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Les élections nous ont redonné espoir. Ce ne sera pas facile. On ne peut pas imaginer ce que c'est qu'une ville qui a construit son fonds de commerce sur des thématiques populistes. Quand vous n'étiez pas en osmose, on vous disait que vous étiez un "facho". Lecture réductrice s'il en est.
J'écoute Mario Vincent qui a répondu présent lorsque j'ai proposé de faire ces portraits de ceux qui portent dans leurs souvenirs une mémoire. Il m'en a fait le récit. Plusieurs traces à Aubervilliers toujours présentes d'un temps passé évoquent ce pays, l'Italie. Aubervilliers fut pour sa famille tout à la fois terre d'accueil et de rejet. Il a rencontré et fut proche de Jacques Salvator, maire socialiste de cette ville de 2008 à 2014, une éclaircie pour lui. Un homme qu'il qualifie de bon et généreux. Il y avait aussi cette même origine italienne. Il se rappelle :
Je suis né en novembre de l’année 1958 à Aubervilliers dans une petite clinique comme ça se faisait, avenue Jean Jaurès. Certains reconnaîtront, le bâtiment désaffecté existe toujours, je passe devant encore. D’ailleurs j’habite le quartier, et je me plais à dire que je représente maintenant un des derniers représentant d’une époque bénie pas si lointaine, d’un environnement cohérent, solidaire, rebelle mais respectueux. Au risque de passer pour un vieux c.., je regrette ce temps, nostalgie du temps qui passe et des gens qu’on a aimés qui disparaissent. Fils d’immigrés italiens je mesure le chemin parcouru de notre famille soudée et laborieuse - le sacrifice de ces communautés n’est plus à démontrer. La famille avant tout et le boulot jusqu’à l’ivresse. Papa travaillait rue de la Haie Coq à Aubervilliers dans une usine d’écarissage, ça puait la charogne je me souviens, maman dans le commerce, vendeuse puis sa son compte. Aujourd’hui tout a changé et ce n’est pas peu dire. La mondialisation est passée par là avec son cortège de misère sociale, sa libre circulation des peuples et des marchandises et ses bouleversements culturels, L’uberisation du travail précarise inexorablement , comment vivre, comment se fondre dans cet environnement pour nous hostile, partir? rester ?, telle est la question, que faire ? Les résultats des dernières municipales nous donne un immense espoir, si tant est que la politique peut être une réponse ou un levier à toutes ces problématiques sociétales. Les dernières décennies nous montrent que cette gauche toute puissante régnait sans partage ou si peu, cette énorme entité cadenassée gestionnaire de misère et farouchement adepte de prébendes et autre passe droit, les électeurs pas dupes ont fait leur choix, « le peuple a parlé » aurait repris la gauche dans d’autres circonstances favorables. Renversons la table et attendons pour voir ..
Il porte aussi la mémoire de son petit cousin, fils de Nicandro et de Dominica Nirot, Louis Iaconelli français par la naturalisation de ses parents vivait au domicile familial 155 avenue Victor-Hugo à Aubervilliers.
Titulaire du CEP, électricien il travailla jusqu’au début mars 1944 chez Mercereau 32 rue Saint-Lazare à Paris (IXe arr.) Sympathisant communiste, un voisin Lucien Reynaud dit « Marcel » qui demeurait 21 passage des Chalets lui donnait des tracts. En février 1944, il lui proposa de rejoindre les FTP, il accepta devint « Le Valeureux ».
Le 12 avril 1944, cinq inspecteurs de la BS2 appréhendèrent Louis Iaconelli au domicile familial, sa biographie avait été trouvée sur Pierre Braun. Fouillé il portait sur lui des papiers annotés et un plan manuscrit au crayon. Les policiers saisissaient : un tract et une circulaire des FTP, un journal ronéoté France d’abord, une lettre manuscrite, et un plan du métro annoté. Louis Iaconelli était inconnu des différents services de la police.
Incarcéré à Fresnes, Louis Iaconelli était le 15 août 1944 dans le convoi de 1654 hommes qui partit de Pantin (Seine, Seine-Saint-Denis) à destination de Buchenwald (Allemagne). Après cinq jours dans des wagons de marchandises, les détenus arrivèrent épuisés au camp de concentration.
Louis Iaconelli matricule 77781 transita par Buchenwald, fut dirigé sur Ellrich kommando de travail des camps de concentration de Buchenwald et de Dora. Les détenus travaillaient au creusement de galeries souterraines et de travaux de génie civil. Probablement épuisé, inapte au travail, il a été transféré à Nordhausen où il mourut le 3 mars 1945.
Homologué Déporté, interné, résistant (DIR), Louis Iaconelli a été déclaré « Mort pour la France ».
En 1994 une plaque commémorative honorant sa mémoire a été dévoilée sur la façade du 155 avenue rue Victor-Hugo où il avait vécu par le maire Jacques Salvator son petit cousin : « Ici a habité Louis Iaconelli né le 14 mai 1926 mort au camp d’Ellrich à 18 ans », son nom a été gravé sur le Monument aux Morts 1939-1945 au cimetière communal d’Aubervilliers. (https://maitron.fr/spip.php?article215094, notice IACONELLI ou JACONELLI Louis [Pseudonyme : Le Valeureux) par Daniel Grason, version mise en ligne le 1er mai 2019, dernière modification le 25 mai 2020.)
Pourquoi une telle claque aux élections municipales ? Il n'y a pas d'autre mot, "une claque"... c'est un refus de continuer plus avant. Mario Vincent a des valeurs de gauche, mais à ces élections il a voté la liste Karine Franclet pour son intégrité et sa volonté de changer. Il y a une grande attente continue-t-il. Pour ses enfants, il ne souhaite pas qu'ils demeurent à Aubervilliers. Il n'y a plus d'avenir ici. Pourtant on sent poindre dans son discours un soulagement. Un désir. aussi.. celui de voir renaître une ville à laquelle sa famille a tant donné.