Il n’y a plus de symbole plus fort du vide politique où nous sommes tombés : un pouvoir qui recycle ses propres démissions, comme s’il ne savait plus distinguer la fin du commencement, ni la faute du réflexe.
Tout cela ressemble à une parodie d’histoire : les visages ne changent plus, les phrases se répètent, la direction demeure.
Ce n’est plus une politique, c’est une mécanique. Et ce pouvoir, qui prétend incarner la modernité, ne fait que regurgiter ses propres ruines.
Il avance sans perspective, sans imagination, sans peuple. Il gouverne par réflexe, comme on maintient sous perfusion une forme déjà vide.
Ce n’est pas un choix, c’est une boucle.
Un geste d’usure, un signe d’impuissance.
Un pays tout entier réclame un souffle, et le pouvoir lui offre son miroir.
Dans la France d’aujourd’hui, même la démission ne signifie plus rien : elle devient un simple mouvement d’air dans la continuité du même.
Nous avons déjà tout dit, tout écrit, tout dénoncé : la verticalité, l’arrogance, le mépris. Et pourtant, tout recommence, comme si la parole citoyenne s’écrasait désormais sur un mur insonore.
Et pendant que le pouvoir s’acharne à préserver son entre-soi, l’extrême droite prospère sur cette fatigue. Elle avance sur le vide laissé par la démission du politique, sur cette lassitude du peuple à qui l’on promet toujours autre chose pour lui servir le même. Elle se nourrit du désenchantement, de cette impression que rien ne peut changer, que tout se vaut.
Elle récolte ce que le libéralisme épuise : le progrès, la confiance dans le collectif, la promesse d’un avenir. À force de reconduire les mêmes, le pouvoir creuse la tombe de ce qu’il prétend sauver.
Alors oui, un nom a été prononcé.
Mais ce n’est pas celui du courage, ni celui du sursaut.
C’est celui d’une continuité devenue obscène — celle d’un pouvoir qui se reconduit lui-même, au mépris de la logique, du peuple et du sens commun.
Nommer Premier ministre un homme qui vient de démissionner, c’est ne plus gouverner : c’est prolonger la désertion du sens. C’est refuser d’entendre le pays, refuser de voir le monde, refuser de dire que quelque chose doit profondément changer.
Et pourtant, il faudra bien rompre.
Non pas par colère seule, mais par dignité.
Parce qu’une société qui s’habitue à l’absurde prépare toujours le lit de sa propre disparition.
La honte tranquille de ce gouvernement, c’est d’avoir vidé le mot “République” de sa promesse démocratique.
Notre devoir, c’est de la lui reprendre.
M.P.