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Billet de blog 7 avril 2023

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Aucune manifestation n'est interdite en République

Le droit de manifester permet l’expression libre des idées et le pluralisme conditionnant le caractère libéral et démocratique de l’Etat. Or le pouvoir tend à criminaliser les manifestants afin de légitimer l’emploi de la répression judiciaire à leur encontre. Le droit pénal peut-il résister à cette tentation sécuritaire qui met en péril l’exercice libre du droit de manifester en France ?

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1. Une infraction pénale est un abus de liberté.

En effet, tout crime, tout délit et toute contravention que la loi pénale menace d’une peine nécessite la réalisation d’un comportement humain. Or ce comportement doit nécessairement être le fruit d’une volonté libre et consciente de son auteur afin qu’il soit possible de lui en faire le reproche. L’être humain ne commet un délit que s’il a été en mesure de discerner le licite de l’illicite puis qu’il a choisi librement de commettre le second. L’infraction est donc l’exercice d’une liberté, mais un exercice que la loi juge abusif au point de le menacer d’un mal, une peine.

Si cette construction théorique de la responsabilité pénale peut apparaître philosophique, elle constitue en réalité la garantie concrète de l’existence d’un droit pénal libéral. Or l’existence d’un droit pénal libéral ne va pas nécessairement de soi. Il est une époque pas si lointaine où le droit français ne subordonnait pas l’exercice de la répression judiciaire à un acte libre de l’être humain. A titre d’illustration, il faut rappeler que l’ancien article 271 du Code pénal de 1810, abrogé en 1992 seulement, menaçait d’une peine d’emprisonnement le vagabondage, soit le seul fait pour l’homme de se trouver sans domicile certain, ni moyen de subsistance et de n’exercer habituellement ni métier, ni profession. De même peut-on remonter à l’époque antérieure à la Révolution française pour y trouver d’anciens délits d’opinion comme le blasphème. Ces incriminations témoignaient du caractère illibéral du droit pénal qui d’une part, sanctionnait des personnes pour leurs êtres et non pour leurs faits et d’autre part, punissait des citoyens pour leurs idées avant qu’elles ne se manifestent dans des actes libres pouvant porter atteinte à l’ordre public.

2. En revanche, la répression des seuls abus de liberté ne saurait constituer une condition suffisante à l’existence d’un droit pénal libéral. De surcroit, le droit pénal n’est libéral que s’il est subsidiaire1. Cela signifie que la loi pénale ne doit punir que les abus de liberté les plus graves pour l’ordre public. Elle laisse le soin aux autres lois de régir les incivilités, les indisciplines et les discourtoisies sans imposer par la peur une ligne de conduite ferme aux citoyens. Sans quoi, le droit pénal deviendrait totalitaire. Il doit donc tolérer l’anormal, la contestation ou l’anticonformisme sous peine d’être inévitablement tyrannique. C’est l’apanage des Etats démocratiques d’accepter le pluralisme et la confrontation de toutes les idées, à l’exception toutefois de celles qui mettent l’idée démocratique et libérale en péril. Car tolérer l’intolérance conduit toujours à la destruction du tolérant et de la tolérance avec lui2.

Dans une société démocratique, la confrontation des idées ne peut exister que si l’Etat garantit l’exercice par ses citoyens de la liberté d’expression. Or cette dernière peut prendre diverses formes qui doivent bénéficier d’un traitement juridique différencié. Par exemple, si la liberté d’opinion doit être absolument protégée, la liberté d’exprimer des opinions intolérantes doit être sévèrement réprimée3. Il est cependant l’un des usages de la liberté d’expression qui, parce qu’elle constitue l’essence même de l’exercice de la démocratie libérale, ne saurait être interdite ni réprimée : la liberté de manifestation.

3. La manifestation constitue dans l’Histoire de la République française un exercice privilégié du droit d’expression populaire à l’encontre des gouvernants. Des manifestations parisiennes de l’été 1789 aux manifestations étudiantes du printemps 1968, en passant par les journées révolutionnaires de 1830 ou de 1848 qui permirent l’avènement de la République sociale, la liberté de manifestation représente un droit du peuple souverain de contester les lois injustes ou les gouvernements iniques qui lui sont imposés par la force.

La violence n’est alors jamais loin de la manifestation, et parfois c’est elle qui fait basculer les évènements et fait choir la tyrannie. Cette violence, on le voit aujourd’hui avec plus d’acuité4, est partagée des deux côtés de la barricade, entre manifestants et forces de l’ordre. Mais si elle est révolutionnaire d’un côté, elle est répressive et tend à maintenir le statu quo de l’autre. Par conséquent, elle n’est pas de la même nature et ne reçoit pas un traitement identique tant médiatiquement que juridiquement.

4. La loi pénale peut-elle ainsi se mêler de la liberté de manifestation ? Son immixtion ne risque-t-elle pas de faire basculer le droit pénal libéral et démocratique en droit pénal autoritaire ? Comme cela l’a été dit plus haut, tout dépend de son caractère subsidiaire ou non.

Il peut parfaitement se concevoir que la loi pénale vienne réprimer durement les abus les plus violents de la liberté de manifestation. Tel est le cas du traitement pénal du mouvement insurrectionnel, de la levée de forces armées ou encore de la participation à un groupement armé ou à un mouvement dissous5. De tels comportements traduisent en réalité autre chose que la seule volonté de leurs auteurs de manifester leurs opinions sur la voie publique. En effet, les insurgés qui érigent des barricades, prennent les armes et tentent de se substituer aux autorités légales de la République s’inscrivent davantage dans une démarche antidémocratique que dans un processus purement protestataire6. En ce sens, ces comportements se rapprochent bien plus de la participation à un groupement terroriste qu’à l’exercice du droit de manifester.

5. Pour autant, peut-on concevoir que la loi pénale vienne sanctionner l’exercice, même abusif, du droit de manifester ses opinions sur la voie publique ? Toute manifestation violente n’est pas émeute, et comme cela vient d’être démontré, toute émeute n’est certainement pas insurrection ou terrorisme. Il existe là encore une profonde différence de nature dans la violence exercée par les participants. Par conséquent, la question de la pénalisation de la participation à une manifestation se pose concrètement aujourd’hui. A l’heure où l’on peut observer les nombreux déficits institutionnels et démocratiques de la V° République7, la manifestation constitue pour beaucoup le dernier recours démocratique pour faire entendre son opposition.

Or il est faux d’affirmer que toute violence commise au cours d’une manifestation par un manifestant est nécessairement illégitime et antidémocratique. Le militant qui s’attaque violemment à une institution, que par ailleurs la manifestation dans son ensemble entend contester dans sa légitimité, ne saurait être de facto assimilé à un insurgé, ni même à un émeutier. La violence est révolutionnaire parce qu’elle n’est pas aveugle. Il y a donc autoritarisme à considérer comme purement identique, tant politiquement que juridiquement, le fait de détruire les vitres de la voiture de son voisin qui nous est antipathique et le fait de détruire la vitrine d’une banque qui, par ses placements financiers, met en péril la survie de l’espèce humaine sur la planète. De même, la violence, lorsqu’elle répond à la violence policière organisée ou incontrôlée, ne saurait être automatiquement taxée d’illégitimité et ce indépendamment des circonstances qui l’ont conduites à se réaliser.

6. Il faut mener une réflexion sur la capacité du droit pénal à réprimer la manifestation sans verser dans l’illibéralisme. En effet, la subsidiarité du droit pénal est en jeu lorsque celui-ci décide d’ériger au rang d’infraction pénale l’exercice concret d’une liberté fondamentale garantie tant par le droit constitutionnel que par le droit international européen. Le pénaliste, soucieux du respect de la liberté individuelle et de la pérennité de l’Etat de droit en France, regarde d’un œil inquiet la criminalisation insidieuse de l’exercice des libertés publiques. Et davantage lorsqu’il s’agit « d’un des droits les plus précieux de l’Homme »8.

Par conséquent, notre étude commencera par se concentrer autour d’une première interrogation, à savoir si la participation à une manifestation peut constituer une infraction pénale (I). La seconde question qui nous intéressera sera celle de savoir s’il y a infraction pénale à se défendre contre la violence policière de l’Etat exercée en manifestation (II). Enfin, il s’agira de se demander si l’actuelle criminalisation des manifestants par le droit pénal contemporain est à la hauteur de l’idéal libéral et démocratique de la République (III).

I. La participation illicite à une manifestation

7. La question de savoir si la seule participation à une manifestation peut constituer une contravention ou un délit suscite la controverse. Politiquement d’abord, depuis que le Gouvernement, par la voix de son ministre de l’Intérieur9, l’a affirmé sans nuance, justifiant de ce fait les arrestations préventives des manifestants et autres violences extrêmes infligées à des militants au cours d’opérations de maintien de l’ordre. Juridiquement ensuite, car l’actualité a remis sur le devant de la scène une solution jurisprudentielle pourtant classique : participer à une manifestation non-déclarée ne constitue ni un délit, ni une contravention.

8. En effet, par un arrêt du 8 juin 202210, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé un jugement d’un tribunal de police qui avait retenu la responsabilité pénale d’une manifestante participant à une manifestation qui n’avait pas été déclarée en préfecture. La solution fait preuve d’un libéralisme qu’il faut saluer. Si le Code pénal prévoit bien des peines délictuelles pour les organisateurs de manifestations mal ou non-déclarées, la loi pénale n’incrimine jamais précisément la seule participation. Le tribunal de police s’était donc fondé sur l’article R. 610-5 du Code pénal qui permet de punir d’une amende toute violation des interdictions ou manquements aux obligations édictées par les décrets ou arrêtés de police. Constatant que le préfet avait pris un arrêté interdisant tout rassemblement sur la voie publique à l’exception des manifestations valablement déclarées, le tribunal avait pu déclarer que la manifestante méconnaissait une interdiction posée par un arrêté de police.

Ce que la Cour de cassation vient rappeler, c’est que l’article R. 610-5 du Code pénal ne constitue pas un texte d’incrimination11. A tout le moins, il donne la faculté aux maires et préfets de prévoir des contraventions lorsqu’ils édictent des règles pour la sauvegarde de l’ordre public. Or rien dans le droit français ne donne compétence à l’autorité administrative d’autoriser la tenue d’une manifestation. L’exercice de cette liberté fondamentale est certes soumis à déclaration, mais jamais à autorisation12. En définitive, l’obligation de déclarer une manifestation sur la voie publique n’est à la charge que des organisateurs et aucunement des participants qui bien souvent n’ont ni idée ni connaissance du respect ou de la violation de l’obligation imposée par la loi.

9. En revanche, le cas de la participation à une manifestation interdite apparaît plus délicat. En effet, depuis le 20 mars 2019, le fait de participer à une manifestation sur la voie publique interdite sur le fondement des dispositions de l’article L. 211-4 du Code de la sécurité intérieure constitue une contravention en vertu de l’article R. 644-4 du Code pénal. Une telle contravention soulève de nombreuses difficultés conceptuelles. D’une part, elle sanctionne la violation d’un arrêté préfectoral ou municipal interdisant une manifestation pour des motifs tenant à l’existence de risques de troubles à l’ordre public. Or on connaît la facilité avec laquelle l’autorité administrative peut considérer à tort une telle condition comme remplie. L’illégalité de ce type d’arrêté ne pourra être constatée que par le tribunal administratif saisi bien souvent après l’infliction de l’amende et son paiement par le manifestant contrevenant.

Pourtant dans un Etat de droit, refuser d’obéir à un règlement illégal ne peut constituer une infraction pénale13. La soumission de l’Etat, et donc de l’administration, au principe de légalité permet de garantir le contrevenant contre l’arbitraire. Elle est une condition au caractère libéral du droit pénal.

Certains mécanismes juridiques permettent de garantir que toute personne ne se conformant pas à un règlement administratif illégal ne soit pas condamnée pénalement. Si l’illégalité de l’arrêté d’interdiction de manifester a été prononcée par le juge administratif avant la comparution du manifestant devant le tribunal de police, alors le juge de la contravention doit relaxer le contrevenant faute de base juridique fondant les poursuites dirigées contre lui. Par ailleurs, si le contentieux de l’annulation de l’acte administratif est toujours en instance devant le juge administratif, le juge pénal peut lui-même apprécier la légalité de l’arrêté fondant la contravention et relaxer le manifestant s’il considère l’acte administratif contraire à une norme supérieure14.

10. Un raisonnement similaire peut être mené concernant la participation délictueuse à un attroupement. En effet, les articles 431-4 et suivants du Code pénal menacent de peines délictuelles le fait de participer à un attroupement susceptible de troubler l’ordre public après que deux sommations de se disperser sont restées sans effet. Le risque de trouble à l’ordre public constitue donc la condition substantielle de l’illégalité de l’attroupement car en principe, tout attroupement est licite15. Ainsi le manifestant commet un délit lorsqu’il choisit de continuer à participer à un attroupement qui ne trouble pas l’ordre public si l’autorité administrative a, à tort, décidé de sa dispersion. Encore une fois, la méconnaissance d’une décision illégale de l’autorité administrative ne saurait constituer une infraction pénale dans un Etat de droit. L’illégalité du règlement ou de l’ordre à la base des poursuites pénales devra être soulevée devant le juge administratif mais surtout, car il existe une impossibilité matérielle de saisir le tribunal administratif avant une charge policière, devant le juge de l’infraction pénale.

11. Cependant, dénonçons ici l’absurdité de ces méthodes policières et judiciaires qui rendent impossible l’exercice concret de la liberté de manifestation sur la voie publique. En effet, la caractérisation de la contravention de l’article R. 644-4 du Code pénal ou du délit de l’article 431-5 du même code donne lieu à l’établissement d’un procès-verbal. Lorsqu’elle sera constatée, la contravention de participation à une manifestation interdite aboutira à une procédure d’amende forfaitaire, ce qui permettra d’éteindre l’action publique par le paiement immédiat d’une somme minorée auprès de l’agent verbalisateur16. De plus, l’existence de cette contravention, conjuguée à la doctrine actuelle du maintien de l’ordre qui consiste à déclarer tout attroupement de nature politique comme susceptible de troubler l’ordre public, met en péril l’exercice libre de la manifestation car la sanction pénale, même mineure, joue un rôle éminemment dissuasif sur les citoyens17. Par ailleurs, dans l’hypothèse où le délit ou la contravention ne seraient juridiquement pas consommés, il est toujours possible pour les officiers de police judiciaire et le ministère public de mettre en œuvre toute une série de mesures procédurales qui permet de dissuader massivement les manifestants de participer ou de revenir en manifestation après avoir subi la répression18.

Se pose alors la légitime question de la résistance à l’oppression policière. Si les voies juridiques permettant de contester a posteriori la répression policière et judiciaire des manifestants n’offrent que peu d’effectivité, qu’en est-il de la possibilité pour le manifestant de résister aux ordres illégaux de l’administration ou de se défendre contre les violences illégales des forces de maintien de l’ordre ?

II. La résistance du manifestant aux illégalités policières

12. Si la désobéissance volontaire à un acte illégal de l’administration ne peut constituer un délit dans un Etat de droit, la loi pénale permet-elle pour autant au manifestant de résister activement à l’oppression policière ? Deux situations peuvent être envisagées. D’une part, un manifestant peut-il désobéir pacifiquement ou violemment à un ordre policier illégal ? D’autre part, un manifestant peut-il se défendre violemment de la violence policière illégale et disproportionnée commise en manifestation à son encontre ou à l’encontre d’un autre manifestant ?

13. La première interrogation suscite une réflexion autour du délit de rébellion. En effet, les articles 433-6 et 433-7 du Code pénal menacent de lourdes peines d’amende et d’emprisonnement le fait d’opposer une résistance violente à une personne dépositaire de l’autorité publique agissant dans l’exercice de ses fonctions pour l’exécution des lois, des ordres de l’autorité publique, des décisions ou mandats de justice. Une lecture stricte de ces dispositions conduit à exclure du délit de rébellion toute résistance non-violente19. C’est d’ailleurs la solution qui est affirmée, dans une certaine mesure, par la Cour de cassation20.

En revanche, le délit de rébellion apparaît consommé par le caractère violent de la résistance exercée. Le législateur aurait ainsi entendu punir la désobéissance civile uniquement dans sa manifestation violente. Or c’est faire fi de la rédaction du texte qui pose comme condition à la répression que la personne dépositaire de l’autorité publique agisse « pour l’exécution des lois » ou « des ordres de l’autorité publique ». La loi pénale poserait-elle comme condition à la consommation du délit de rébellion la réalisation d’une violence pour faire obstacle à l’exécution régulière d’un acte légal ?

La jurisprudence comme la doctrine pénaliste apparaissent partagées sur ce point. Si la Chambre criminelle de la Cour de cassation a pu affirmer à de nombreuses reprises que l’existence du délit de rébellion n’était pas subordonnée à la légalité des actes exécutés par les officiers publics21, quelques décisions font état d’un libéralisme louable. Un arrêt de la Cour d’appel de Reims du 18 mai 1985 a ainsi pu considérer qu’un prévenu était fondé à utiliser tous les moyens nécessaires pour se soustraire à une intervention illégale des agents de la force publique, lesquels, territorialement incompétents, avaient procédé à une arrestation parfaitement illégale car agissant hors du cadre d’enquête approprié22. Une partie de la doctrine soutient d’ailleurs cette position allant dans le sens des libertés publiques car il y aurait tyrannie à imposer au citoyen un devoir absolu d’obéissance à l’autorité, surtout lorsque cette dernière viole l’expression légale de la volonté générale23.

Cependant, le fracas qu’engendrerait la consécration d’un tel droit de résistance violente à l’autorité doit nous appeler à davantage de mesure. Il ne saurait être possible de résister violemment à toute exécution d’un acte d’autorité ordonné par un agent de la force publique dont la légalité peut être valablement questionnée. La contestation des actes d’enquête ou d’instruction devant le juge d’instruction ou la chambre de l’instruction remplit précisément cet office. Il en va de même du recours en annulation pour excès de pouvoir des actes administratifs illégaux devant le juge administratif. En revanche, la résistance du citoyen doit pouvoir être légale lorsqu’est en cause un acte manifestement ou grossièrement illégal24 dont la contestation juridique est vouée à l’échec faute de temps ou de voies de droit effectives. C’est ce que semble admettre la Cour d’appel de Reims en 1985, même si elle fait une appréciation souple du caractère grossièrement illégal de l’acte réalisé par les agents. De plus, il est évident que la riposte ou la résistance du manifestant aux forces de l’ordre doivent garder une stricte proportionnalité. On ne saurait admettre dans un Etat de droit que l’on commette un meurtre afin d’échapper à une interpellation, tout illégale qu’elle soit25.

14. Cependant, la seconde interrogation permet d’envisager le cas d’une réponse violente voire mortelle à l’exécution irrégulière d’un acte illégal par les forces de l’ordre. En effet, il s’agit de se demander si la loi pénale admet qu’un manifestant puisse défendre ou protéger sa personne comme la personne d’autres manifestants lorsqu’il fait face à des violences policières illégales ou disproportionnées. La question du bénéfice de la légitime défense se pose alors.

Telle qu’elle est définie par le législateur et théorisée par la doctrine pénaliste, la légitime défense ne semble admise que dans l’hypothèse où l’acte de protection du délinquant répond à une agression injustifiée26. En ce sens, est exclue la légitime défense d’une agression commandée par la loi et mise en œuvre régulièrement par un agent de la force publique. Qu’en est-il de l’agression non commandée par la loi et mise en œuvre irrégulièrement par un agent de la force publique ? Une telle agression ne serait-elle pas injustifiée au sens de la loi ?

La question est ardemment débattue. Si certains auteurs considèrent que l’illégalité de l’ordre ne doit pouvoir être contestée que dans un second temps et de manière strictement juridique, ils admettent que la solution demeure critiquable « car au moment de l’action, la nécessité de l’infraction apparaissait tout de même certaine (…), l’acte de protection constituait alors une réponse adaptée au péril »27. L’argument convainc, comment admettre que soit refusé le bénéfice de la légitime défense au manifestant qui fait l’objet d’une brutalité policière certaine, parfois même mortelle ? Attendre de lui qu’il conteste a posteriori la violence illégale qu’il a subi ou demande réparation de son préjudice ne semble pas acceptable et conduirait même l’Etat à violer ses obligations positives tirées de l’article 2 de la Convention européenne en matière de protection du droit à la vie28.

Un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 3 mai 200629 semble s’inscrire dans cette conception libérale, bien que de telles solutions restent globalement marginales. Dans cette décision, la Cour a validé le raisonnement d’une cour d’appel ayant reconnu le bénéfice de la légitime défense à un prévenu en retenant que les policiers avaient commis sur sa personne des violences injustifiées contre lesquelles il n’avait fait qu’exercer son droit de se défendre de façon proportionnée à la gravité de l’atteinte subie. Une telle solution mériterait d’être généralisée. En effet, l’action policière ne peut être revêtue d’une présomption irréfragable de légalité ou de proportionnalité, toute brutalité disproportionnée ou qui n’apparaîtrait pas nécessaire au maintien de l’ordre peut donner lieu à poursuites pénales et doit donc nécessairement permettre un droit de défense citoyenne via le mécanisme de la légitime défense30.

15. Il reste l’hypothèse dans laquelle l’illégalité ou la disproportion de l’acte policier est imaginaire car résultant d’une perception faussée de la réalité de celui qui se défend ou qui défend autrui en usant de la violence31. L’erreur de fait tenant au caractère prétendument illégal ou disproportionné de l’usage de la force publique entraîne une erreur de droit sur le bénéfice de la justification applicable aux actes de protection commis à l’encontre des forces de l’ordre. Le bénéfice de la légitime défense doit être refusé au manifestant mais celui-ci doit pouvoir se rabattre sur le bénéfice de l’erreur de droit. Il reviendra au tribunal d’apprécier si les conditions fixées à l’article 122-3 du Code pénal sont remplies, en d’autres termes que la personne ayant commis l’erreur n’était pas en mesure de l’éviter. Il serait pertinent, afin que notre droit pénal demeure fondamentalement libéral, d’apprécier concrètement si tel ou tel manifestant était en mesure d’éviter l’erreur qu’il a effectivement commise. Malheureusement, l’étude de la jurisprudence nous conduit à adopter une attitude beaucoup plus pessimiste32.

De tout cela il résulte que la loi pénale admette assez difficilement qu’un manifestant puisse résister, pacifiquement comme violemment, aux ordres illégaux et à l’exécution irrégulière de ces derniers par les forces du maintien de l’ordre. La conséquence est délétère tant pour le respect des libertés fondamentales des manifestants que pour l’intégrité de l’Etat de droit en France. Afin d’endiguer ce phénomène, il serait souhaitable de s’interroger sur la nécessité d’incriminer le fait de manifester en République.

III. Manifester ne peut pas constituer un délit en République 

16. Il nous faut revenir au fondement philosophique qui anime notre étude dans son ensemble. La garantie des libertés de l’individu et du caractère démocratique de notre société passe par l’existence d’un droit pénal libéral, car ce dernier, par sa subsidiarité, renonce à réguler tous les comportements humains de la société. L’omniprésence du droit pénal est le signe d’une faiblesse criante de l’autorité de l’Etat. En effet, lorsque celui-ci doit recourir à la peine afin d’imposer le respect d’une norme comportementale, c’est qu’il échoue à faire preuve d’autorité, donc d’adhésion de la part de ses citoyens. Une norme est respectée non pas parce que la loi pénale menace sa violation d’une peine lourde, mais parce qu’elle fait sens pour chacun.

Or c’est sur ce point que la répression du droit de manifester apparaît dangereuse, si ce n’est complètement antirépublicaine. L’idéal républicain est marqué en droit pénal par l’idée que tout ce qui ne nuit pas à la société est permis. L’esprit de la Déclaration de 1789 est profondément marqué par cette philosophie pénale libérale33. Le premier code pénal révolutionnaire du 25 septembre et 6 octobre 1791 ne comprenait qu’une liste extrêmement limitée d’incriminations afin de sauvegarder la liberté individuelle34. Ce n’est qu’en 1810, après le tournant autoritaire de la dictature bonapartiste, que le droit pénal libéral révolutionnaire fut balayé par un droit pénal sécuritaire impérial qui traversa presque sans encombre les régimes politiques jusqu’à la fin du XXe siècle. L’efficacité répressive de ces dispositions qui foulaient au pied les glorieux acquis de 1789 explique sûrement leur pérennité.

17. Mais en République, ce qui n’est pas interdit est autorisé. En République, le législateur ne doit défendre que les actions nuisibles à la Société. Par conséquent, en République, aucune manifestation n’est interdite.

Lorsque la loi pénale ou le règlement incriminent l’exercice d’une liberté fondamentale, il convient de vérifier que ce choix obéit à une stricte nécessité et proportionnalité. On peut certes imaginer que dans leurs applications concrètes, les délits et contraventions des articles 431-3 et suivants, 431-9 et suivants, et R. 644-4 du Code pénal pourront faire l’objet d’un contrôle de légalité voire d’un contrôle de conventionnalité et de constitutionnalité35, mais le mal sera déjà fait. En effet, l’existence même de ces infractions pénales sert de fondement à la mise en œuvre de procédures qui annihilent l’effectivité du droit de manifester : contrôles d’identité, placement en garde à vue, usage de la force publique afin de disperser tout rassemblement sur la voie publique.

Or la liberté de manifester constitue une liberté protégée par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. A ce titre, la Cour européenne a pu considérer que la mise en œuvre de procédure privatives de liberté ou de peines dissuasives à l’encontre de manifestants au point de les priver de leur droit de manifester doit s’analyser en une ingérence disproportionnée dans l’exercice de la liberté de réunion36. En somme, l’existence de ces infractions pénales, indépendamment de leur sanction par l’autorité judiciaire, fait peser un risque grave sur l’effectivité du droit de manifester en France.

Les lois et règlements qui créent la contravention de participation à une manifestation interdite et le délit de participation à un attroupement illégal sont scélérates. Ces infractions sont illibérales et antirépublicaines par nature en ce qu’elles permettent d’engager la responsabilité pénale de personnes qui, pacifiquement, exercent une liberté fondamentale que la République aurait dû consacrer depuis déjà bien longtemps37.

18. L’article R. 644-4 du Code pénal va jusqu’à violer tous les principes du droit pénal car sa rédaction permet d’infliger une amende à une personne qui peut, dans certains cas, n’avoir ni conscience ni intention de participer à une manifestation interdite. Le Conseil d’Etat, en référé38, a pu rejeter le recours en annulation dirigé contre la disposition au motif que le plein contrôle du juge sur la décision d’interdiction et de la possibilité pour le contrevenant de faire valoir devant le juge judiciaire l’absence d’intention de participer à la manifestation excluait tout atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. C’est omettre d’une part que la majeure partie des contraventions feront l’objet d’une procédure d’amende forfaitaire sans passer devant un juge et d’autre part que le caractère intentionnel d’une contravention est présumé de manière presque irréfragable en droit pénal39. Reste sans doute l’hypothèse dans laquelle l’autorité administrative différera sciemment la publication de ses arrêtés d’interdiction afin d’éviter leur contestation devant le juge administratif. Mais on peut là encore douter que le tribunal de police admette l’absence d’intention ou l’existence d’une erreur de droit.

19. Enfin, le propos est identique s’agissant des infractions pénales de dissimulation volontaire du visage sans motif légitime en manifestation40. La norme pénale est tout aussi scélérate que lorsqu’elle incrimine la participation à une manifestation interdite. Ce délit n’a pas d’autres buts que de dispenser le ministère public d’avoir à apporter la preuve qu’une atteinte aux biens ou aux personnes commise au cours de la manifestation est imputable au prévenu. La seule circonstance qu’une personne ait dissimulé son visage en manifestation permet d’engager sa responsabilité pénale. Il ne semble pas y avoir de différence profonde entre ce délit et tous les autres délits caractérisés par le refus de donner à l’autorité judiciaire le code de déverrouillage de son téléphone ou encore par le refus de se soumettre à un prélèvement ADN ordonné par l’autorité judiciaire41. Tout est fait pour pallier la carence de preuve permettant d’imputer une infraction pénale à un manifestant déterminé, laquelle devrait en réalité conduire à la relaxe du prévenu. Par un renversement total de la présomption d’innocence et du droit de ne pas s’auto-incriminer, la loi pénale semble aujourd’hui commander aux manifestants de commettre leurs infractions le visage découvert afin de permettre leur identification. Le législateur pourrait aller plus loin, en qualifiant de délit tout refus par un gardé à vue d’avouer qu’il est l’auteur de l’infraction pénale dont il est accusé…

20. Il nous faut questionner tant la légalité que la légitimité de la criminalisation des manifestants en France depuis plusieurs années. La pénalisation apparaît parfaitement justifiée lorsqu’il est question de sanctionner les mouvements insurrectionnels qui ont pour but de s’attaquer à l’existence même du régime républicain par la force et le nombre. Elle l’est sûrement aussi lorsque le manifestant se voit reprocher les violences qu’il a personnellement commises au cours d’une manifestation à l’encontre des personnes comme des biens. En revanche, le droit pénal sort totalement de son rôle lorsqu’il punit, même de petites peines, la seule participation à un rassemblement, que celui-ci soit interdit ou non. Seule la sanction des organisateurs apparaît justifiée car elle constitue la conséquence de la violation d’obligations posées par la loi pour l’exercice de cette liberté fondamentale. En aucun cas les participants à la manifestation ne devraient être tenus pour responsables de ces méconnaissances, sous peine de consacrer une intolérable responsabilité collective.


1 E. Dreyer, « La subsidiarité du droit pénal », in Mél. Robert, Paris, LexisNexis, 2013, pp. 247-263.

2 K. Popper, La société ouverte et ses ennemis, Paris, Seuil, 1990-1991, 2 vol.

3 La loi pénale comprend donc des délits d’outrage, d’injure ou de diffamation, afin de réprimer les usages abusifs de la liberté d’expression comme l’expression d’opinions racistes, xénophobes, sexistes ou homophobes.

4 Sur l’accélération de la répression policière et judiciaire depuis l’utilisation du 49.3 le 17 mars 2023, v. S. Brethes, D. Israel et A. Rouget, « Les interpellations arbitraires, partie immergée de la répression policières », Médiapart, 31 mars 2023.

5 Toutes ces infractions sont prévues dans le Livre IV du Code pénal dans ses articles 412-3 et suivants, 412-7 et suivants et 431-13 et suivants.

6 A. Collet, « Insurrection », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, 2001, §5.

7 L’adoption de la réforme des retraites de 2023 a permis d’exacerber les nombreuses carences tant démocratiques qu’institutionnelles qui rongent la V° République : déficit de représentativité des élus du fait de l’abstention, passage en force au Parlement faute de majorité absolue, hyper présidentialisation du pouvoir exécutif accentuée par la présidence d’Emmanuel Macron, absence de dialogue avec les représentants syndicaux ou organisations de la société civile, etc.

8 Article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789.

9 S. Cazaux, « Participer à une manifestation non déclarée est-il un délit, comme l’affirme Gérald Darmanin ? », BFMTV, 22 mars 2023.

10 Cass. crim., 8 juin 2022, n°21-82. 454 ; Gaz. Pal. 29 nov. 2022, note E. Dreyer ; D. actu. 13 sept. 2022, note D. Parmart.  

11 Voir la note d’Emmanuel Dreyer à la Gazette du Palais sur ce point.

12 L. Favoreu, P. Gaïa, A. Roux, O. Le Bot, A. Pena, G. Soffoni, I. Fassassi, A. Duffy et L. Pech, Droit des libertés fondamentales, Dalloz, 8e éd., 2021, pp. 413-414.

13 E. Dreyer, Droit pénal général, LexisNexis, 6e éd., 2021, p. 285 ; X. Pin, Droit pénal général, Dalloz, 14e éd., 2022, pp. 109-113.

14 Le juge pénal dispose du pouvoir de contrôler la légalité des actes administratifs à la base des poursuites pénales dont il est saisi en vertu de l’article 111-5 du Code pénal. Si le juge pénal conclut à l’illégalité de l’acte administratif, alors l’acte n’est pas applicable au procès en cours sans toutefois être annulé ni abrogé.

15 En effet, un attroupement constitue un rassemblement spontané sur la voie publique de sorte qu’il n’a pas à être ni déclaré en préfecture, ni autorisé par l’autorité administrative : la liberté de s’attrouper constitue donc la plus absolue des libertés fondamentales ; voir M.-L. Rassat, Droit pénal spécial, Dalloz, 8e éd., 2018, pp. 1052-1053.

16 L’article R. 48-1, 13° du Code de procédure pénale permet l’application de la procédure d’amende forfaitaire à la contravention de l’article R. 644-4 du Code pénal. Cela signifie qu’il est possible pour l’agent verbalisateur de proposer au contrevenant d’acquitter immédiatement une amende d’un montant minoré (135€ au lieu de 750€) auprès de l’agent afin d’éteindre l’action publique et de mettre fin aux poursuites. Si la procédure a l’avantage de l’efficacité et de la célérité, elle soulève de nombreuses réserves quant au respect du principe de présomption d’innocence et celui de la séparation des pouvoirs.

17 Sur le caractère dissuasif de la peine en matière pénale : v. E. Dreyer, Droit pénal général, LexisNexis, 6e éd., 2021, pp. 1046-1049 ; X. Pin, Droit pénal général, Dalloz, 14e éd., 2022, p. 425.

18 Lorsqu’un officier de police judiciaire suspecte qu’une personne est auteur ou complice d’une infraction pénale, elle dispose de la faculté de mettre en œuvre plusieurs mesures procédurales intrusives ou privatives de liberté en fonction de la gravité de l’infraction suspectée. Or la suspicion de commission de contravention peut donner lieu à un contrôle d’identité qui peut être réalisé dans un lieu autre que celui de la manifestation comme un commissariat et durer plusieurs heures. De même, la suspicion de commission d’un délit pourra donner lieu à une mesure de garde à vue pouvant durer jusqu’à quarante-huit heures en cas de prolongation par l'autorité judiciaire. 

19 G. Roussel, « De la résistance citoyenne à la rébellion délinquante », Gaz. Pal. 24 janv. 2017, pp. 71-73.

20 Plusieurs arrêts de la Cour de cassation font état de cas de rébellion alors même qu’il n’existe aucune atteinte (Cass. crim., 7 nov. 2006, n°05-87.106 : Bull. crim. n°273) ni contact physique (Cass. crim., 11 mai 2005, n°04-86.638 : Dr. pén. 2005, comm. 124, obs. M. Véron) entre le prévenu et la personne dépositaire de la force publique. Par conséquent, le caractère nécessairement violent de la rébellion peut être interrogé.

21 Il s’agit d’une solution ancienne (Cass. crim., 22 août 1867 : Dr. pén. 1868, 1, 286 ; Cass. crim., 5 janv. 1821 : S. 1821, 1, 358) et constante (Cass. crim., 7 févr. 1995, Bull. crim. n°51 ; Dr. pén. 1995, comm. 156, obs. A. Maron ; RSC 1996, 133, obs. Delmas-Saint-Hilaire).

22 Reims, 18 mai 1985, Mme Fatmi et autre ; JCP G. n°23, 5 juin 1985, II, 20422, note P. Chambon.

23 Etant dit que la résistance à l’oppression fait partie des quatre droits naturels et imprescriptibles de l’Homme en vertu de l’article 2 de la Déclaration de 1789, même si ce droit n’a pas encore reçu de consécration juridique effective par le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat, sauf peut-être dans le statut du fonctionnaire public.

24 M. Véron, Droit pénal spécial, Sirey, 17e éd., 2019, p. 479 ; Cass. crim., 3 mai 1961, Bull. n°234.  

25 Cependant, dans une telle situation, on peut toujours imaginer que le meurtre soit constitué tandis que la rébellion ne l’est pas, les deux infractions pénales étant distinctes dans leurs éléments constitutifs. De cette manière, la proportionnalité de l’acte de résistance pourrait être éludé par le juge, qui constaterait la relaxe du chef de rébellion au regard de l’illégalité de l’acte administratif exécuté tout en entrant en voie de condamnation du chef de meurtre, lequel ne saurait être justifié a posteriori par la seule illégalité de l’acte contre lequel le manifestant s’est défendu.

26 R. Bernardini, « Légitime défense », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, 2023, §69.

27 E. Dreyer, Droit pénal général, LexisNexis, 6e éd., 2021, pp. 1029-1030.

28 La Cour européenne des droits de l’Homme considère que les droits protégés par la Convention européenne impose aux Etats des obligations négatives (interdiction d’y porter atteinte) mais aussi des obligations positives (nécessité d’empêcher qu’il y soit porté atteinte).

29 Cass. crim., 3 mai 2006, n°05-83.938 (Inédit).

30 Rappelons que lorsque les forces de l’ordre usent de la force publique, ils commettent des infractions de violences volontaires qui sont justifiées par l’autorisation de la loi contenue, pour partie, dans l’article R. 211-13 du Code de la sécurité intérieure, en vertu duquel « l’emploi de la force par les représentants de la force publique n’est possible que si les circonstances le rendent absolument nécessaire au maintien de l’ordre dans les conditions définies par l’article L. 211-9. La force déployée doit être proportionnée au trouble à faire cesser et son emploi doit prendre fin lorsque celui-ci a cessé. »

31 La question est intéressante car il ne s’agira pas de statuer ni sur la vraisemblance de l’agression, ni sur l’existence de cette agression. Seul le caractère injustifié de l’agression sera en cause et on peut penser que la jurisprudence admette qu’il existe une présomption de légalité dans l’action policière qui ne peut être renversée que dans l’hypothèse où l’agression apparaît grossièrement disproportionnée ou manifestement illégale car l’acte ne se rattache à aucun pouvoir accordé aux forces de l’ordre dans un Etat de droit (acte de torture ou de barbarie, atteinte à la dignité humaine).

32 La Cour de cassation ne semble admettre l’erreur de droit que si celle-ci apparaît invincible, c’est-à-dire dans des cas extrêmement limités où l’auteur de l’infraction a été induit en erreur par une administration publique à qui il a pu demander conseils préalablement sans pouvoir être en mesure de savoir si effectivement l’acte qu’il commettait était bien illégal (Cass. crim., 11 mai 2006, JCP G. 2006, II, 10207, note O. Fardoux).

33 On croit lire dans l’article 5 de la Déclaration l’affirmation de la subsidiarité du droit pénal : « La Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas. »

34 E. Dreyer, Droit pénal général, LexisNexis, 6e éd., 2021, p. 18 ; X. Pin, Droit pénal général, Dalloz, 14e éd., 2022, p. 11 ; J.-M. Carbasse, Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2000, pp. 210-216.

35 Evoquant la possibilité de voir dans un futur proche la participation à une manifestation interdite échapper à toute sanction sous couvert d’un droit à la liberté de réunion garantie par l’article 11 de la Convention européenne : E. Dreyer, « La Convention européenne des droits de l’Homme comme cause d’irresponsabilité pénale ? », D. 2023, p. 124.

36 CEDH, 14 sept. 2010, Hyde Park et autres c. Moldova, n°6991/08 et 15.084/08, §47 ; v. aussi CEDH, 1er déc. 2011, Schwabe c. Allemagne, n°8080/08 et 8577/08 et CEDH, 5 mai 2020, Csiszer et Csibi c. Roumanie, n°71.314/13 et 68.028/14.

37 La liberté de manifestation n’a jamais fait l’objet d’une consécration législative républicaine contrairement à la liberté de la presse (L. du 29 juil. 1881), à la liberté d’association (L. du 1er juil. 1901) et à la liberté syndicale (L. du 21 mars 1884). La liberté de manifestation n’est règlementée qu’avec le décret-loi du 29 octobre 1935 adopté pour répondre aux manifestations antiparlementaires de l’extrême droite du 6 février 1934. La liberté de manifestation n’est donc pas proclamée, elle est encadrée par des obligations législatives aujourd’hui codifiées au Code de la sécurité intérieure.

38 CE, ord., 29 mars 2019, n°429.028, Ligue des droits de l’homme ; AJDA 2019, p. 729.

39 E. Dreyer, Droit pénal général, LexisNexis, 6e éd., 2021, pp. 721-722.

40 L’infraction est définie à l’articles 431-9-1 du Code pénal.

41 Les infractions sont prévues aux articles 55-1 du Code de procédure pénale et 434-15-2 du Code pénal.

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