Un magistrat qui enquêtait sur les désastres environnementaux et le trafic de déchets toxiques dans la région de Naples est décédé dans la nuit de samedi à dimanche dans un spectaculaire accident de la route en Calabre, rapportent les médias italiens dimanche.
La voiture à bord de laquelle voyageait Federico Bisceglia, procureur au parquet de Napoli Nord a effectué dans la nuit une sortie de route inexpliquée. Après avoir enfoncé le rail de sécurité, le véhicule a fait un vol de 30 mètres hors de la chaussée, selon il Mattino, quotidien de Naples.
Le magistrat de 45 ans, originaire de Calabre, était un expert en matière de lutte contre les délits environnementaux. Federico Bisceglia avait suivi plusieurs dossiers liés au scandale dit de la « Terre des Feux », cette région de la campagne napolitaine polluée irréversiblement par des déversements sauvages de déchets toxiques par la mafia locale. Il avait également mené une enquête sur des déversements d’eaux polluées près de la « Grotta Azzurra » à Capri.
Federico Bisceglia enquêtait aussi sur la mort de la petite Fortuna, une fillette défenestrée dans le quartier Parco Verde de Caivano (nord de Naples) après avoir été victime d’abus sexuels de la part d’un adulte du voisinage. La mort de la fillette avait dévoilé l’existence d’un réseau pédophile dans ce quartier déshérité de la banlieue de Naples.
Caivano est par ailleurs l’une des communes les plus touchées par l’augmentation du nombre de cancers et de leucémies, notamment chez les enfants, qui seraient, selon le prêtre, Don Maurizio Patriciello et des associations de victimes, directement liées aux déversements sauvages de déchets toxiques par la criminalité organisée.
« Federico Bisceglia travaillait sur trop de dossiers brulants » a souligné Angelo Pisani, avocat au barreau de Naples, proche du magistrat dans un communiqué distribué à la presse.
Outre les délits environnementaux et l’affaire de pédophilie à Caivano, le magistrat Bisceglia avait enqueté sur des irrégularités dans l’attribution des marchés pour l’organisation de l’America’s Cup à Naples.
« C’était un des magistrats les plus honnêtes et les plus engagés que j’aie connu, un infatigable défenseur de la légalité et garant des valeurs humaines » a regretté l’avocat avec lequel Federico Bisceglia avait enquêté sur le cas de la petite Fortuna.
Les proches du magistrat napolitain demandent à ce que « toute la lumière soit faite sur les causes de l’incident ». Pour Antonio Marfella, cancérologue-toxicologue à l'Institut national du cancer de Naples, la mort du magistrat pourrait ne pas être accidentelle.
Ce dimanche, terrorisé, il écrivait sur Facebook : « La nouvelle de l’accident de voiture qui a couté la vie au magistrat Bisceglia avec lequel j’ai collaboré me terrasse de douleur et m’oblige à la terreur, au vu du message précis que j’ai reçu à l’occasion de la rencontre avec le repenti de mafia Schiavone avec Padre Maurizio… j’ai été « averti » par Carmine Schiavone d’être particulièrement attentif à des « accidents de la route » comme cela est déjà arrivé à un autre référent et ami : le général Gennaro Niglio ».
Antonio Marfella fait allusion à Gennaro Niglio, général de l’arme des carabiniers était mort à 55 ans, il y a plus de dix ans en mai 2004, suite à un grave accident de la route à Caltanisetta en Sicile. Natif de Campanie, le général Niglio était résolument engagé dans la lutte anti-mafia.
« Maintenant j’ai vraiment peur » écrit l’oncologue napolitain Antonio Marfella. La mort du magistrat Federico Bisceglia, intervient qui plus est, quelques jours après le décès subit du repenti de mafia Carmine Schiavone, le 22 février dernier.
Le boss de la Camorra, collaborateur de justice depuis les années 90, a été terrassé par un infarctus à sa sortie de l'hopital pour une opération de routine. Carmine Schiavone avait révélé l’ampleur du scandale de la « Terre des Feux », cette région de la campagne napolitaine où la mafia locale a enfoui des milliers de tonnes de déchets toxiques.
« Dans 20 ans, ils seront tous morts » avait déclaré le repenti au cours d’une de ses auditions par la justice en 1997. Rendue publique seulement en 2013, cette déclaration avait déclenché un vent de panique et de vives polémiques.
Selon le nouveau rapport de l'organisation écologiste Legambiente publié en février , la situation de la « Terre des Feux » est toujours aussi dramatique. Le recensement des sites pollués n'est toujours pas terminé et le nombre de pathologies ne cesse d'augmenter dans la région. Les opérations de décontamination n'ont pas encore commencé.