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Billet de blog 8 novembre 2016

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PCF : LES MILITANTS DE BASE ONT LA CLE

Le 5 novembre s'est tenue la conférence nationale du PCF pour trancher entre un soutien à JLM ou présenter un candidat communiste à la prochaine présidentielle. Un week-end très agité médiatiquement car les cadres ont refuser le soutien à Mélenchon. Voici une publication critique, sans concession, mais ouverte envers les militants de base qui ont déjà investi nombreux la France Insoumise

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je me souviens, il y a peu de temps, d’un petit reportage au JT de 13h sur FR2 sur les 10 députés communistes menés par André Chassaigne qui se lamentaient sur leur sort quant aux sombres perspectives législatives de 2017 et ergotaient sur l’importance d’un groupe communiste à l’Assemblée Nationale. Et de montrer le peu d’options qui se présentaient à eux pour tenter de se maintenir, n’en laissant suggérer en réalité qu’une : conserver un lien suffisamment complice avec le PS pour élaborer localement des accords. Vision tronquée s’il en est !

Maintenir un groupe de 10 députés communistes à l’Assemblée, pour quoi faire ? Je vois 3 raisons :

 1-Garder un groupe pour être décisifs dans la défense des gens quand le PS vire à droite.

C’est à mon sens la seule raison défendable à condition de pouvoir peser par le nombre. On sait qu’avec 10 députés, même 20, même 30 ça ne sera en aucun cas cette situation qui primera. Donc dans cette optique ça ne sert  à rien, aucune influence. Malgré le travail argumentaire et les efforts qu’il faut saluer pour arriver à une motion de censure de gauche notamment sur la loi Travail, institutionnellement ils n’ont pu bloquer le processus de cette loi. Sauvegarder pour sauvegarder n’apportera rien de plus que ce qu’il s’est passé sans parler de cette dichotomie idéologique : tenter de se « sauver » auprès d’un parti contre lequel on va nécessairement se confronter durement ???

 2-Même avec peu d’élus un parti quel qu’il soit reçoit légalement un financement public.

Ça c’est une raison peu enthousiasmante mais qui peut s’entendre au titre du collectif mais à ce niveau qu’est la simple sauvegarde, ce financement ne sera qu’une aide au fonctionnement de l’appareil, qui plus est insuffisante. Mais cette raison est laissée sous silence et en tout état de cause elle ne s’inscrit pas dans le concept prioritaire qui est celui de la défense des gens et surtout pas dans la vision d’avenir d’un vrai projet transformateur dans la mesure où pour avoir ces élus, le PC envisage de s’engager auprès d’un PS qui a irrémédiablement failli.

 3-Garder ses places.

Est-ce la vraie raison d’autant plus valable pour soi-même qu’on est peu nombreux ? A la lecture des points 1 et 2, cette explication apparait très plausible si on se réfère aux élections municipales et régionales récentes qui ont été marquées par cette même motivation.

Cette dernière raison est donc apparemment essentielle pour la majorité des cadres du PCF. C’est pour moi une grande et douloureuse déception de constater cela car c’est, pour des raisons essentiellement politiciennes, ne pas vouloir voir qu’il y avait et qu’il y a encore un autre ressort pour voir un avenir plus rassurant, c’est oublier bien vite que si le candidat de la France Insoumise fait un gros score au 1er tour, et mieux encore, s’il est présent au second tour (la dynamique déjà créée peut le laisser raisonnablement penser), les législatives qui suivront seront porteuses et le PCF pourrait avoir bien plus que 10 malheureux sièges à l’Assemblée. Mais cette perspective optimiste ne semble pas prévaloir place du Colonel Fabien où l’on se complait plutôt dans un esprit défaitiste voire résigné  qui est symptomatique de cette difficulté à se défaire d’un PS pourtant en déliquescence et complètement discrédité. Cette déception devient colère quand une telle erreur stratégique va nous conduire vers une resucée du pétainisme et/ou vers des reculs sociaux historiques qui annonceront dans ce domaine l’ère du grand basculement. Au regard de l’Histoire et de leur histoire, les militants ne peuvent pas suivre le vote de la Conférence Nationale.

Ce rejet du soutien à Mélenchon par une majorité de cadres du parti renvoie aussi fort probablement à certains points de divergence sur le fond (mais non insurmontables), et notamment institutionnels, européens et environnementaux sur lesquels le PCF est plus proche du PS que de la France Insoumise. Et d’ailleurs c’est à ne plus rien comprendre quand on voit aujourd’hui un PC peu combatif dans la remise en cause effective de la Vème République, même s’il en a contesté quelques aspects comme le 49-3, alors que celle-ci asphyxie la démocratie dans notre pays, lui qui a été le seul en tant que parti à la condamner dès 1958,  quand on voit aujourd’hui un PC extrêmement frileux quant à la logique implacable  d’une remise en cause fondamentale d’une Europe ultralibérale alors qu’il a dénoncé dès les premières dérives les maux dont on souffre actuellement, frilosité dont l’origine se trouve certainement dans ce revirement insensé lorsque le PC, sous la houlette de R Hue a stoppé net la mobilisation pour la demande d’un référendum sur l’Euro alors que celle-ci avait commencé. Mais on était en 1997 et le PS avait posé ses conditions injonctives au PC si ce dernier voulait participer au gouvernement de « gauche plurielle » de Jospin. Quant à l’environnement, le renoncement progressif au nucléaire par exemple ne passe pas au niveau de la direction du PC malgré les éléments objectifs d’extrême dangerosité et d’ouverture vers d’autres formes d’énergie.

Mais ce rejet tient aussi au fait que suite au premier succès de 2012 semble-t-il inattendu au PCF, ce dernier a eu peur de disparaitre des écrans radars  devant la popularité affirmée et grandissante de JLM. Aurait-il sans doute espéré que ce candidat qui était « le sien », ne dépasse pas les 5%, ce qui aurait été moins problématique à gérer pour lui après son score de 2007 à 1,9% ! En réalité l’attitude agacée des dirigeants du PC a commencé à émerger avec les sondages qui s’amélioraient pendant la campagne de 2012 et s’est confirmée et développée pendant ces 5 années qui ont suivi  nous amenant à la situation actuelle. Grand paradoxe, car si d’aventure les militants de base ne rectifiaient pas le tir à la fin novembre, c’est par la décision de ses cadres du 5 novembre 2016 que le PCF quitterait la scène. En effet je reste persuadé que c’est en agissant avec la France Insoumise, et en y devenant pleinement acteur que le PC avait et a encore toutes les chances de s’en sortir comme l’a compris une très grande partie de ses militants qui ont investi ce mouvement. Qu’une partie des cadres et de la direction du PC ne voient pas cela me navre.

Je veux ici rendre hommage à ces milliers de militants communistes déjà engagés dans la France Insoumise ainsi qu’à tous ces responsables du parti annonçant publiquement leur soutien à Jean-Luc Mélenchon comme le président du Val-de-Marne Christian Favier et Marie-George Buffet dont la vibrante intervention sur LCP a été remarquable.

Par ailleurs comment rester en alliance électoraliste avec un PS que le PCF a critiqué avec fermeté et à juste titre pour sa politique anti sociale et pro patronale dans une dérive ultralibérale ? La base et les sympathisants ne comprennent plus, d’autant que ce type de stratégie a montré la voie de l’échec (souvenons-nous des élections municipales et régionales qui ont été totalement brouillées par des alliances à géométrie variable et l’impossibilité de repérer par un identifiant unique les différentes listes supposées être dans le même camp) : en effet non seulement cette stratégie a fortement dégradé la sincérité politique mais a aussi fait perdre, massivement dans la plupart des cas, les sièges qu’elle était sensée préserver. On peut même se demander si ce brouillage politique n’était pas volontaire car souvenez-vous qu’après les échecs à ces élections intermédiaires la horde médiatique mettait surtout en exergue l’échec de Mélenchon et de sa stratégie alors qu’il n’était en rien responsable de ce brouillage??. C’est le sort qui sera également réservé aux frondeurs du PS qui ont beaucoup crié sans aucun courage politique pour rester finalement au sein d’un PS afin de ne pas perdre les investitures prochaines mais qui, malgré ces dernières, perdront et leurs sièges et leur honneur politique.

Alors que les deux propositions mises au vote des cadres le 5 novembre et des militants de base fin novembre sont soit un candidat communiste soit un soutien à Jean-Luc Mélenchon, le PCF n’écarte pas la possibilité de soutenir le gagnant de la primaire socialiste si celui-ci apparait comme un anti gouvernemental, notamment Arnaud Montebourg. Quel que soit le vote des militants fin novembre 2016 il me semble spécieux et pour tout dire anti démocratique de choisir une option qui n’aurait pas été validée par les militants à moins de les faire revoter mais là ça commence à ressembler à la Commission européenne qui fait revoter quand ça ne lui convient pas ! Et puis Montebourg, un des tourne-vestes le plus actif du PS (peut-être battu par Fabius dans ce numéro) qui change d’avis sans arrêt et qui sous couvert de discours gauchisant est en réalité un  social libéral qui a participé au gouvernement Hollande-Valls. Rappel : après le 1er tour de la primaire de 2011 il a soutenu Hollande contre Aubry qui pourtant était plus proche de lui sur le fond affiché, puis, au cours du quinquennat, a appuyé Valls dans son accès à Matignon et déclare qu’il soutiendra le gagnant de la primaire 2012 même s’il s’agit de Hollande ou Valls !!! Alors NON Montebourg c’est tout simplement pas possible !

Les cadres du PCF jouent gros en pariant qu’un des candidats en apparence les plus « gauchis » du PS (en apparence seulement) comme Montebourg gagne la primaire PS pour pouvoir s’engager de nouveau dans un soutien aux côtés de ce parti débarrassé d’une représentation trop droitière. Et, démarche tacticienne s’il en est, le tour de bonneteau serait joué : le PC aurait cette fois-ci sous la main sur un rapprochement moins sulfureux, du moins en apparence, et bénéficierait d’un retour d’ascenseur d’un PS « gauchi » qui lui cèderait certaines circonscriptions supposées gagnables mais en réalité très peu nombreuses, car le PS, même gauchi, sera en mal de sièges gagnables, les électeurs n’étant pas dupes. Sauf qu’il n’est pas du tout sûr que cela se passe ainsi (il y a toujours une forte possibilité pour que le président sortant ou son clone comme Valls l’emporte). Comment alors expliquer aux citoyens qu’on était prêt à soutenir Montebourg alors que ce dernier, dans l’hypothèse évoquée, appellerait à voter pour le vainqueur droitier de la primaire…..

Par ailleurs il est encore moins sûr que les citoyens aussi bien électeurs du PCF que du PS acceptent une telle volte-face et un tel arrangement même si Montebourg est vainqueur de la primaire. Je le répète, ils ne seront pas dupes. Car c’est bien d’un arrangement dont on parle plus que d’une vraie gauche réunifiée que les électeurs détecteront dans cette opération, un arrangement entre partis au-dessus de leurs têtes, type de pratique que les français condamnent aujourd’hui à 83% ! De plus, pour l’instant, tous les sondages montrent que Montebourg rame désespérément et qu’il sera en tout état de cause derrière Mélenchon au 1er tour de la présidentielle.

Bref, tous ces gens (direction et certains cadres PCF, les frondeurs PS, Montebourg, Hamon, Lienemann, Filoche) sont en train de prendre une énorme responsabilité de division devant l’Histoire en ayant comme seuls buts la conservation à tous prix d’appareils politiques qui n’en finissent pas d’agoniser et le désir d’échec de la France Insoumise, mouvement on ne peut plus populaire, démocratique et constructeur collectif d’un projet humain et ambitieux. Se rendent-ils compte que par ces combinaisons péniblement déguisées en outils de rassemblement, ils activent un second tour de non choix entre une droite ultra antisociale qui va mener une guerre sans merci contre les droits sociaux fondamentaux et une extrême droite fascisante liberticide. En gros, sachant que pour le PS c’est fichu, ses candidats s’activent comme conservateurs d’un château en ruine ne figurant pas au patrimoine mondial de l’UNESCO. Quant au PCF, contrairement au raisonnement défaitiste de ses cadres, il dispose d’une voie de survie pérenne dans une implication programmatique avec la France Insoumise. Il serait suicidaire de se raccrocher à un PS qui va s’écrouler fut-il représenté par Montebourg. J’espère que les militants feront le choix de Jean-Luc Mélenchon pour qu’une nouvelle chance et un nouvel espoir naissent enfin dans ce pays.

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