Ce fût à « l’Imprimerie », un hôtel « bobo » de Clichy, les hôtels sont un refuge pour ma tête. Personne ne sait qui tu es quand tu passes le pas de la porte, ni d’où tu viens, ni pourquoi.
Je n’y ai pas d’attache, pas d’affect non plus.
Aussi, ce soir-là, je pris la chambre sur un site expert en ligne. Tu sais, un de ceux qui réfléchisse à ta place, dont les algorithmes sont créés pour synthétiser ta pensée en filtres, et produire en millième de secondes, un résultat qui te ressemble (ou pas).
Je pénètre ce lieu, par un grand porche noir, ceux des manufactures d’époque j’imagine. Une allée dessert un patio fleuri, des arbres où se mêlent les bruits de la nature, recouvert eux-mêmes par ceux, bruyants, de la ville tapis derrière.
Une petite bulle, une bulle « bobo », dans ce quartier populaire en voie d’extinction ou de gentrification, à toi de choisir.
La « touche » de l’endroit, réside en son architecture, originale, enracinée et qui se traduit par une briqueterie de façade design et industrielle à la fois.
On imagine aisément l’histoire de cette bâtisse aux détails choisis et intégrés avec soin dans la décoration.
Une imprimerie au cœur d’un quartier populaire, empreint de lutte syndicale et de journalisme. C’était quoi la UNE, à l’époque ?
C’est ça, la « magique touch bobo » : on annexe un endroit populaire, on le retape, et on y raccroche de son Histoire que le romanesque. C’est une sorte de bovarysme architectural, quoi !
Le patio et le temps invitant à la décontraction, c’est en sirotant un cocktail, que j’ai rouvert ce classique comme dans une machine à remonter le temps. Du moins, dans l’idée de revivre la sensation que sa lecture m’avait procuré.
C’était à l’époque du collège, où mes activités périscolaires avoisinaient le néant. Si tu n’avais pas « les loves » pour le sport, la lecture s’impose à toi comme le seul moyen d’apprendre autrement.
C’est sur mon lit, que je lisais le plus souvent. Le jour où j’ai lu le Grand Meaulnes : une claque, ce fut le premier livre qui m’a vu pleuré.
Quand je dis pleurer c’est « chialer ma race », genre spasmes du sanglot et tout… A dire vrai, quand j’y repense, je suis encore émue. Je sais dire avec précision, la douleur que j’ai ressentie en fermant le livre.
Une douleur sincère, dénué de raisonnement.
Le Grand Meaulnes, est la parfaite expression de ce que j’entends de l’Amitié.
Bien installée sur la terrasse ensoleillée, je bu une gorgée de ce cocktail parfumé, et entrepris de tourner la première page.
A cet instant précis, dès la lecture de la première ligne, j’ai su que je ne le terminerai pas, tout était intact.
Je n’avais plus besoin de continuer. C’est ce qu’il y a de magique avec l’écriture, lorsqu’elle vous touche, elle demeure ancrée dans la mémoire « cénesthésique ». Et, telle une Madeleine de Proust, à la simple évocation du titre du roman, dès le premier mot : UNE REVIVISCENCE !
De celle qu’on aime, traumatique, mais pas trop, dans le bon sens, un souvenir quoi !
Eh, ben ça réveille, je te dis qu’ça, tu te prends une claque de sentiments, et surtout l’évidence de ceux-ci.
C’est le génie des écrivains, réussir à vulgariser leur perception inouïe de ce qui les entourent : La Transmission.
Le Grand Meaulnes, m’a traduit, de ce que l’amitié est d’AMOUR, ainsi que la naissance d’une relation sincère, sans chichis.
On aime la personne du premier regard : on ne sait pas comment, ni dire pourquoi MAIS, on sait, à cet instant T, qu’elle fera partie de notre vie.
C’est pur, irraisonné, sans attaches évidentes, ni familiales, ni sociétales, sans même l’avoir rêvé.
C’est ainsi que je m’associe à ce récit, la relation de François et d’Augustin, se traduit par des paradoxes, des asynchronies temporelles, des destins croisés tout en étant liés.
Aussi, il est imprégné d’affects refoulés, de silences, de respect et de sincérité de cœur : l’AMOUR quoi… Ce livre me bouleverse tant, je crois savoir pourquoi.
Je suis de celle qui ne cause pas, de celle qui ne dit rien d’elle, de son état profond.
Moi, je prouve : les faits, rien que les faits ! Je démontre mon amour pour les autres sans le leur dire.
Une putain de challenge !
Le Grand Meaulnes, c’est un amour pur qui ne dit pas son nom, mais qui le prouve… trop tard.
Alors, je ne sais pas si j’écris ce texte pour toi, pour moi, une chose est sûr, c’est pour NOUS.
Je t’aime de cet amour-là . Tu mérites de la savoir, il n’y a plus rien à prouver entre nous, juste le dire.
Sois heureuse, tu le mérites tellement.
Ta Sista de cœur, éternellement, Laila.
PS : si tu veux comprendre , va falloir lire le livre :)
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