Gaza : quand l’histoire bégaie, et que le monde arabe se tait
Par Manan Atchekzaï – 21 mai 2025
On me dira que comparer Israël à l’Allemagne nazie est une abomination. Que cela offense la mémoire des victimes de la Shoah. Que c’est de l’antisémitisme. Pourtant, ce que je vois aujourd’hui à Gaza, ce que le monde entier voit et refuse de nommer, c’est la réactivation d’une mécanique dont l’Europe croyait avoir brûlé les plans à jamais.
Les nazis n’ont pas commencé avec les chambres à gaz. Ils ont commencé par enfermer, isoler, affamer, humilier. Ils ont d’abord désigné un peuple comme un problème. Puis ils ont bâti des murs, coupé les ressources, instauré des blocus. Ils ont transformé des vies en cibles, des enfants en statistiques, des humains en déchets. Ce chemin, Israël l’a emprunté. Et il va jusqu’au bout.
Gaza est un ghetto. Un ghetto moderne, numérisé, sous drones et satellites. On y rationne l’eau, la nourriture, les soins. On y bombarde écoles, hôpitaux, abris. On y nie toute humanité à l’ennemi. Et comme à Varsovie, on tire sur ceux qui fuient.
L’armée israélienne bombarde des civils prisonniers. Elle coupe l’eau et la nourriture. Elle tue massivement. Elle filme. Elle justifie. Elle recommence. Son gouvernement parle d’animaux humains. De raser. De nettoyer. De finir le travail. Les mots ont changé, mais la logique est intacte : détruire un peuple non pour ce qu’il fait, mais pour ce qu’il est.
Mais il y a une autre trahison, plus discrète, plus honteuse encore. Elle vient de ceux qui prétendaient être les frères de ce peuple : les dirigeants du monde arabe. Où sont-ils ? Où est leur colère ? Leur solidarité ? Leur dignité ? À quoi servent leurs sommets, leurs drapeaux, leurs pétrodollars, si les enfants de Gaza meurent seuls, affamés, bombardés, abandonnés ?
Certains signent des accords de normalisation avec Israël pendant que les bombes tombent. D’autres condamnent mollement pour calmer leur opinion publique, mais laissent les frontières closes, les hôpitaux vides, les armes au placard. Ils se taisent ou marchandent, pour conserver leur trône ou leur rente.
Leur silence n’est pas de la neutralité. C’est une collaboration passive avec le bourreau. Leur trahison n’est pas seulement politique. Elle est morale. Elle est historique. Et elle ne sera pas oubliée.
Je ne parle pas du peuple israélien dans son ensemble. Je parle d’un pouvoir, d’une armée, d’un système. Et je parle aussi de notre lâcheté à nous, en Occident, qui avons juré de dire « plus jamais ça » tout en détournant les yeux au nom du confort diplomatique. Mais je parle surtout à mes frères et sœurs du monde arabe : comment pouvez-vous vous regarder dans un miroir pendant que Gaza meurt seule ?
Faut-il vraiment attendre des fours crématoires pour parler de barbarie ? Faut-il vraiment qu’un État mette en place une solution finale pour qu’on se permette de faire le parallèle ? Le droit international parle de génocide quand il y a volonté de détruire, en tout ou en partie, un peuple. C’est exactement ce que l’armée israélienne est en train de faire à Gaza.
Les nazis ont agi au nom d’une idéologie de purification raciale. Israël agit au nom d’une idéologie de domination ethnique, d’un apartheid militaire, d’un messianisme colonial. Ce n’est pas le même discours, mais c’est la même déshumanisation. La même arrogance. Le même mépris de la vie de l’autre.
L’histoire ne se répète jamais à l’identique. Mais elle bégaie. Et chaque fois que nous refusons de l’entendre, elle se transforme en hurlement.