L’indéboulonnable dictateur togolais par Philippe Desmars Gendarme d’Elite Français
Avant le temps venu des désillusions, au Togo, le discours de La Baule porte ses fruits. Le peuple togolais saisi d’un fol espoir ou la démocratie s’accompagnerait d’une prospérité immédiate se jette dans les rues, tandis que les conférences nationales inspirées sur le modèle sud-africain prennent pour cible le principal accusé : le général Eyadema. On le dit mis sur la touche et pris en otage par son armée. Eyadema figure controversée de l’actualité africaine vacille. Pour les uns il est l’archétype du dictateur militaire accusé par Amnesty international de crimes contre l’humanité, pour les autres c’est le médiateur de la plupart des conflits qui ensanglante le continent et l’incarnation d’une Afrique à laquelle nous ne comprenons rien. En fait il est les deux à la fois. Sous la pression populaire la dictature togolaise, face à une opposition requinquée et regroupée autour de Gilchrist Olympio, fils de Sylvanus assassiné par Eyadema en 1963 tremble sur ses fondations. Dans certains pays d’Afrique francophone, la transition démocratique s’était pourtant amorcée en douceur, notamment dans le pays voisin le Bénin. Au Togo les soulèvements populaires sont férocement réprimés par l’armée qui n’hésite pas à tirer sur les manifestants. Après une série de massacres condamnés par les observateurs internationaux et l’exode de centaines de milliers de togolais, partis se réfugier dans les pays voisins, la coopération militaire française est officiellement suspendue en octobre 1992.
À partir des années 1990 on peut parler d’une longue histoire et d’une transition démocratique manquée. Le Togo tout le monde le sait est un pays difficile, polarisé, et divisé entre le nord et le sud. En 1993, l’Union Européenne rond ses programmes d’entraide en dénonçant la mauvaise gouvernance et le déficit démocratique. En octobre, une commission est nommée pour préparer une nouvelle Constitution, soumise à un référendum. Un projet prévoit l’avènement d’un Premier Ministre, d’un Conseil Constitutionnel, et du multipartisme. Sous la pression de la France socialiste et de l’Allemagne, Eyadema est contraint de nommer à contre cœur un premier Ministre issu de la contestation, lui qui cumulait les fonctions de chef de l’État, ministre de l’intérieur, ministre de la défense. Il choisit dans un climat politique délétère, une figure de l’opposition modérée Joseph Koffigoh comme Premier Ministre, avocat de formation et fondateur en 1990 de la ligue des droits l’homme togolais. En juillet 1991 s’ouvre une« Conférence nationale » à laquelle participe Gilchrist Olympio. Gilchrist comme son père a fait ses études à Londres à l’Université d’Oxford dont il sortira avec un Doctorat en économie. Gilchrist en opposition ouverte avec le régime, qui ne cache pas sa haine pour la famille Gnassingbé est contraint de s’exiler en France pour continuer la lutte. Il sera plusieurs fois condamné à mort par contumace. Les troubles démocratiques commencés après le discours de La Baule le pousse à revenir au pays. Le régime vacille et c’est pour lui l’occasion de lui donner le coup de grâce. Il fonde dès son arrivée à Lomé « l’Union des Forces du Changement » (UFC), premier parti politique d’opposition radical. L’UFC fait pression sur le premier Ministre Koffigoh pour qu’il s’engage sur des positions plus dures et le somme de créer un Parlement de transition appelé le Haut Conseil de la République et de dissoudre le parti unique du Président Eyadema, le RPT. Eyadema feint de se soumettre, mais pour les faucons du régime, la dissolution du RPT est perçue comme crime de lèse-majesté. Elle leur donnera l’occasion un peu plus tard d’intervenir militairement.
Joseph Koffigoh pris entre le marteau et l’enclume cède de plus en plus aux revendications de cette opposition radicale, agitée il faut bien le dire, par un leader revanchard Gilchrist Olympio. L’armée fidèle au Président Eyadema décide avant qu’il ne soit trop tard de mettre au pas le Premier Ministre. La vie de Joseph Koffigho ne tient plus que par un fil. Koffigoh fait part de ses inquiétudes et des menaces bien réelles qui pèsent sur son intégrité physique à Bruno Delaye, ambassadeur de France au Togo. Celui-ci tire la sonnette d’alarme. Il contacte directement son ami Jean Christophe Mitterrand alors conseillé aux affaires africaines et malgache à l’Élysée, court-circuitant ainsi le Quai d’Orsay dont le ministre était Roland Dumas. Jean Christophe Mitterrand, obtient du ministère de la Défense tenu par Pierre Joxe, une protection officieuse du Premier ministre. Le choix de l’unité parmi laquelle des hommes seront désignés pour aller au casse-pipe se porte sur les gendarmes du Groupe de Sécurité de la Présidence de la République le GSPR. Aujourd’hui encore cette gageure de dépêcher en urgence trois gardes du corps appartenant à la garde prétorienne de son père, aller se fourvoyer dans des querelles de pouvoir en Afrique, ou un dictateur chasse l’autre, m’interpelle toujours. Cette mission à haut risque, quasi suicidaire, véritable cadeau empoisonné fait à mes trois camarades, marqua profondément les trois protagonistes : le capitaine Christian Laigneau et les gendarmes Patrick Bonnifait et Pascal Delfaut.
Quand on lit le compte rendu classé « confidentiel défense », en 1991 du colonel de gendarmerie français, Roland Laborie, commandant du détachement militaire assistance technique adressé au colonel Florimond Attaché de défense au Togo, ci inclus,(page 53) sur cette mission kamikaze confiée à ces trois militaires, on est en droit de se poser des questions. C’est un officier de la gendarmerie togolaise avec lequel j’ai travaillé en assistance militaire technique au Togo de 1995 à 1997, le capitaine Tchassama autre déçu du régime qui fouillant dans les archives de la gendarmerie me procura les documents. Cet officier trop bavard qui n’hésitait pas à critiquer ouvertement le Président Eyadema et le système sera quelques mois plus tard mis aux arrêts de rigueur, puis révoqué de l’armée, et enfin empoisonné par les tueurs de l’armée togolaise dont je connaissais les noms.
Quand on lit le compte rendu classé « confidentiel défense », en 1991 du colonel de gendarmerie français, Roland Laborie, commandant du détachement militaire assistance technique adressé au colonel Florimond Attaché de défense au Togo, ci inclus,(page 53) sur cette mission kamikaze confiée à ces trois militaires, on est en droit de se poser des questions. C’est un officier de la gendarmerie togolaise avec lequel j’ai travaillé en assistance militaire technique au Togo de 1995 à 1997, le capitaine Tchassama autre déçu du régime qui fouillant dans les archives de la gendarmerie me procura les documents. Cet officier trop bavard qui n’hésitait pas à critiquer ouvertement le Président Eyadema et le système sera quelques mois plus tard mis aux arrêts de rigueur, puis révoqué de l’armée, et enfin empoisonné par les tueurs de l’armée togolaise dont je connaissais les noms.
En novembre 1993 les violences de part et d’autre s’amplifient et les désaccords entre l’ancien parti unique et une opposition morcelée qui multiplie les factions enlisent les travaux de la Conférence nationale qui accouche d’éphémères gouvernements de coalition. Les années qui suivent voit le Togo s’enfoncer dans la nuit. Malgré les observateurs étrangers, grèves, prises d’otages, assassinats et attentats rendent impossibles toutes réconciliation.
Le 3 décembre 1991, les ultras du régime réclament la dissolution du Haut Conseil de la République. Pressés d’en finir avec la transition démocratique l’armée loyaliste décide d’encercler et d’attaquer la Primature (résidence du Premier Ministre). Lomé est réveillé au petit matin en sursaut par les tirs d’obus que crachent les canon de 20 mm des chars « scorpion »(petits chars légers de conception britannique des années 1973 appartenant à la famille des véhicules de combat de reconnaissance chenillés. Eyadema va l’emporter physiquement en envoyant ses soldats contre à résidence du Premier ministre.
Quatre à cinq cents soldats des FAT se réclamant du chef de l’État bardés de gri-gri et d’amulettes, sur de leur invulnérabilité, commandés par le colonel Toyi, frère du Président Eyadema agitent leur fusil d’assaut coréen (fac). À l’intérieur de la primature se trouve mon camarade Pascal Delfaut désigné de service cette nuit-là. Pascal se souviens encore de cette page, une de plus, peu glorieuse de l‘histoire du Togo et du carnage dont il a été témoin. Tiré de son sommeil par le crépitement d’armes automatique et les salves des tirs au canon qui perforent les murs de la résidence et qui s’effondre, Pascal au cœur de l’action est le premier sur le pied de guerre. Il peut compter sur une cinquante de gardes de sécurités qu’il a formés et entrainés au tir avec Christian et Patrick dès leur arrivée au Togo. Le rapport de force je vous l’accorde est disproportionné mais les hommes du premier Ministre qui sont à couvert veulent en découdre et la présence de Pascal Delfaut qui les booste et les commande, les stimulent d’autant plus. Kofiggoh et sa famille sont mis à l’abri dans les sous-sols de la résidence. Les ordres de tir de riposte par les fenêtres du premier étage de la primature que donne Pascal sont redoutables d’efficacité. Les assaillants mal préparés se lancent dans des vagues d’assauts successives et désordonnées. Par les fenêtres, ils se font tirés comme des lapins, et tombent comme des mouches sur le dos en position du cafards flytoxés, c’est l’hécatombe. L’ambassadeur de France Bruno Delaye et le capitaine Christian Laigneau entre temps se sont rendus sur place. Christian en liaison radio avec Pascal ordonne la capitulation, et le charge d’organiser la reddition des hommes du Premier ministre afin d’éviter le pire. Une trentaine de minutes se seront écoulées avant que les derniers tirs ne cessent définitivement. Les hommes d’Eyadema très excités, ivre de colère, investissent la Primature. Les règlements de compte vont pouvoir commencer. Dans ce remake de fort chabrol le bilan est lourd. Les assaillants ont perdu plus d’une centaine de leurs camarades ainsi que leur commandant, le colonel Toyi Gnassingbé. Les pertes côté assiégés s’élèvent à sept combattants auquel il faut rajouter l‘exécution sommaire de quatre officiers de la garde du premier Ministre abattus sur place d’une balle dans la tête dont le capitaine Epou, histoire de rééquilibrer de part et d’autre le nombre des victimes. Pascal craint pour sa vie mais le soldat qui lui applique le pistolet sur la nuque ne presse pas sur la détente. Le premier Ministre grâce à l’intervention de l’ambassadeur de France restera en vie. Conduit dans un camp militaire de la capitale il en sera quitte pour quelques gifles bien appuyées et des coups de chicote. Trainé devant Eyadema celui-ci le reconduit dans ses fonctions. Il sortira après cet entretien et un bon lavage de cerveau complètement métamorphosé près à lui manger dans la main. François Mitterrand pour protéger la communauté française à Lomé avait dépêché curieusement 300 parachutistes à Cotonou au Bénin voisin.
Un cinquième officier de la garde du premier Ministre le lieutenant Vincent Tokofaï anticipant sur le sort qui lui serait réservé, prit la fuite au moment de la reddition et se réfugia au Ghana. Ce rescapé de la Primature a été exécuté quelques années plus tard le 27 juillet 1995 à Accra capitale du Ghana par un commando de l’armée togolaise selon les conclusions de l’enquête menée par les services de renseignements ghanéen, le(BNI).Tokofaï bénéficiait d’un statut de réfugié politique au Ghana mais continuait la lutte armée. Il donnait des sueurs froides aux autorités togolaises. Il a été sacrifié pour une raison plus importante que la vie d’un seul homme. A la suite d’une visite surprise à Lomé du Président Ghanéen « Jerry Rawling » rendu à son homologue togolais pour normaliser des relations toujours très tendus depuis l’indépendance entre leurs deux pays, Eyadema avait obtenu la tête du lieutenant rebelle. Une façon comme une autre de sceller une réconciliation et un gage de bonne foi de la part du Président Rawling. Le lendemain de cet entretien informel Tokofaï succombait sous les balles de tueurs venu le déloger au Ghana.
Après la tragédie de la Primature, Eyadema dès ce moment-là mais en place une stratégie de terreur pour conserver coute que coute son pouvoir. Il temporise, gagne du temps en faisant échouer toutes tentatives de négociations et de réconciliation organisées sous le double patronage de la France et de l’Allemagne. Le sénateur gaulliste Charles Pasqua futur ministre de l’intérieur de la deuxième cohabitation s’est rendu le 21 décembre 1992, dans le village natal d’Eyadema à Pya pour lui exprimer son admiration et sa considération en deux mots son soutien implicite. Eyadema en attendant invoque et prie tous les dieux de la cosmogonie Kabyé et immole chèvres et moutons pour voir arriver la droite à Matignon. En mars 1993 c’est chose faite, les législatives remporté en France par l’opposition lui donne une bouffée d’oxygène.
Le grand nettoyage au Togo va pouvoir se poursuivre. Le général Eyadema peut aussi compter sur un trio d’exaltés, de sinistre réputation dont les noms sont toujours gravés dans la mémoire collective des togolais. Il s’agit pour les plus connus et les plus sanguinaires des capitaine Ernest Gnassingbé, et Kouma Biténéwé et du Colonel Narcisse Djoua. Exécuteurs zélés, fous furieux de la gâchette et d’exécutions extra judicaire. Ce sont les spécialistes des basses besognes et d’assassinats ciblés d’opposants au cours d’expéditions nocturnes. La listes de leurs crimes beaucoup trop longue donne des frissons et prolonge les outrages fait à la loi, aux institutions, et au respect de la dignité humaine.
Ces trois psychopathes ont également dans le collimateur mes trois compagnons d’arme. D’ailleurs ils figurent en tête de liste des hommes à éliminer. Leur statut de ressortissant français en mission de protection officieuse ne les préserve d’aucune immunité puisque considérés comme ranger derrière l’opposition ils ne représentent pour la famille Gnassingbé qu’un simple trio d’ennemis étrangers. Ils auront à leur trousse durant tout leur séjour au Togo neuf mois durant, ces trois tueurs nés qui n’auront de cessent de leur tendre des embuscades. Déjoués les pièges tendus, craindre d’être tués, voir torturés à tout moment et dormir chaque soir dans des endroits différents armes sous l’oreiller éprouveront physiquement et psychologiquement ces trois gendarmes. Ils rentreront par miracle vivant en France après avoir été en fin de mission exfiltrés du Togo. L’un de ces trois gendarmes en gardera des séquelles psychologiques au point d’avoir voulu dès son retour en France quitter le Groupe de Sécurité de la Présidence de la République.
Ernest Gnassingbé, Biténéwé et Djoua ont été également directement impliqués dans une des purges les plus sanglantes de l’armée togolaise, semblable à celle de la Nuit des longs couteaux en Bavière le 3 juin 1934 ou le chef des Section d’assauts (SA) Ernst Röhm est liquidé lui et une centaine d’autres par les Schulzstaffel (SS).
Le 25 mars 1993 sur ordre du Président simulant, une vague d’épuration est lancée contre des militaires de son armée qui se sont ralliés à la démocratie. Une cinquante d’entre eux seront froidement exécutés dont le général Ameyi et le colonel Tépé. On parlera officiellement d’agression terroriste.
En janvier 1993, Eyadema et son premier ministre Koffigoh décident de nommer un gouvernement d’unité nationale pour préparer et organiser les élections présidentielles. La candidature Gilchrist Olympio est rejetée. Eyadema soutenu par quelques partis de l’opposition ralliés à sa cause a peu à peu repris la main. Le11septembre 1993 Eyadema est réélu Président avec les incontournables 99 pour cent des voix.
Le « baobab » surnom du vieux dictateur togolais, a su tirer parti des divisions et a triomphé d’une opposition affaiblie qui mitraillette dans le dos n’ait jamais arrivé à se mettre d’accord sur une stratégie commune. Le baobab porte bien son nom, mais dans le sud du pays c’est d’un sobriquet beaucoup moins flatteur qu’il était affublé. Surnommé« Wétéklay » : animal issu de la mythologie togolaise est une créature légendaire bipède anthropomorphe analogue à l’abominable homme des neiges de l’Himalaya,(le yéti),en raison m’a-t-on dit de ses très longs bras et de ses très grandes mains qui lui permettaient aisément en station debout de remonter ses chaussettes sans la contrainte de se baisser.
Ernest Essonam Gnassingbé