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Billet de blog 22 août 2025

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Affaire « Jean Pormanove » : ce que risquent réellement les mises en cause

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

À mesure que les archives sont exhumées, l’affaire prend une ampleur nationale et internationale : par l’audience accumulée, par la participation active d’un “public” (dons, messages audio payants, encouragements) et par la dimension industrielle de la mise en scène.

Au terme des premières analyses, les principaux protagonistes encourent théoriquement la réclusion criminelle à perpétuité.

Précision essentielle : les faits évoqués sont allégués et soumis à l’instruction. Ils doivent être qualifiés par la justice, les personnes citées bénéficiant de la présomption d’innocence.

Ce que montrent les archives (et ce qu’elles laissent entendre)

Au fil des séquences recensées sur l’année précédant le drame, on voit se succéder : passages à tabac “pour le show”, étranglements, tirs au pistolet de paintball évoqués et/ou exhibés, jets de liquides, insultes omniprésentes (“sac à vomi”), privations (notamment de cigarettes sous prétexte “d’aide”), contrôle du logement, de la voiture et des ressources de la victime, et une logique de spectacle où l’on “monétise” l’humiliation via le TTS (messages payants lus à l’antenne).
Le tout, orchestré devant un public, en direct, sans filtre, comme si l’impunité était un état naturel.

Les zones d’ombre

Qui décide ? Derrière la rhétorique du “tout est scripté”, aucune trace de script-continuité digne de ce nom n’apparaît pour des lives de 3 à 300 heures. Qui pilote, qui valide, qui coupe ?

Qui compose la “bande” ? Des intervenants récurrents, d’autres plus discrets : assistants, proches, visiteurs. Identification et rôles précis restent à établir.

Consentement ou emprise ? Les réactions de la victime (colère non feinte, cris, détresse) contredisent le narratif du “jeu consentant”. Les dépendances matérielles (logement, véhicule, revenus) fragilisent l’argument du “il pouvait partir quand il voulait”.

Économie du dispositif : flux financiers (dons, merchandising), incitations du public et redistribution interne. Qui encaisse ? Qui décide ?

Communication manipulative : éléments de langage minimisant la gravité (“humour noir”, “trolling”, “contenu trash”) et déclarations grandiloquentes servant à brouiller le réel.

Complicités possibles

L’instruction devra apprécier la chaîne des responsabilités :

Auteurs directs (ceux qui portent les coups, menacent, privent, tirent au paintball, étranglent).

Instigateurs/organisateurs (gestion de l’argent, de la logistique, de l’hébergement, de la diffusion, du calendrier).

Complices (ceux qui facilitent, filment, chauffent la salle, ou profitent des retombées).

Spectateurs-acteurs : la question, sensible, des tiers qui financent/encouragent en temps réel sans être présents physiquement mais en influençant le déroulé.

Responsabilité morale d’un collectif

Au-delà des qualifications pénales, demeure une responsabilité morale : ériger la souffrance d’autrui en spectacle monétisé, instrumentaliser la vulnérabilité, enrôler un public dans une fête de l’humiliation, puis maquiller le tout en “performance”. Cette responsabilité morale – personnelle et collective – pèsera sur l’appréciation des magistrats, des jurés… et de l’opinion.

Encadré — Peines encourues (cadre théorique)

Selon les éléments décrits et sous réserve de la qualification finale par l’instruction et la cour :

Crimes de violences avec tortures ou actes de barbarie, en bande organisée : jusqu’à la réclusion criminelle à perpétuité (période de sûreté possible de 22 à 30 ans).

Séquestration/privation de liberté en bande organisée : jusqu’à 30 ans de réclusion, voire davantage selon circonstances.

Violences aggravées (arme, réunion, vulnérabilité) : jusqu’à 10 ans d’emprisonnement (plus en cas de circonstances combinées).

Harcèlement moral aggravé (réitéré, collectif, public, sur personne vulnérable) : jusqu’à 7 ans d’emprisonnement et forte amende.

Atteintes à la vie privée / diffusion d’images de violences sans consentement / injures publiques et provocation à la haine : peines complémentaires (jusqu’à 5 ans et amendes lourdes, selon les cas).

 En pratique, les peines ne se cumulent pas arithmétiquement : la qualification criminelle la plus lourde prime. Si l’information judiciaire retient la dimension “bande organisée” et “actes de barbarie”, la perpétuité est en jeu pour les principaux mis en cause, les seconds rôles s’exposant à des peines de plusieurs années à plusieurs décennies selon leur implication.

Ce que l’instruction devra trancher

La nature exacte des violences (réelles vs “mise en scène”), sur la base des réactions observables et d’éventuelles expertises médico-légales.

L’emprise économique et matérielle (logement, véhicule, argent) et son rôle dans la contrainte.

La structuration en “bande organisée” (rôles, hiérarchie, répartition des tâches, planification).

La responsabilité des tiers (participants ponctuels, financeurs “à distance”, modérateurs) et l’articulation entre participation et complicité.

La chronologie complète (indexation des archives, identification des pics de gravité, récurrence des schémas).

Conclusion

L’affaire « Jean Pormanove » n’est ni un “dérapage” ni un simple contenu provocateur : c’est potentiellement un système qui, s’il est confirmé par la justice, relève du crime.
Les mises en cause ne jouent plus leur réputation sur les réseaux : elles jouent la perpétuité.
À la justice, désormais, de nommer, qualifier et juger.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.