L'affaire aura duré une semaine, le temps d'une tergiversation "ira, ira pas" et d'une "diatribe antisémite" d'un peu plus d'une heure. Ainsi, la conférence mondiale contre le racisme a finalement atteint son but : trouver le plus raciste des racistes. Ne pouvait-on pas s'attendre à mieux d'une telle entreprise? Apparemment non. Au vue des principales constructions mobilisées par l'affaire, l'antiracisme d'Etat emprunte finalement les même impasses que la version "classique", mais pire encore, au nom de la vérité...
. Le racisme, c'est "mal"...
La première étape de l'affaire, outre une déclaration préliminaire jugée médiatiquement inintéressante, vient de l'absence programmé des Etats Unis, dont le président pourtant aurait été selon certains "LE symbole de tout cela". Si ce choix peut finalement s'expliquer, non se justifier, par des intérêts politiques et diplomatiques viv à vis de l'état d'Israel, la position européenne et plus encore Francaise tente elle de se justifier "pilosophiquement"...En gros, " Ahmadinejad se préparant à un discours antisémite, nous ne pouvons y assister car écouter c'est adhérer". La sorite d'un tel dilemme philosophique est vite trouvée par Kouchner : "au premier dérapage, nous quitterons la salle". Bien joué Bernard ! La situation nous montre finalement le poids symbolique du racisme au niveau international. Il ne s'agit en aucun cas de minimiser les propos du président Iranien mais de montrer la stratégie européenne qui vise à ne pas écouter, donc ne pas comprendre, de peur d'être accusé du "péché vraiment capital". Pourtant, à ce niveau de légitimité et face au caractère plutôt simpliste du discours en question, la France, pourtant si fière de montrer son côté "pays des droits de l'homme", n'est elle pas en mesure d'y répondre autrement que par "la chause vide" ? Pire encore, finalement en assistant à la conférence, dont le contenu était prévisible, quel est le but : se montrer plus intelligent ou "tolérant" que les autres ou alors montrer "physiquement" son opposition à l'antisémitisme ? Bref, même au niveau international, le "soucpon" de racisme semble l'emporter sur une réfléxion plus large quant à un antiracisme contruit...
. "Le choc des civilisations"
Une réfléxion, non, une explication, bien sûr : celle d'Huntington voyant le choc des civilisations.Les médias en font tous leurs titres et les discours officiels en posant l'ahésion européenne à des valeurs autres, sous entendues plus évoluées que les autres, racistes donc archaïques (et vice et versa), contribuent à affirmer une telle interprétation de l'affaire. On tombe ici dans les fondements propres au racisme contemporain, du "trop différent". La discussion s'avère donc impossible tant Européens et Musulmans sont trop éloignés. Depuis quand Ahmadinejad est-il le porte parole des musulmans ? N'y a t'il donc aucun européen musulman? Quid de l'amalgame...Et notre Rama Yade d'ajouter "nous n'avons pas honte des valeurs que nous portons, qui ne sont pas des valeurs occidentales, mais des valeurs universelles..." A quand le droit d'ingérence antiraciste ? Pour Rama, en effet, "il ya des peuples, des sociétés civiles dans le monde entier qui compte sur nous !". Notre président lui assure le service minimum en appelant à une "extrême fermeté" envers Ahmadinejad...ca mange pas de pain...
. Vive la France !
Un détour par les forums de discussions, terrain où je mène actuellement une recherche (modeste), met en évidence les rapports entre ces positions et les constructions faites par l'individu lambda. Dans un premier temps, c'est l'adhésion avec ce boycott censé "affirmer notre refus de l'islamisme". Les amalgames sont rapides, islamiste, islamique, musulman, étranger...bref le "choc des civilisations" est là, il apparait aux yeux de tous..Samuel ne s'était donc pas trompé ! On dérive d'ailleurs rapidement sur l'apparition du fameux "racisme antiblanc" dont le boycott de la France marquerait la reconnaissance, enfin...Je vous passe les détails sur les comparaisons entre nos valeurs et les leurs, enfin "si l'on peut appeler ca des valeurs"... Le deuxième mouvement, c'est celui d'une critique de l'absence des Européens. Ici, ce sont les "Juifs", ou sionistes on ne sait plus trop, qui ont encore frappé. En effet, le "lobby" s'est encore attaché à disqualifier tout réfléxios sur le racisme et l'antisémitisme puisque c'est leur seul arme pour arriver à dominer le monde, enfin... Pour résumer, les forums ou réactions d'articles quant à l'affaire sont une déferlante de constructions plus douteuses les unes que les autres où les positions internationales servent à chacun pour confirmer un peu plus la validité de leur propos...
Pour conclure, et c'est mon avis, l'affaire Durban II me semble tout aussi dramatique qu'inquiétante. C'est finalement la réappropriation et l'usage de principes et d'idéologies ambigües qui pourtant ont souvent été déconstruites par les intellectuels reconnus du racisme et de l'antiracisme. De plus, cette absence des pays occidentaux et la faiblesse de leur justification, conforte plus ou moins tout un ensemble de positions "glissantes" de plus en plus partagées dans la société. Ce billet, aussi rapide qu'il soit, émane d'une certaine "colère" à l'égard de cette affaire et de son traitement médiatique alors que je rédige actuellement un mémoire où j'essaie de comprendre les constructions d'un antiracisme "de sens commun". Or l'évenement me laisse penser que ce dernier, outre les idéologies qui le guettent, pourrait être bien plus profond, et peut être efficace, que sa construction dite "universelle". Pour terminer, je citerais Izmir, mon voisin qui fait de très bon kebab: " avec cette histoire, c'est pas demain que je pourrais faire autre choses que des kébabs..."