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Billet de blog 20 décembre 2009

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Les vies fragmentées de Rebecca Miller

Il n'est pas rare que le critique littéraire, assommé de livres, amoureux de littérature, peste contre les quatrièmes de couverture des éditeurs, tentant d'attirer l'attention par des phrases sans aucun rapport avec le texte tenu en mains.

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Il n'est pas rare que le critique littéraire, assommé de livres, amoureux de littérature, peste contre les quatrièmes de couverture des éditeurs, tentant d'attirer l'attention par des phrases sans aucun rapport avec le texte tenu en mains.

L'énervement est même devenu assez fréquent dans les milieux où l'on cause des livres qui paraissent. C'est pourquoi il faut remercier l'intelligence des éditions du Seuil quand elles nous parlent des Vies privées de Pippa Lee, par quatrième de couverture interposée, en évoquant Les Corrections de Jonathan Franzen. Car c'est exactement cela. Une ambiance à la Franzen.

En même temps, l'écriture de Rebecca Miller n'est pas celle de son compatriote, et sans doute cela découle-t-il d'un autre vécu personnel. Il est en effet difficile de ne pas voir la part de vie intime vécue par l'écrivain dans le parcours de son héroïne, Pippa. Rebecca Miller, si elle donne ici son premier roman, est aussi l'auteur d'un recueil de nouvelles, des mises en scène cinématographiques de ses nouvelles comme de ce roman, ainsi que de travaux plastiques. Elle joue aussi la comédie. Une vie artistique riche, « américaine » a-t-on envie d'écrire quand on souhaite lancer un cliché.

Et ce roman renvoie cela : des milieux artistiques, undergrund, un mari éditeur, et même très grand éditeur et tout aussi grand amateur de belles femmes, marié à profusion. La drogue. Les manuscrits que l'on lit. Il y a tout cela. Mais il y a aussi la dérive de Pippa, en miroir de celle de sa mère, l'éducation à distance de sa propre fille, pour la protéger tout en l'éloignant avant d'enfin la retrouver. Le sexe. Les Etats-Unis vus par Rebecca Miller, un regard triste posé sur des vies et des sexualités sans profondeur, tournées vers le vide intérieur. Sauf à se créer soi-même les portes de sorties, ce que fait ou croit faire Pippa, de portes en portes. Mais sort-elle vraiment ? Difficile de l'affirmer.

Il y a aussi, pour le coup comme chez Franzen, le poids terrible de la famille, pas la famille puritaine que le cinéma nous assène régulièrement, non, la simple famille et ses souffrances. Il y a des résidences, sans doute toutes les mêmes, des vies qui entrent dans le privé de Pippa. Il y a une écriture, en ce très beau premier roman, une écriture de chairs, avec une narration en alternance, fragmentée, où l'on passe d'une vie à une autre, autour de celle de Pippa, en parties et chapitres courts ; une écriture de fragments de vies pour conter la fragmentation de nos existence.

Rebecca Miller, Les vies privées de Pippa Lee,Seuil, 2009, 300 pages.

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