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Billet de blog 8 septembre 2015

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L'ennui ou la société indigeste

Ce sont des hommes jeunes et moins jeunes. Ils jouent à la pétanque. Ils tuent ce temps de l'ennui. Rien à déclarer, dit K. Il a touché son RMI et pense aux potes. Il leur offre une bouteille.

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Ce sont des hommes jeunes et moins jeunes. Ils jouent à la pétanque. Ils tuent ce temps de l'ennui. Rien à déclarer, dit K. Il a touché son RMI et pense aux potes. Il leur offre une bouteille.

L'ennui est une source d'inspiration pour les chercheurs en sciences humaines. Je ne les vois pas pas, ou si peu, s'interroger sur les sans domiciles, leur détresse et leur soif de vivre. L'homme s'ennuie dans cette société urbanisée qui sait tant marchandiser. Je pense à ces enchères et surenchères autour des réfugiés.

Une société qui pleure quand elle retrouve un enfant sauvé des eaux, et qui s'ennuie lorsqu'elle doit retrouver le quotidien du travail, des week-ends et des vacances à préparer pour ne pas manquer les bonnes occasions. Une société qui a oublié la fraternité mais se réfugie dans le discours laïc dont elle a perdu les origines chrétiennes du mot, pour éviter de dire qu'elle n'aime pas ce qui échappe à son intérêt propre.

Notre société s'ennuie. Et eux qui jouent en cette fin d'après-midi à la pétanque, s'ennuient-ils du même ennui? Certes comme ils disent ils sont gavés. Attendre au service social, pour obtenir quelques tickets restaurant en fin de mois, obtenir un rendez-vous pour se doucher une fois par semaine, y arriver à l'heure sous peine de perdre leur place, dormir d'un oeil de peur de perdre leur peu de biens, repérer où dormir, seuls face à une solidarité extorquée, privés de paroles, envoyés au centre médical pour contrôler l'état d'un corps usé, tout cela ils le font ou ne le font plus. Mais ce n'est pas par ennui. Ils ont la nausée. Pas celle de Roquentin dans le texte de Sartre. Même pas celle de L'homme qui dort de Pérec.

L'ennui est le luxe de l'homme libre qui peut décider de ne pas se lever.     

Eux ils jouent à la pétanque. Ils rient entre eux, se chamaillent.

Donne la voix au silence me dit K...

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