Comment parler de la misère et de la pauvreté sans tomber dans le piège de leur esthétisation ou encore dans le discours militant usé ? Quel discours construire pour s’opposer non pas au danger des extrémismes de droite, qui suivent leur progression, mais plutôt au silence. Partout, écrit Guillaume Le Blanc, surgissent des collectifs qui veulent faire « entendre la voix des sans-voix »(p.7 Les Vies Minuscules). Les rapports sur la pauvreté s’accumulent. Les écarts se creusent.
La pauvreté en France (source la Documentation Française)
Un rapport du gouvernement sur "La pauvreté en France", publié en décembre 2012, met en évidence l’augmentation du nombre de pauvres ainsi que l’aggravation de leur situation depuis la crise économique de 2008. « En 2010, le nombre des situations de pauvreté a augmenté. Les inégalités se sont creusées, éloignant davantage encore dans l’échelle des revenus disponibles, les 10 % des Français les plus modestes, des 10 % des Français les plus aisés. Pour la première fois depuis 2004, en effet, le niveau de vie médian a diminué. (…)
Selon l’enquête "Revenus fiscaux et sociaux" 2010 (Insee), la moitié de la population française disposait en 2010 d’un niveau de vie inférieur à 19 270 euros annuels, soit une diminution en euros constants de 0,5 % par rapport à 2009. Le seuil de pauvreté, qui correspond à 60 % du niveau de vie médian de la population, s’établissait à 964 euros mensuels. La pauvreté monétaire relative continuait d’augmenter et retrouvait son niveau de 1997. Elle concernait 8,6 millions de personnes, soit 14,1 % de la population contre 13,5 % en 2009.
Avec des taux de pauvreté au-delà de 30 %, les familles monoparentales, les personnes immigrées et les personnes résidant en ZUS (Zone urbaine sensible) restent les plus exposées au risque de pauvreté monétaire ainsi que les chômeurs et les inactifs ni retraités ni étudiants. En revanche, l’emploi à temps plein protège contre la pauvreté mais le phénomène des travailleurs pauvres s’installe. 6,2 % des travailleurs vivaient en 2010 sous le seuil de pauvreté. Ce taux reste relativement stable sur les dernières années.
Enfin, les situations d’extrême pauvreté s’étendent depuis plusieurs années : la proportion de la population avec un niveau de vie inférieur à 50 % du niveau de vie médian a augmenté de 0,7 point en deux ans, poursuivant une hausse entamée en 2003 ; la part de la population vivant avec moins de 40 % du niveau de vie médian progresse depuis 2001 pour atteindre 3,5 % de la population française. Ainsi, 2,1 millions de personnes vivaient avec moins de 642 euros par mois en 2010. Par ailleurs, les Français les plus modestes ne recourent pas suffisamment aux dispositifs auxquels ils ont droit. Ce phénomène du non recours se traduit par une intensification des situations d’exclusion. »
Récemment je lisais divers ouvrages sur l’état de la nation. Pour parler de la pauvreté beaucoup de chercheurs se livrent à un travail littéraire. Références à Kafka en tête de ce travail. Grand débat : comment parler de ce que l’on ne connaît pas de manière empirique ? Entre les chiffres et la littérature que choisir ? Les manifestations ne rassemblent plus. Le tableau de la pauvreté manque d’un Zola, entend-on parfois. Mais la littérature a-t-elle seulement cette fonction ?
Il y a la télévision qui vend de l’image brute et abrupte. En écho une voix qui répète l’image.
Il y a le Président qui n’est pas crédible car à force de jouer à l’homme normal, il n’est plus dans la norme des gens qui souffrent. Il est à lui sa propre norme.
Il y a la narration, pas celle des écrivains, non, la narration de celui regarde ce qu’on ne voit plus. Œdipe se creva les yeux pour mieux voir. Retirons nos lunettes, et marchons dans la rue. Ecoutons. Il n’y a pas que le vent qui frôle nos oreilles.