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Billet de blog 13 septembre 2025

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« Bloquons tout » : retour sur la mobilisation du 10 septembre 2025

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Une journée protéiforme

La journée du 10 septembre, présentée par ses initiateurs sous le mot d’ordre « Bloquons tout », a donné lieu à une série de mobilisations d’ampleur variable dans plusieurs grandes villes françaises. L’appel, sans organisation centrale ni porte-parole désigné, reposait sur une logique horizontale : chacun était invité à agir selon ses moyens et ses convictions, qu’il s’agisse de manifestations, de blocages routiers, d’occupations symboliques ou d’assemblées générales.

Si l’initiative a surtout marqué par sa diversité, elle a également révélé une colère sociale diffuse, exprimée aussi bien dans les métropoles que dans des zones périphériques ou rurales.

Les faits observés

À Paris, Lyon, Rennes, Toulouse, Montpellier, Strasbourg ou encore La Rochelle, plusieurs milliers de personnes ont participé à des actions, parfois brèves, parfois plus durables.

La mobilisation a souvent été confrontée à une forte présence policière, entraînant des tensions et plusieurs interpellations. Dans certains cas, les blocages ont été réduits à des opérations symboliques.

Au total, les organisateurs évoquent environ 250 000 participants à travers le pays – chiffre difficile à vérifier, mais qui illustre une certaine capacité de mobilisation, comparable à d’autres débuts de mouvements sociaux récents.

Forces et limites

Parmi les points forts :


Une capacité à rassembler au-delà des structures syndicales traditionnelles.

Un mode d’action souple et décentralisé, permettant l’implication de publics variés.

Une forte visibilité médiatique et sociale.

Mais aussi des limites :


Des revendications jugées floues ou trop générales.

Des divergences de méthodes entre partisans d’actions radicales et militants plus modérés.

Le risque de récupération politique.

Une répression qui a pu dissuader certains participants.

Les violences, un frein à la mobilisation

Si la majorité des actions s’est déroulée sans incident majeur, plusieurs épisodes de dégradations – mobilier urbain, vitrines de commerces, véhicules incendiés – ont marqué la journée.

Minoritaire, cette violence a néanmoins contribué à brouiller le message du mouvement et à justifier une réponse policière renforcée. Elle illustre une forme d’impasse militante, où la radicalité tend à fragiliser la crédibilité de la contestation plutôt qu’à l’amplifier.

L’héritage politique : entre mélenchonisation et désillusion socialiste

L’imaginaire contestataire qui s’est exprimé le 10 septembre doit beaucoup à la rhétorique développée par Jean-Luc Mélenchon et La France insoumise. Même au-delà de ses soutiens directs, le langage de la rupture et la dénonciation frontale du capitalisme ont imprégné une partie des participants.

Mais cette radicalité s’inscrit dans un contexte façonné par les choix passés du Parti socialiste, qui, en adoptant des politiques qualifiées de « sociales-libérales », a contribué à affaiblir durablement la gauche institutionnelle et à préparer le terrain au macronisme.

Les ambiguïtés de Jean-Luc Mélenchon

Jean-Luc Mélenchon demeure une figure centrale de l’opposition, mais son rôle suscite de vifs débats. Son leadership charismatique et son talent oratoire galvanisent, mais ils alimentent aussi une personnalisation excessive de l’action politique.

Sa stratégie, fondée sur une polarisation permanente, tend à diviser plus qu’à fédérer. Ses positions internationales, jugées ambiguës, accentuent les interrogations. Pour certains observateurs, l’ancien candidat incarne désormais moins une alternative qu’un facteur d’incertitude, voire de blocage.

Un duel qui profite au macronisme

La journée du 10 septembre illustre ainsi une contradiction : une colère sociale réelle, mais un horizon politique enfermé dans le duel entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon.

Malgré une impopularité persistante, le macronisme conserve des leviers institutionnels et une maîtrise du récit économique et sécuritaire qui lui permettent d’envisager un troisième mandat, directement ou par l’intermédiaire d’un successeur.

La radicalité de M. Mélenchon, en effrayant une partie de l’électorat et en empêchant l’émergence d’une opposition unifiée, apparaît paradoxalement comme un atout pour le pouvoir en place.

En ce sens, la mobilisation du 10 septembre constitue moins une menace immédiate pour l’exécutif qu’un rappel des fractures sociales qui traversent le pays – et des difficultés persistantes de l’opposition à incarner une alternative crédible.

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