Introduction : La démarche de l’UNL dans la société
Le rôle historique des syndicats est double :
- améliorer le quotidien du milieu lycéen.
Concrètement, cela se traduit par l’information quotidienne des élèves, notamment au sujet de la mutation du service public d’éducation ces trois dernières années, ainsi que des actions d’aide directe comme les collectes alimentaires mises en place dans nos lycées récemment, où les moments de sensibilisation, par exemple contre les discriminations.
- Construire des ponts de solidarité dans nos lycées.
Le militantisme quotidien de l’UNL a vocation à nous regrouper autour d’intérêts communs, ceux de la jeunesse. En faisant prendre conscience aux élèves des intérêts communs qu’ils partagent, nous avons vocation à construire un rapport de force pour faire émerger une éducation favorable à tous et toutes, qui ne laisserait personne de côté.
Notre démarche ne s’inscrit donc pas seulement dans le court terme mais aussi dans le long terme. Si nous agissons dans nos lycées, c’est également pour porter un projet de société. L’action quotidienne de nos militant.e.s vise à la transformation sociale. Autrement dit, La défense individuelle de nos camarades de classe a pour objectif de mettre en lumière les phénomènes systémiques qui engendrent leurs problèmes particuliers.
Nous aspirons à une société plus juste et égalitaire. L'École joue un rôle pivot en cela. La répartition des emplois se fait notamment en corrélation avec la formation plus ou moins longue et complexe d’un individu. Pour que quiconque puisse prétendre à choisir librement son activité future, l'École doit donc nous donner les moyens de réaliser pleinement la formation que nous souhaitons. De plus, l'École doit apporter un bagage commun à tous les élèves pour permettre à chacun d’investir pleinement sa citoyenneté. Force est de constater qu’aujourd’hui le compte n’y est pas et que les inégalités de naissance se perpétuent. Il y a nécessité d'agir : C’est en réformant le système éducatif que nous transformerons la société.
"Panne de l’ascenseur social" : la jeunesse mise en difficulté
On observe dans l’Histoire de l'École républicaine deux démocratisations majeures de l’enseignement. Ces événements sont majeurs pour analyser l'État du service public d’éducation aujourd’hui.
- La gratuité de l'École suite à la loi du 16 Juin 1881
Toutefois, les enfants des familles les plus précaires devant toujours contribuer aux besognes quotidiennes pour subvenir aux besoins du foyer, peu en bénéficient concrètement.
L'École sera d’ailleurs rendue laïque par la loi du 28 mars 1882, ce qui est un progrès majeur pour notre milieu. Cependant, il ne s’agissait donc pas de donner la même éducation à tous les enfants, mais avant tout de transmettre un socle commun pour fédérer autour des valeurs de la République, dans un climat de revanche suite à la guerre perdue face à la Prusse. Jules Ferry affirme ainsi au sujet de sa réforme qu’il a “promis la neutralité religieuse, [mais] pas la neutralité philosophique ou la neutralité politique." Toutefois, il s’agit d’une étape primordiale pour le progrès au sujet de l’accès à l’éducation.
- L’obligation scolaire jusqu’à 16 ans suite à l'ordonnance de Janvier 1959
Dès lors, la scolarisation se développe fortement, jusqu’à atteindre les 80% d’une classe d’âge obtenant un diplôme de l’enseignement secondaire. L'accès à l’éducation est une avancée fondamentale pour la jeunesse. L’accès à un diplôme pour une large partie de la population n’est pas nécessairement synonyme d’un abaissement du niveau général. Il garantit au contraire une amélioration générale du niveau de vie de la population. Un éventuel abaissement du niveau général des élèves serait davantage à mettre au compte de la forte baisse de moyens dans le service public d’éducation ces dernières années que sur le taux de réussite au bac élevé.
Cependant, les conditions dans lesquelles se font cet apprentissage restent tout aussi fondamentales. Elles connaissent aujourd’hui encore de trop nombreuses limites.
Aujourd’hui, la jeunesse a majoritairement accès à l’enseignement en France, mais pas dans les mêmes conditions. Le système scolaire actuel reste fortement en faveur des classes les plus favorisées : elles y retrouvent leurs références culturelles “classiques” et des implicites qu’elles ont déjà appris à décoder. De surcroît, l’accès ou non à une aide concernant nos choix d’orientation joue toujours un rôle déterminant. On observe une censure plus importante chez des élèves issus de milieux populaires que chez les autres, même à compétences scolaires égales. Le coût que peut représenter le fait de faire des études longues, notamment l’absence de salaire pendant la période d’étude, nous pousse à nous tourner vers des formations plus professionnalisantes mais moins rémunératrices. L’instauration de Parcoursup est venu nous mettre une barrière supplémentaire. Quand nous décidons de nous inscrire à la fac’, nous pouvons dorénavant être refusés et ne pas avoir d'affectation dans l'enseignement supérieur.
Depuis les années 1990, le combat contre la reproduction des inégalités stagne. 70% des fils d’ouvrier deviennent ouvriers suite à leurs études. Il en est de même pour les fils de cadres, devenant cadres à leur tour. Les réformes Blanquer ne sauraient que creuser ce constat déjà lourd. La répartition inégale des enseignements de spécialités sur le territoire favorisera l’augmentation des inégalités d’accès à l’enseignement et donc à l’emploi. De plus, le contrôle continu inclus dans le baccalauréat engendre un accès au diplôme à deux vitesses.
La crise sanitaire a accentué cette dynamique : l'enseignement en distanciel creuse les inégalités face à l'éducation. L'accès au numérique n'étant pas le même pour tous, tout comme notre capacité à travailler en autonomie, nombre d'entre-nous sont laissés sur le carreau. Une conséquence : une forte hausse du decrochage scolaire, qui engendre une forte anxiété dans la jeunesse.
L'École est donc loin de parvenir aux objectifs de justice sociale qu’elle s’assigne.
Mythe méritocratique et culpabilisation permanente des élèves
Malgré ce constat alarmant, l’actuel ministre de l’éducation ne reconnaît pas les inégalités intrinsèques du service public d’éducation. Il porte un regard particulier sur l'École : celui de la méritocratie, avec pour outils ses réformes et l’optique d’instaurer l’apprentissage des “savoirs fondamentaux”. L’idée derrière cette notion de savoirs fondamentaux réside l’acceptation de cette éducation à deux vitesses : l’une, destinée à tous et visant à enseigner la lecture, l'écriture et le calcul, qui sont des compétences primaires universellement utiles. L’autre, destinée à une élite (sociale, économique…) et permettant une réelle élévation intellectuelle. Nous refusons cette binarité et demandons une seule et même éducation, permettant la formation citoyenne de tous ainsi que notre émancipation intellectuelle nous étant due de droit en démocratie.
Au vue des inégalités qui ne reculent plus malgré l’action de l’école publique, nous ne pouvons pas considérer que la réussite des élèves dépend de leurs qualités propres. Celles-ci dépendant davantage de leur environnement social et pédagogique, dans lequel nous évoluons. Nier l’implication des phénomènes systémiques qui vont influencer nos choix et nos résultats est fondamentalement violent. Les élèves les moins favorisés ont déjà à lutter contre un système grandement inadapté à leur égard, et qui tend à le devenir davantage sous l'exercice du ministre de l’éducation actuel. Les culpabiliser pour un échec dont ils ne sont pas acteurs, mais à l’inverse victime, est une forte atteinte à notre bien-être. Il faut par ailleurs voir une constante dans la culpabilisation dont la jeunesse est sujette. Pendant la crise sanitaire, nous avons été désigné comme les boucs-émissaires, responsables de cette crise sanitaire. Pourtant, nous étions tous aussi précautionneux que les autres générations. Cette crise s’est accentuée par des prises de décisions incohérentes, le gouvernement privilégiant un jour la santé de la population et celui d’après “l’économie française”. De surcroît, elle est la conséquence de politiques anti-écologiques mondiales dont nous ne sommes pas décisionnaire. Il en est de même à l'École : nous subissons des politiques éducatives fondamentalement inégalitaires et n’avons pas à être blâmés pour cela.
Porter la voix et l’alternative lycéenne
C’est pour cela que nous agissons : pour ne plus rester silencieux face à un système éducatif exerçant une violence sociale, une violence de classe, inouïe à l’égard de nos camarades les plus défavorisés. Nous ne serons pas une génération condamnée par un ministre voulant nous diviser. Nous nous unissons pour réunir l'École, aujourd’hui grandement fracturée par les inégalités sociales.
Le premier séparatisme auquel nous voulons mettre fin, c’est celui des riches. Le financement public d'institutions privées, en plus d’être une infraction au principe de laïcité, est un frein énorme à la mixité sociale qu’est censée permettre l’Ecole de la République. Une école financée à la fois par des fonds privés et publics sera nécessairement plus performante qu’une école 100% publique. C’est pourquoi il faut que cet argent soit totalement investi dans le service public d’éducation. C’est à l’Etat et à lui seul de permettre une éducation commune à tous.
Dans le but d’unifier les enseignements, l’UNL porte historiquement la revendication d’un lycée modulaire. Deux éléments à retenir : premièrement, nous demandons un tronc commun de connaissance pour toutes les voies. Celui-ci comprendrait les matières générales nécessaires à notre future citoyenneté. Tout le monde doit avoir accès en conséquence à des cours d’Histoire, de Mathématiques, de Français, de Philosophie, d’Anglais, d’éducation civique… Aujourd’hui, on tend à réduire les heures d’enseignement générales en voie professionnelle : plus qu’une économie budgétaire, c’est la preuve d’un réel mépris pour ces élèves, considérés comme de seconde zone. Ne pas leur donner ses heures d’enseignements généraux les condamne par ailleurs à ne pas pouvoir se ré-orienter dans les cursus généraux de l’enseignement supérieur. Ainsi, dès 15 ans, notre avenir se trouve être tracé. Nous revendiquons tous notre droit à l’avenir et au choix de cet avenir, en toutes circonstances. Deuxièmement , des spécialités présentes dans tous les lycées, au sein d’établissements polyvalents. Nous voulons pouvoir choisir nos études. C’est pourquoi nous voulons un baccalauréat qui laisse une marge de manœuvre à nos goûts, nos préférences et notre personnalité. Ces spécialités peuvent évidemment aider à l’orientation mais ne sauraient en aucun cas être un critère de sélection à l’université, à laquelle nous sommes opposés. Ce lycée modulaire permettrait d’effacer les frontières (de classe) entre les voies de l’enseignement secondaire, tout en permettant l’épanouissement de chacun au cœur d’enseignement choisi.
Dernièrement, nous revendiquons un réel service public d’orientation. La loi Ecole de la confiance tend à déléguer ce travail à nos professeurs. En réalité, nos parents sont aujourd’hui bien trop souvent nos premiers conseillers. Cette situation ne peut que perpétuer les inégalités. Nos parents parlent de leur expérience, de ce qu'ils connaissent. Nous serons donc influencés par leur condition sociale. Pour nos professeurs, cela représente une charge mentale immense que de conseiller un élève sur son avenir. Orienter est un métier : il faut créer un réel pôle d’orientation public avec des moyens, des instances et des infrastructures dédiées. Aujourd’hui on ne compte qu’environ un.e conseiller.e d’orientation psychologue pour deux établissements. Le suivi personnalisé de tous les dossiers est alors impossible. Pourtant, nous avons tous besoin de conseils pour prendre les meilleures décisions.
Notre avenir dépendra des choix qui seront faits par les pouvoirs publics et de notre action en leur faveur. Sans un service public d’éducation et d’orientation largement financé par l’Etat, notre génération sera condamnée à subir son destin.
Pour 2021, nous prendrons la résolution de ne pas devenir la génération sacrifiée.