Madame la Ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances,
Vive les Bleus ! Vive les Bleues !
Elles ont joué aussi le 15 décembre 2022 : PSG contre Real Madrid.
Elles ont gagné et s’envolent pour les quarts de finale de la Ligue des Championnes. Elles ont été super fortes sur le terrain et l’ambiance dans le stade, par -5°C, était excellente.
Êtes-vous déjà allée les soutenir ?
À la pause de la mi-temps, c’était moins réussi quand il a fallu faire la queue pour aller aux toilettes. Enfin pour les femmes : scène habituelle d’une longue file d’attente pour elles tandis que ça débite aux pissotières, scène plus choquante un soir comme celui-là.
C’est partout pareil : à l’aéroport, dans les aires d’autoroute, au théâtre, au concert de rock, à l’opéra : congestion d’un côté, fluidité de l’autre. Inégalité sanitaire.
Les arguments classiques — « les hommes font pipi debout, les cuvettes prennent plus de place, les femmes ont plus d’habits à enlever que les hommes » ne tiennent pas : c’est à la société de s’adapter à ces différences, à elle de ne pas tailler, comme elle le fait trop souvent, l’espace public à l’aune du mâle dans la force de l’âge.
Il y a pourtant des choses à faire.
Rien qu’à quelques mètres du stade, au beau café des « trois obus », des cabines individuelles et mixtes dotées de lavabos fournissent une des idées possibles pour faire progresser l’égalité femmes-hommes. La réduction de l’attente produite par la mixité est spectaculaire, passant de 6 minutes 29 à 1 minutes 40 pour les femmes et de 11 secondes à 58 secondes pour les hommes sur la base de 12 cabines et 8 urinoirs.
La mixité ne va toutefois pas de soi, qu’il s’agisse de propreté ou de sécurité. Elle est assortie en Allemagne d’une injonction à uriner assis. En revanche, si l’on tient à maintenir la distinction d’espaces genrés aux toilettes, un plan plus ambitieux consisterait à construire des cabines supplémentaires chez les femmes.
Il y a aussi cette idée simple, aux résultats moins spectaculaires en termes de gain de temps mais lourde en symbole d’égalité hommes-femmes : l’installation systématique de tables à langer dans les toilettes des hommes, comme l’a concrétisé un programme lancé par Pampers à New York.
On aimerait surtout croire au génie français, et trouver quelque chose pour égaliser le temps d’attente des femmes et des hommes aux toilettes. Ce serait à vous de jouer !
Rien de futile dans l’égalité aux WC. Les femmes voient démultiplié le risque de rater leur avion, leur train ou la reprise du match ou du spectacle. Au-delà du symbole, elles sont privées d’un temps non négligeable pour vivre des moments plus intéressants qu’une file d’attente dans un endroit pareil.
Madame la Ministre, ne méprisez pas les toilettes, comme le fit, devant l’un des co-auteurs de cet article, du temps qu’il travaillait en cabinet ministériel et évoquait la question de leur saleté à l’école, cause de nombreux problèmes de santé chez nos adolescents, les filles surtout, l’un de vos collègues en ricanant comme un idiot. Le narrateur de La Recherche du temps perdu trouve refuge dans les WC, Joyce y fait débuter Ulysses, l’égalité pourrait y progresser de façon concrète, visible et immédiate.
Aristote raconte lui qu’un groupe de fans d’Héraclite fut surpris de trouver l’immense philosophe dans la cuisine à se chauffer auprès d’un poêle : « Entrez, entrez, les dieux sont aussi dans la cuisine » les encouragea-t-il (Traité sur les parties des animaux, 645A).
Les déesses sont aussi dans les toilettes !
Aussi, Madame la Ministre — sans allusion aucune à ce qu’inspire parfois à certains d'entre nous la politique menée par le gouvernement auquel vous appartenez — serait-il bon que vous vous penchiez sur les toilettes !
Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre très haute considération.
Camille Laplanche et Matthieu Niango.
Membres du mouvement À Nous la démocratie