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Comment parler d'un sujet qui fâche, fâchera... ? Il y a des lieux dans la ville qui inscrivent de plus en plus les appartenances sociales. Ce n'est pas nouveau il est vrai. Dans les années après-guerre, il y avait les bidonvilles - le dernier à côté du Pont de Stains disparaîtra en 1972 - les cafés où se réunissaient les ouvriers après le travail.
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Le canal faisait alors office de piscine. Des lieux d'un passé enfoui dans le temps. En 1866, la société des Manufactures des glaces et produits chimiques de St Gobain, Chauny et Cirey acquiert la fabrique d’acide sulfurique de John Frédéric Boyd, rue du Landy. Le 12 septembre 1867, la Dame Lequin (dite Delabarre) est autorisée à exploiter une fabrique d’allumettes chimiques au lieu-dit " La Motte ", rue du Vivier (actuelle rue Henri Barbusse). Cette fabrique est gérée par la Cie Générale des Allumettes à partir de 1874 puis par la Direction des Manufactures de l’Etat à partir de 1890. Reconstruite entre 1902 et 1904, elle est occupée actuellement par la Documentation Française. (Sources : Archives de la ville d'Aubervilliers). En 1861 est construit le marché du centre et en 1868, est créé le marché des Quatre-Chemins.
Aubervilliers est une ville polluée et polluante - une des conséquences des travaux du Baron Haussmann qui consistaient à protéger l'Ouest riche de la Capitale de tout désagrément comme les mauvaises odeurs. L'histoire se répète. Le Grand Paris continue dans cette direction. Implantation d'un funérarium à la porte de Pantin-La Villette, qui a une lourde charge symbolique, des travaux de prolongement qui durent depuis une dizaine d'années qui contribuent à la saleté de la ville, mais aussi à une mobilité réduite pour les handicapés. Les heures de pointe sont invivables. Faire de la capitale une zone sans voitures risque à ce compte de transformer la ville en parking à ciel ouvert. ETC.
Reconquérir les habitants par la rénovation des marchés n'est pas en soi une mauvaise idée. Sauf que... cela crée une ségrégation autour... de ces marchés. Le marché du Centre-ville est le marché du pauvre. Il suffit de regarder, d'écouter. Il y a des affaires à faire comme on dit. Au stand de Maria les prix commencent à 1 euro.
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Beaucoup de fripes. Des marques. Du côté des fruits, légumes, viandes, rares sont les commerces bio.
Au marché du Montfort, changement de style. Buvette, animations, un circuit-livres, peu de commerces, mais on ne fait pas dans le paupérisme ... bref, sans commentaire.
On compte, il est vrai, de nombreux co-propriétaires qui s'installent pour des raisons financières et l'esthétique passe au second plan. Ils chercheraient plutôt à trouver leur place, et ce rarement au Centre-ville. La pauvreté inquiète. Se développe un entre-soi où l'agriculture est le nouveau sésame. Tout commence on le voit par des pratiques de consommation différentes.
Les fermes appartiennent à la nostalgie d'une génération qui est loin d'y voir le travail pénible et contraignant qu'il a toujours été. Jouer à fabriquer sa lessive, faire des pizzas dans un four à pain, bien éloigné du sens originaire du ban, préparer des semailles, autant de plaisirs qui souligne la disparition de la paysannerie.
Jadis le paysan était un mot qui voulait dire "mal dégrossi", un personnage inadapté à la ville. La ville est devenue à son tour la parodie d'un rêve citadin de retour au pays, à la terre-ressource.
Tout ceci n'est pas sans rappeler Bouvard et Pécuchet de Flaubert.
Le printemps venu, Pécuchet se mit à la taille des poiriers. Il n’abattit pas les flèches, respecta les lambourdes, et, s’obstinant à vouloir coucher d’équerre les duchesses qui devaient former les cordons unilatéraux, il les cassait ou les arrachait invariablement. Quant aux pêchers, il s’embrouilla dans les sur-mères, les sous-mères et les deuxièmes sous-mères. Des vides et des pleins se présentaient toujours où il n’en fallait pas, et impossible d’obtenir sur l’espalier un rectangle parfait, avec six branches à droite et six à gauche, non compris les deux principales, le tout formant une belle arête de poisson.
Pendant que certains s'exercent aux joies agricoles, d'autres construisent à nouveau des bidonvilles...