Propos recueillis par Sophie Boutboul pour le Club de Mediapart.
« Je viens vous parler d'un mini-scandale qui se produit dans mon immeuble à Reims. J'ai 82 ans, je suis en situation de handicap et je n'ai aucun moyen de sortie et cela depuis le 21 juin, et jusqu'au 26 août au moins. L'ascenseur à été retiré pour des travaux. Il devrait être remplacé par un plus grand, qui paraît-il ne sera jamais en panne, mais les travaux sont à l'arrêt depuis plusieurs semaines. Je demeure au cinquième étage et je suis atteinte notamment d’une polyarthrite rhumatoïde (une maladie auto-immune inflammatoire chronique des articulations évoluant par poussées, ndlr). À cause de mes handicaps, sans ascenseur, je ne peux pas descendre.
La seule exception : je suis sortie avec les pompiers le 8 juillet qui m’ont emmenée à l'hôpital. Je voulais récolter du basilic sur mon balcon et à cause des cadres de portes fenêtres trop hauts, je suis tombée en rentrant. Je me suis ouvert la tête. Heureusement, j’avais le téléphone pas trop loin posé sur la chaise de ma chambre, j’ai rampé en mettant du sang partout, et j’ai pu appeler les pompiers. J’ai été recousue aux urgences, puis l'ambulance m'a raccompagnée à 4 heures du matin.
Pour me déplacer à l'extérieur habituellement, j'utilise un scooter pour handicapé et chez moi, je prends mes béquilles, je peux ainsi vaquer à mes occupations.
J'ai fait un peu de stock avant le début des travaux et ma fille cadette est venue de Lyon en juillet pour me réapprovisionner, mais il y a des limites : avec la canicule les fruits se perdent. J’ai mis des fruits sous vide dans des bocaux, mais je ne peux pas tout garder. Je ne manque pas de nourriture, mais je n'en peux plus de rester enfermée, surtout avec les épisodes de chaleur.
Le bailleur a mis en place avec une entreprise d’aide à domicile la venue de personnes une à deux fois par semaine mais ce n’est pas satisfaisant du tout. On leur donne une liste de courses et ils nous ramènent les choses à peu près : la dernière fois, le monsieur envoyé m’a pris un énorme rôti de veau de 1,5kg au lieu des 500 g demandés et n’avait donc plus d’argent pour m’acheter du dentifrice, mais moi comment je me lave les dents ? On arrive à rire de ses déboires !
Mes enfants et petits-enfants avaient programmé leurs vacances avant les travaux ou travaillent encore donc ils ne peuvent pas revenir. Et il y a encore deux semaines, deux longues semaines à tenir au moins. Comment relever le courrier? Que faire des poubelles ? J’ai trouvé une petite façon de faire : je fais des toutes petites poubelles que je mets dans des moyennes, et dans des grandes, pour que ces messieurs envoyés par le bailleur puissent les jeter s’ils viennent. Ils arrivent à pallier ces problèmes mais moyennement.
En France, en juillet et août tout s'arrête, mais ici aussi, les ouvriers qui étaient là pour la mise en service des nouveaux ascenseurs sont partis depuis plusieurs semaines. Peut-être en vacances, cela serait normal, mais dans un cas aussi sérieux, je me demande s' il n'aurait pas été plus simple de choisir une période hors vacances pour des travaux d'une telle ampleur.
Je me sens en prison, c’est très désagréable. Bien que je sois une personne très handicapée je fais encore mon ménage avec mon déambulateur, j’ai étendu ma lessive ce ce matin, je me fais à manger. J’ai toujours été active et ne pas pouvoir sortir est très dur à vivre. J’ai vraiment cette impression d’être punie. »