"Les bonnes vieilles recettes sont toujours les meilleures"... en tout cas, c'est ce que semble croire l'Union démocratique du centre (UDC, parti d'extrême droite suisse) avec sa campagne d'affichage montrant des corbeaux dévorant le territoire de la petite Helvétie et incitant les Suisses à se prononcer, le 8 février prochain, contre la libre circulation des personnes en provenance de Roumanie et de Bulgarie.
Pour rappel, l'UDC avait déjà investi dans l'animalerie en 2007 avec ses moutons blancs expulsant d'un coup de patte un mouton noir : cette précédente affiche pour le "renvoi des étrangers criminels" avait suscité une vive polémique aussi bien en Suisse qu'à l'étranger... et tout le monde s'était mis à parler en mode "brebis noires" (voir ci-dessous). En imposant sa réthorique dans le monde politique et associatif, la campagne d'affichage de l'UDC avait fait mouche.
Pour l'instant, les corbeaux "roumains et bulgares" font moins parler que les moutons. Les bonnes vieilles recettes du parti risquent de ne pas toujours être les meilleures... à trop user de provocations, le style agressif de l'UDC pourrait finir par tomber à plat selon un article de Swissinfo publié récemment sous le titre "Des corbeaux noirs après les moutons... et alors?".
Si la polémique ne semble pas vouloir enfler, l'affiche des corbeaux à tout-de-même susciter des réactions. A commencer par les défenseurs des oiseaux qui se sont indignés, au travers d'un récent communiqué, de l' '"image fallacieuse" attribuée aux corbeaux. L'Association suisse pour la protection des oiseaux (ASPO) étend donc défendre la réputation des volatiles afin que ceux-ci "n'aient pas à souffrir de préjugés au sein de la population"... un effet de zèle "pro animalis" qui laisse quand même un peu perplexe alors que l'affiche risque surtout de propager des a prioris négatifs sur les communautés roumaines et bulgares de Suisse.
"Nous avons trouvé la campagne d'affichage tendancieuse et raciste. Elle s'attaque à deux pays qui viennent d'entrer dans l'Union européenne comme s'ils étaient des Etats voyous. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés": c'est ainsi que s'est exprimé Adrian Rachieru, président de l'Association roumaine de Lausanne, sur le site du 24 heures. Avec d'autres compatriotes de Suisse, il appelle à signer sur internet une pétition.
Sur Facebook, un groupe s'est formé "Contre la campagne d'affichage de l'UDC pour les votations du 8 février": à ce jour, il rassemble quelques 496 membres. L'initiatrice du groupe facebook a également lancé une pétition pour "l'interdiction de cette campagne diffamatoire" sur mesopinions.com.: 16 signataires pour l'instant... pas de quoi faire trembler le plus grand parti de Suisse (c'est-à-dire l'UDC).
Et parce qu'un jeu idiot mobilise souvent plus que toutes les indignations du monde, Economie suisse a choisi de détourner le symbole des corbeaux de manière ludique en proposant son jeu des pommes à tester sur le site des bilatérales.ch. Ici les oiseaux rapaces sont les UDC qui picorent et saccagent l'arbre florissant des bilatérales (parmi lesquelles la libre circulation). Comme expliqué dans un article du 24heures.ch, les internautes sont invitées à "défendre l'arbre fruitier en bombardant les volatiles de pommes virtuelles. Car, peut-on lire dans les instructions du jeu, les "isolationnaistes sont de vrais corbeaux qui menacent les fruits des bilatérales entre la Suisse et l'Union européenne".
Nombreux sont pourtant ceux qui pensent que la récupération des symboles de l'UDC, même détournés, ne profite qu'à la politique du parti d'extrême droite. En 2007, les moutons des affiches "Pour le renvoi des étrangers criminels" avaient pourtant inspiré plus d'un opposant. Petit tour d'horizon en images de la réthorique moutonnienne exploitée à l'excès par les partis politiques et les associations.
L'affiche de l'UDC au niveau fédéral qui avait suscité de vives réactions dont celle du rapporteur spécial de l'ONU sur le racisme.
Et parmi les contre-affiches, celles des milieux de la culture alternative :
et la campagne de gauche contre la présence de Christoph Blocher au Conseil fédéral :
Le parti radical démocrate (PRD, libéral) souhaitait aussi faire parler de lui avec deux affiches d'un goût très douteux. En assimilant le mouton noir à un homme et une femme de couleur, tous deux réduits à des corps séduisants, le PRD propage à son tour des a prioris raciaux. Mêmes positifs en apparence, les préjugés restent des préjugés.
Pour en savoir plus sur la votation du 8 février concernant la libre circulation des personnes:
Et pour voir d'autres affiches de l'UDC: