La création indirecte du Hamas par Israël :
une stratégie de division
Contexte historique :
Le Hamas (Harakat al-Muqawama al-Islamiyya) est fondé en 1987, au début de la première Intifada, par des membres des Frères musulmans palestiniens. À l’époque, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) dominée par le Fatah de Yasser Arafat est perçue comme l’acteur principal du nationalisme palestinien, mais aussi comme un adversaire politique et militaire d’Israël.
Stratégie israélienne :
Des documents, des témoignages d’anciens responsables israéliens (notamment des anciens du Shin Bet) et des analyses universitaires indiquent qu’Israël a toléré et indirectement favorisé l’essor du Hamas dans les années 1980. Le but : affaiblir l’OLP, plus structurée, laïque et considérée comme une menace stratégique, en favorisant un mouvement islamiste encore peu implanté mais radicalement opposé à l’OLP.
Exemples concrets :
• Israël a autorisé et parfois même soutenu logistiquement l’organisation d’associations religieuses affiliées aux Frères musulmans (mosquées, ONG, écoles).
• Selon des enquêtes journalistiques et des mémoires d’agents israéliens, des permis de construction ont été délivrés à des ONG islamistes alors que celles affiliées à l’OLP étaient systématiquement bloquées.
• Des observateurs comme Charles Freeman (ancien ambassadeur américain) ont dit : « Israël pensait pouvoir manipuler le Hamas comme un contrepoids à l’OLP. »
Des financements tolérés, voire facilités par Israël
Durant les années 1990 et 2000, une partie des fonds du Hamas provenait de dons internationaux (notamment via des réseaux de la diaspora), mais transitaient parfois par des canaux que l’État israélien connaissait et ne bloquait pas activement.
• Israël a laissé passer des fonds destinés au Hamas à Gaza depuis le Qatar, en particulier après la prise de pouvoir du Hamas à Gaza en 2007.
• Ces fonds étaient transférés via Israël, en espèces ou en camions, sous prétexte de soutenir la population civile.
• Plusieurs anciens responsables israéliens, comme Naftali Bennett ou Moshe Ya’alon, ont reconnu que ces flux avaient été acceptés pour éviter l’effondrement de Gaza et maintenir la division entre le Hamas et l’Autorité palestinienne (AP).
Ainsi, paradoxalement, Israël a préféré un Gaza gouverné par le Hamas plutôt qu’un territoire uni sous l’Autorité palestinienne, pourtant reconnue internationalement.
L’absence de condamnation occidentale : une double morale
Une complicité implicite ignorée ?
Malgré la connaissance de ces faits, les puissances occidentales, dont la France, n’ont jamais publiquement reproché à Israël d’avoir alimenté la division palestinienne ou indirectement contribué à la montée d’un groupe qu’ils qualifient eux-mêmes de terroriste.
Pourquoi ce silence ?
• Israël est un allié stratégique des États-Unis et de plusieurs pays européens dans la région.
• La narration officielle demeure focalisée sur « le droit d’Israël à se défendre » sans introspection sur les causes politiques de la fragmentation palestinienne.
• Toute critique de l’État israélien est souvent assimilée à de l’antisémitisme, ce qui étouffe le débat démocratique dans les pays européens.
Le cas Netanyahou et la Cour pénale internationale (CPI)
Le 20 mai 2024, la CPI a demandé un mandat d’arrêt international contre Benjamin Netanyahou pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, notamment pour le blocus de Gaza et les bombardements massifs.
Réaction de la France :
• Officiellement, la France a soutenu l’indépendance de la CPI.
• Mais des sources diplomatiques françaises ont laissé entendre que Netanyahou ne serait pas arrêté s’il venait en France, malgré que la France soit signataire du Statut de Rome, fondant la CPI.
• De plus, son avion a survolé l’espace aérien français récemment sans que cela n’entraîne de réaction, ce qui démontre un refus d’appliquer les décisions de justice internationale lorsque cela concerne un allié stratégique.
Conclusion : une hypocrisie juridique et politique
Israël a, au fil des années, utilisé le Hamas comme levier stratégique pour affaiblir la cause palestinienne unifiée. En tolérant voire facilitant son développement, l’État israélien a pris un risque historique, dont les conséquences se manifestent aujourd’hui par une violence extrême et un enlisement du conflit.
Et pendant ce temps, l’Occident se rend complice par son silence ou son soutien inconditionnel, refusant d’assumer les règles du droit international quand elles s’appliquent à ses alliés. Cette double morale mine la crédibilité de l’ordre juridique mondial.
Tribune Manan Atchekzaï
le 03/06/2025