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Billet de blog 1 avril 2017

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Cette photo de l’instant T qu’on veut transformer en boule de cristal d’injonction

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J’ai toujours été très méfiant envers les sondages d‘opinion surtout quand ils sont censés évaluer les intentions de vote des citoyens. Et ce n’est donc pas maintenant où ces mesures que je qualifierais « d’officielles » laisseraient montrer une forte dynamique de Jean-Luc Mélenchon, que je vais m’appuyer sur elles pour argumenter ou justifier des positions, même si psychologiquement ça fait plaisir. Et c’est justement à partir de ce point relatif à la psychologie des masses et sa probable manipulation que je voudrais vous faire part de mon point de vue sur cet élément devenu si indispensable aux commentateurs pris en défaut dans leur travail d’écoute réelle des français au quotidien.

Le point de départ peut être la question suivante : est-ce qu’un sondage peut être une mesure scientifique et donc objective de l’état de l’opinion à un instant T ? Oui à deux conditions cumulatives fondamentales :

-que son élaboration s’appuie sur un processus éthique c’est-à-dire intellectuellement honnête

-que sa présentation soit à la fois affichée comme une photo de l’opinion à un instant T et non comme un pronostic et exonérée de toute manipulation injonctive.

 Je veux montrer dans ce qui suit que ces deux conditions fondamentales cumulatives ne sont pas remplies notamment quand on est encore loin de l’élection. Puis les résultats changent assez brutalement dès que l’on approche du scrutin. C’est une question de timing où obligatoirement la sauvegarde d’une certaine crédibilité des instituts succède à la période manipulatoire élaborée en complicité entre les commanditaires et les instituts, qu’elle atteigne ou pas l’objectif d’injonction auprès des citoyens.

 L’élaboration du sondage lui-même (échantillon, questions, libellés des questions, questions ouvertes ou fermées, les fameux rééquilibrages entre résultats bruts et résultats nets) devraient être élaborées avec toute la rigueur et l’objectivité scientifiques nécessaires sans aucune influence des commanditaires. Or ce n’est pas le cas. Quand un organe de presse ou une institution « commande » un sondage c’est une démarche commerciale : l’organe de presse notamment commande et paye son fournisseur (l’institut de sondage) pour avoir un produit dont il puisse se servir positivement et donc en appui de l’argumentaire des idées qu’il défend. C’est aussi l’intérêt économique à court terme de l’institut qui va donc affiner (orienter) ses questions pour obtenir un résultat au mieux approchant. Aucun sondage n’est élaboré gratuitement, et on peut dire que, comme dans toute relation commerciale, le fournisseur se doit de satisfaire le client, du moins jusqu’à un certain moment du calendrier de campagne électorale (ceux qui sont gratuits sont secrets pour le compte de l’institut lui-même). Voyons quelques exemples.

Quand un sondage en ligne d’une chaine TV (LCI) pose la question : qui selon vous représente le mieux la gauche et que trois noms sont proposés à savoir Hamon, Macron et Hollande (délirant !), il n’est pas anormal que Hamon recueille 56% mais il est scandaleux d’avoir omis sciemment Mélenchon.

Quand pendant le mois et demi qui suivit la primaire socialiste tous les sondages donnaient Hamon largement devant Mélenchon (entre 5 et 6 points d’écart), c’était après un réajustement assez particulier entre le résultat brut et le résultat net, le premier donnant Mélenchon devant Hamon. On nous a expliqué alors qu’ont été prises en compte l’élection présidentielle de 2012 (pourquoi pas, encore que le candidat était Hollande et pas Hamon, les circonstances n’avaient rien à voir avec celles d’aujourd’hui) et les dernières élections régionales. Là gros problème : rien ne permet de pouvoir superposer scientifiquement des élections non seulement de nature différente mais aussi où les « amis » politiques de JLM étaient tous dispersés dans des alliances à géométrie variable selon des agrégations elles-mêmes variables et donc avec un score très faible qui plomba bien évidemment le résultat net de Mélenchon dans ces fameux sondages évoqués ci-dessus. Par ailleurs les méthodes de calcul permettant d’obtenir un « net » à partir d’un « brut » ne sont nullement exposées ni expliquées et font même l’objet d’un refus de publication sous prétexte de protection du « secret des affaires », tout un symbole !

Enfin, nous sommes décidément loin de l’éthique minimale quand on se souvient que le soir même du second tour de la primaire socialiste, le premier de ces sondages est sorti en annonçant Hamon à 15% et Mélenchon à 10%  alors que la veille c’était exactement le résultat inverse. Outre les méthodes douteuses on fait un sondage en pleine euphorie des résultats de la primaire, considérée encore à ce moment-là comme l’alpha et l’oméga de la démocratie et de la légitimité, vérité assénée par les médias pendant des mois et salement contredite depuis.

Par ailleurs, dans la mesure où 9 milliardaires possèdent 90% de la presse de ce pays, on voit immédiatement que se pose la question de la « délicate » présentation des sondages qui ouvre la porte à toutes les manipulations. Les instituts de sondage, fournisseurs d’un service, sont prisonniers de leurs commanditaires qui les paient mais font aussi parfois partie de l’escarcelle de grands groupes et des copropriétaires du CAC40 dont ces 9 milliardaires qui ont intérêt à tenter d’orienter l’opinion. Tout le monde s’étonne ou fait semblant de s’étonner devant les écarts importants entre les vrais résultats d’une élection ou d’un vote et la série des études faites tout au long des premiers trois-quarts temps d’une campagne électorale qu’il s’agisse du Brexit, de l’élection présidentielle américaine, de la primaire de droite, du PS…  Je ne crois pas que les sondeurs se trompent, je ne crois pas qu’il s’agisse de grossières erreurs de calcul. C’est beaucoup plus grave que cela : il s’agit d’une vraie manipulation. Après avoir fait plus ou moins coïncider les résultats avec les « espérances » de leurs clients au cours de l’élaboration, les instituts transmettent l’étude aux médias chargés de la présentation. C’est ici que s’enclenche la manipulation injonctive. Pas de précaution consistant à affirmer qu’il s’agit d’une photo de l’opinion à l’instant T et les chiffres se mettent à danser frénétiquement dans les discussions entre commentateurs politiques et autres spécialistes comme si le sondage était prédictif, comme s’il établissait un pronostic et que les jeux étaient faits. Il est clair qu’on veut orienter les citoyens dans tel ou tel sens sachant que la psychologie de masse est quelque chose de bien connue par tous ces spécialistes.  D’une manière générale, et notamment les indécis, les électeurs ont tendance à diriger leur choix vers le candidat qui apparait le plus plébiscité. Ceux qui ont intérêt à manipuler les électeurs et qui sont ceux qui ont de fait les moyens de « faire l’opinion » se servent des sondages comme d’un moyen injonctif qui ne fonctionne pas forcément ou pas forcément jusqu’au total accomplissement mais qui ne tente rien n’a rien. Prenons l’exemple de la primaire de droite : les sondages imposaient aux électeurs une rivalité duale exclusive de tout autre entre Juppé et Sarkosy et donc un second tour entre ces deux-là à tel point que, le rejet de Sarkosy étant encore très vif, des gens de « gauche »  se sont déplacés pour renforcer Juppé au premier tour. Résultat : c’est Fillon qui gagne. Dans ce cas ça n’a pas fonctionné jusqu’au bout. Parfois il peut en rester un bénéfice : dans le duel à gauche entre Hamon et Mélenchon, tout a été fait pour démoraliser les soutiens de ce dernier et casser sa candidature. Cela semblait fonctionner puis s’est explosé sur la réalité des consciences citoyennes mais il pourrait en rester quelque chose : un retard pris dans l’ascension de Mélenchon qui peut lui faire rater son accession au second tour.

Mais intervient ici un élément important pour les instituts de sondage : leur crédibilité en dernier ressort. Il faut bien sauvegarder un minimum de crédibilité pour pouvoir poursuivre son activité. Alors quand ils voient que les tentatives d’injonction ne marchent pas du tout ou insuffisamment (comparaison avec les vrais calculs qu’ils gardent pour eux), ils commencent à quelques semaines ou jours du scrutin à diffuser des mesures plus en adéquation avec la réalité des intentions des citoyens. C’est ainsi que peu avant le second tour des primaires (droite et PS) les candidats élus voyaient leurs scores s’améliorer peu à peu sans pour autant atteindre leurs scores réels, et les instituts d’expliquer qu’ils ont bien décelé une dynamique mais pas assez tôt pour en rendre compte dans sa totalité, et le tour est joué, le pseudo honneur est sauf ainsi qu’une certaine crédibilité même si elle est molle.

C’est ainsi que par exemple nous avons à un instant T (il y a une semaine environ) Mélenchon qui atteint 14% selon les instituts et Hamon qui revient vers son étiage de 11 voire 10%. Mais compte tenu de ce qui a été dit précédemment, il est fort probable que ces scores étaient encore minorés pour le premier et majorés pour son concurrent. D’ailleurs ce 30 mars un sondage Odoxa donne Mélenchon à 16% et Hamon à 8%.

Illustration 1

J’ose même m’avancer en disant que Mélenchon est en train de doubler Fillon (17% dans ce même sondage) mais que les instituts vont attendre quasiment le dernier moment car ils savent qu’une telle information à encore un peu plus de 3 semaines du premier tour serait un véritable tsunami très contrariant non seulement pour le CAC40 mais également pour la future structure du paysage politique de notre pays. Où même ils ne le diront pas et ce sera la soi-disant « surprise » du second tour qui pourra alors être éventuellement énorme avec JLM présent au second tour ! !

Avec ce qu’il se passe sur le terrain (des affluences gigantesques aux meetings de JLM, des explosions de mesures sur les réseaux sociaux et un bond de géant des soutiens à la candidature sur le site http://www.jlm2017.fr qui ont augmenté de 70 000 en 15 jours seulement passant de 280 000 à 350 000 soutiens), Mélenchon et la France Insoumise peuvent réaliser cet exploit. Car je reste persuadé que même à 16% le score de JLM est sous-évalué.

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