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Billet de blog 22 novembre 2014

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Les manifestants sont des salopes

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… nous disent les forces de l'ordre.

Nouvelle manifestation dans les rues de Rouen, avant-hier, jeudi 21 novembre 2014, contre les violences policières. Nous étions une bonne centaine à nous être rendus jusqu'aux portes du commissariat central, derrière une banderole proclamant « Désarmons la police ». Certains parmi les manifestants exprimaient une hostilité sans limite à l'égard des forces de l'ordre. D'autres réclamaient plus simplement une police républicaine.

Lorsqu'une personne est tuée pour avoir exprimé un refus sans que cela ne déclenche de réactions autres qu'odieuses parmi les fonctionnaires de police comme au sommet de l'Etat ; lorsqu'à deux reprises en une semaine, des manifestants pacifiques sont frappés, insultés par la police pour avoir tenté d'instaurer sur la place publique un espace de vie et de dialogue, comme à Rouen, on est clairement en dehors du cadre républicain dans lequel de nombreux citoyens pensent qu'une nécessaire police doit exercer ses fonctions.

Que les argousins dégagent un attroupement sur l'espace public, c'est triste pour la démocratie mais compréhensible pour l'ordre républicain que leur métier est de défendre. Mais que les gardiens de la paix donnent, une demi-heure durant, du « salope » aux manifestants, hommes comme femmes, qu'ils repoussent, c'est non seulement abject, mais c'est surtout révélateur de l'absence de considération de ces messieurs pour les personnes qu'ils ont en face d'eux. L'état d'esprit dont témoignent ces insultes explique la facilité avec laquelle ils ont recours à la brutalité, la légèreté avec laquelle ils utilisent des grenades, l'inconséquence avec laquelle ils évitent toute remise en cause personnelle et collective.

Certains défendent le travail des policiers en invoquant le fait qu'ils ont une famille à nourrir. Nous sommes également nombreux, parmi les manifestants-salopes, à avoir aussi une famille de salopes à nourrir, mais cet argument ne pèse d'aucun poids lorsque les matraques s'abattent sur les jambes et sur les crânes.

Nous sommes nombreux parmi les manifestants-salopes, à être sur le « marché du travail » depuis plusieurs années, et à savoir que même avec nos diplômes, rien d'autre ne nous attend que chômage, « bullshit jobs », exploitation. Nous sommes nombreux à n'avoir jamais envisagé d'intégrer les rangs des cognes, même pour nourrir notre famille. Certains l'ont fait et en sont revenus, comme en témoigne la présence dans le cortège ou sur la ZAD du Palais de Justice de quelques « bidasses reconverties ». Nous sommes nombreux, parmi les manifestants à chercher, à inventer d'autres manières de vivre et de travailler. Des formes d'existence qui recréent du lien au lieu de le détruire. Qui préservent la planète, cette salope de planète, au lieu de la détruire.

Dans le camp des défenseurs des schtroumpfs, certains justifient la brutalité en invoquant les clichés qui courraient parmi les "gauchos" sur les flics, qui seraient selon eux tous des ivrognes, des fascistes et des abrutis. Les clichés sont regrettables, car ils empêchent tout débat et toute réflexion, en déqualifiant par avance la parole de celui qui les subit. Mais que dire en ce cas des clichés qu'ont les forces de l'ordre et leurs supporters sur les manifestants ? Ces idées toutes faites, on en trouve des litanies entières en lisant les commentaires postés sous les articles de presse en ligne relatant les manifestations qui ont suivi la mort de Rémi Fraisse. Pour les aigris du clavier, les manifestants seraient pour partie des casseurs qui n'ont que ce qu'ils « méritent », et pour partie des pouilleux, des faignants, des fumeurs de joint, des assistés, des gauchos fils-à-papa, des branleurs qui ne savent même pas pourquoi ils manifestent. Des salopes, comme le disent, le répètent, le matraquent cow-boys et robocops avec leur laconisme qui touche parfois au génie.

Ces clichés colportés sur les réseaux, on les retrouve jusqu'à la tête de l'état, dans la bouche de membres du gouvernement dit socialiste. Comment s'étonner qu'on les retrouve dans le crâne des bourrins des forces de police dites républicaines ? Comment ne pas penser que, bien loin de détourner ses agents de ces clichés réducteurs et dévalorisants, la hiérarchie policière les encourage bien au contraire à ne voir dans les militants, qu'ils soient écologistes, anticapitaliste,s indignés, révolutionnaires, non pas des citoyens courageux résolus à défendre leurs idées, mais quantité négligeable, masse confuse d'idiots et de terroristes de bac à sable qu'il s'agit de faire rentrer chez eux d'une ou deux petites charges viriles. D'une ou deux petites grenades bien placées.

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Un occupant de la ZAD urbaine de Rouen

P.S. : gardien de la paix de Rouen, cette chanson du Testet est aussi pour toi.

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