Ils étaient trois films à concourir hier soir à l’Embarcadère à Aubervilliers. Trois visions du cinéma assez différentes dans leur style, mais une étrange proximité des sujets choisis. Ce fut une belle leçon pour tous ceux qui continuent à voir les jeunes des banlieues à travers le prisme de leurs préjugés. Ils furent nombreux ce soir-là à nous faire comprendre qu’il faut regarder devant soi. Mais sans mémoire c'est mission impossible Trois films qui avaient une ambition à la hauteur de l’exigence de leurs équipes. Ce qui frappa la spectatrice que j’étais, c’est au-delà des partis-pris esthétiques et des thèmes abordés, l’insistance sur la souffrance et douleur des corps, les mises en scène d’un futur qui n’est pas assuré, des pères autoritaires, absents lâches et déficients, des familles déchirées. Un monde sans mémoire, un monde où on s'abandonne pour ne pas être abandonné. Peine perdu
Le constat est là. Il n’y a rien pour se raccrocher. Le vertige triomphe. Ainsi en va-t-il de la scène de la danse où le fils tente de donner espoir au père, lui donne le rythme, lui enseigne la légèreté. Mais ce dernier cherche une mère, une protectrice. Il ne veut transmettre aucun héritage La tradition se dissipe et survit par l’adhésion à des codes vestimentaires ou des rituels qui sont plus mécaniques qu’innovants. On vit dans le temps de la répétition à défaut de pouvoir s’inventer une vie à soi. Dans A mon plus vieil ami, l’espace ne cesse de se resserrer, les personnages sont de plus en plus proches pour finalement se tenir à l’écart et se repousser.
Il y a une force de l’écriture cinématographique qui se fait narrative, abandonnant peu à peu les mots à leur mensonges et impuissance. On se tient de plus en plus éloigné de la parole au fur et à mesure qu’on entre dans les films. Dans Gino, le père est la figure de l’abandon. Il se réfugie aussi du côté des femmes, en se repliant du côté de sa langue maternelle. Gino refuse les codes du Genre. Il veut être une fille. Il/elle écoute la musique , joue des tonalités de sa voix. Le père triche avec lui-même, ne voyant pas sa propre attirance pour le féminin.
Le film, Appa, fait de la relation père-fille le coeur du film. Deux mondes face à face.
Là la douleur ne se transmet pas. Les corps se recroquevillent. Violence du silence. Du déjà dit. Du déjà vu. Le cinéma est muet, comme à ses origines. Le père quitte la partie.
Absence d'héritage. Les personnages sont abandonnés.
Que faire alors de la sempiternelle question des origines ? Les trois films tentent d’y répondre en interrogeant la figure du père, loin de tout regard culturaliste. Seule réponse : celle de la perception cinématographique
C'était hier soir à Aubervilliers
A mon plus vieil ami de Hadj Karamoko
Gina de Michelle Piana
Appa de Jenostan Kugathasan