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Billet de blog 4 septembre 2012

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Chroniques d'un malade chronique

Pourquoi ce blog ? Pourquoi maintenant ?Cela fait un certain temps que l'idée fait son chemin. Le doute m'a jusqu'à présent empêché de franchir le dernier pas. Toujours la hantise de la vacuité et la crainte de la compassion.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pourquoi ce blog ? Pourquoi maintenant ?

Cela fait un certain temps que l'idée fait son chemin. Le doute m'a jusqu'à présent empêché de franchir le dernier pas. Toujours la hantise de la vacuité et la crainte de la compassion.

Rien ne m'est plus insupportable, et je ne suis pas le seul, je le sais, que ces petites phrases comme autant d'épines : " Je vous souhaite bon courage ", " j'aimerais pas être à votre place ", "avec tout ce que vous avez ça doit pas être simple à vivre ".

Non, ce n'est pas simple. Mais il n'y a pas à tergiverser. Soit je fais face, soit je me laisse crever. Si je fais face, il me faut vivre. Vivre avec un corps laminé par des années de virus et de traitements. Vieillissement accéléré, ils appellent ça chez les médecins. Mais, je ne retiendrai qu'un mot : VIVRE. Mais à quel prix ?

Ce blog ne se veut ni un témoignage (il y a plein d'émission à la télé pour cela), ni un plaidoyer. J'aimerais, par ma très modeste contribution, qu'il redonne un peu de parole à ceux qui par peur de l'exclusion (affective, sociale, professionnelle) se protège dans un silence qui les tient à distance. A ceux que j'ai pu croiser et qui, par leur humanité et parfois leur détresse, m'ont donné envie de me battre pour que notre dignité soit rétablie et respectée.

Car le silence est assassin. Selon une enquête menée par AIDES auprès des patients du service infectiologie de l'Hôpital Bichat à Paris, les deux mots les plus associées au SIDA, sont "isolement" et "solitude". 

Silence, Solitude, SIDA... Si triste constat sans surprise.

Le corps médical, tout comme les associations sont bien démunies et peinent à trouver des réponses adéquates à ce nouveau syndrome. Il faut remplacer le combat contre la mort, par un combat pour la vie, paradoxalement bien moins fédérateur. D'où une désertion massive des séropositifs du tissu associatif.

J'ai pu fâcher certains de mes interlocuteurs en portant le constat qu'une large majorité de militants et salariés des associations de lutte contre le SIDA n'étaient pas séropositifs. Il m'a même été reproché, à la sortie d'un colloque, d'avoir pris la parole en me présentant comme séropositif co-infecté (et oui, comme plus d'un quart des malades, je suis aussi porteur d'une hépatite). Certains ont vu là une discrimination à l'égard des séronégatifs. J'aurais préféré en rire, mais j'ai été blessé. Avec le recul, je crois même être un peu en colère.

Pourtant, loin de moi l'intention de dévaloriser l'engagement de qui que se soit. Mais n'est-il pas plus facile pour certains séropositifs de parler avec un autre séropositif. Créer du lien et rompre le silence. Dire à celui ou celle qui nous fait face que, NON, il (elle) n'est pas seul(e). Que nous sommes 150000 en France, soit l'équivalent d'une ville comme Dijon.

Désolé de revenir un peu à ma pomme. Simple nécessité pour évoquer le pourquoi de ce blog à cet instant de ma vie (j'ai quarante ans).

A la fin de l'année, je vais passer du statut de salarié longue maladie à celui d'invalide de catégorie 2. Je vais, à cette occasion, probablement perdre mon emploi. Qui dit catégorie 2, dit interdiction d'exercer toute activité professionnelle. Heureusement, je reste autorisé à continuer mes activités associatives et notamment mon mandat au sein d'un Corevih (COordination REgionale de lutte contre le Virus de l’Immunodéficience Humaine). Et il me reste l'écriture comme part plus personnelle, moins contrainte.

Je vais avoir enfin du temps pour faire des choses utiles.

Mathieu

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