structures culturelles.
Normal. Ce n'est pas du fait d'un soudain humanisme des voleurs, mais tout simplement, les chaises roulantes sont incapables de franchir le seuil de certains lieux. Le Studio propose un escalier assez étroit pour rejoindre la salle de cinéma. A moins d'équiper votre chaise d'un gadget à la façon de l'agent 007, vous devez vous cultiver ailleurs.
Direction la Médiathèque. Elle a été rénovée. Oui, mais on a conservé un bel escalier. Alors vous allez à l'Embarcadère, une salle prestigieuse qui reçoit des concerts et autres spectacles. Ouf, vous y avez accès. Mais votre chaise ne descendra pas les marches pour rejoindre le public. Vous pourrez le contempler en surplomb et devenir ami avec l'équipe de la sécurité, à même enseigne que vous, pour d'autres raisons.
Quand les infrastructures sont là, d'autres imprévus surgissent. La capacité de la salle par exemple. Point de sécurité qui réduit le nombre de spectateurs handicapés moteur. Certaines salles sont équipées de "monte-charge" - tout une symbolique ! - hors-norme.
Restant optimiste, vous allez au marché. Opération survie entre caddies et poussettes, grognements des passants, qui se solde par un arrêt brutal. Pour protéger le sol, on a installé des dalles infranchissables. Vous faites demi-tour, contre vents et marée humaine. Au passage vous avez contribué à la propreté des lieux avec vos roues.
Je continue ?
Un dernier pour la route. Vous rentrez exténué. Vous l'aviez oubliée cette satanée porte d'immeuble. Lourde et une fois ouverte, étroite. Bien viser tel est le but.
Nauséeux, fatigué, vous n'avez vraiment pas soif de cette égalité, mot jeté au visage, sans regard porté à ce visage.