Frères humains qui après nous mourrez
Ayez les cœurs contre nous endurcis,
Nulle pitié de nous pauvres vous n'aurez !
Quelles raisons aurez-vous de nous dire merci ?
Vous nous voyez des siècles abolis,
Car, de la chair, par trop nous sommes nourri,
Elle est depuis longtemps dévorée et pourrie,
À vous, des os, n'avons laissé que poudre.
Du mal causé, filera une longue algie !
Chers enfants, voudrez-vous nous absoudre ?
Ni père, ni mère, vous devez vous rappeler :
Du dédain nôtre, vous devez votre vie
Ma-ca-bre. Sans nul doute vous savez
Que nous autres avions l'esprit trop assis
Sur le dos de vielles bondieuseries ;
La source des grâces s'étant tarie,
Nous ne devons qu'à nous mêmes la foudre,
Nous sommes morts, livrez-nous à l'oubli.
Chers enfants, voudrez-vous nous absoudre ?
Nos pluies pesticidées ont tout rincé,
Et nos soleils vous ont séché et blanchi ;
D'oiseaux, de bêtes, ne vous avons laissé
Qu'images, pages d'encyclopédies.
D'un massacre l'autre, nous nous sommes bâtis,
Ça et là comme les frontières varient,
À nos plaisirs, des cadavres exquis,
Plus broyés par nous, que ces grains à moudre ;
Pas de rédemption pour nos infamies !
Chers enfants, voudrez-vous nous absoudre ?
Toi, Nature qui a été tant meurtrie,
Prends garde, de n'être à notre merci,
Ton linceul que nous sommes en train de coudre,
Est la mesure des généalogies.
Chers enfants, voudrez-vous nous absoudre ?