Les responsables politiques d’En Marche et les électeurs de ce mouvement, conscients ou manipulés, probablement aspirés et saoulés par la large victoire annoncée dans une euphorie jupitérienne et permanente actionnée et entretenue par les médias, nous sortent leur phrase qui tue : «y a que le résultat qui compte, le peuple s’est prononcé, c’est la démocratie ».
Il peut être difficile sur l’instant de répondre de manière factuelle et analytique à ce type d’ineptie tout aussi abracadabrantesque que dangereuse, je m’y essaie pourtant.
Les médias, par leurs éditorialistes et/ou journalistes et par leurs experts patentés, ont joué un rôle majeur, celui de chiens de garde qui leur a été assigné par les 9 milliardaires qui en contrôlent 90%, dans le soutien sans faille et aveugle à LREM (La République En Marche) de Macron et par conséquent dans la démobilisation d’une ampleur inédite des citoyens lors de ces élections législatives, tutoyant une action volontaire de lobotomisation des esprits. Cette propagande tout aussi insolente qu’écœurante, qui a transformé la parole journalistique en louanges exclusives d’un culte de la personnalité appuyé par des sourires béats et permanents d’illuminés tout en ânonnant sans cesse 24/24 que l’affaire était pliée, a largement amplifié les effets institutionnels inhérents au fonctionnement de la Vème République. La conjugaison des deux phénomènes, par le fait qu’on va probablement se retrouver face à une Assemblée Nationale de quasi parti unique, aura mis en avant comme jamais la primauté du médiatique sur la mécanique institutionnelle pourtant elle-même très forte. Et c’est gravissime pour la liberté d’opinion et d’expression quand on sait par ailleurs que ce nouveau pouvoir autocratique veut intégrer dans le droit commun l’ensemble des dispositions de l’état d’urgence tout en initiant une casse sociale historique.
Il n’y a aucune raison pour que ce déluge de propagande cesse ou même s’atténue. Et tout sera mis en œuvre pour faire croire qu’on est toujours en démocratie. Alors regardons de plus près. Les procédures électorales sont légales puisque la constitution est respectée, mais sont-elles légitimes ? Là est la question.
LREM, avec le Modem, a obtenu 33% des voix dans le pays lors de ces législatives. Ce même parti, si on se réfère aux projections en nombre de sièges de députés, peut obtenir entre 400 et 450 élus, soit entre 69% et 78% des députés. Cette dichotomie entre le pourcentage de voix et le pourcentage de sièges, même si elle est légale, me parait tout à fait illégitime car en aucun cas une telle assemblée ne représente les sensibilités politiques du pays. Pourtant nos chers politiciens qui défendent bec et ongles la Vème République (et pour cause), nous bassine depuis des décennies avec la « démocratie représentative » qui serait l’alpha et l’oméga de la démocratie. Non seulement cette assemblée ne sera en rien représentative des tendances politiques, anciennes ou nouvelles, (le seul moyen c’est la proportionnelle intégrale) mais elle ne sera pas non plus représentative de la société et des CSP du pays puisque, malgré l’utilisation de l’expression « société civile » qui est une véritable supercherie, des pans entiers (ouvriers, employés..) n’apparaissent pas dans ce parti ultra-majoritaire en sièges qui par contre affiche par dizaines des ingénieurs-patrons, des employeurs, des DRH, des lobbyistes, des financiers, des avocats d’affaires, des dirigeants de cabinets-conseils, ….. Bref de nombreux conflits d’intérêts en perspective !
Sans rapport forcément avec la notion noble de représentativité, je note aussi que LREM appuie des dizaines de magouilleurs voire escrocs en tout genre que les chiens de garde des médias officiels ont tu mais qui ont été largement révélé notamment sur les réseaux sociaux et la « petite » presse locale.
Par ailleurs, et là-aussi c’est exceptionnel, nous sommes face à un taux d’abstention historique de 51%, effet exponentiellement conjugué et donc aggravant des institutions et de l’action médiatique. Pour la première fois un gouvernement va tenter d’appliquer une politique qui va aggraver la situation quotidienne de millions de français alors que non seulement il n’est pas représentatif du pays mais qu’en plus il est adossé à un corps électoral participant minoritaire.
Ainsi je ne vois pas comment ces nouveaux venus aux responsabilités vont pouvoir aller au bout de leurs objectifs avec autant de fragilités réelles malgré leur force institutionnelle juridiquement légale mais apparente car coupé des réalités, sachant, rappelons-le, que le président a été élu par défaut, que les électeurs ont voté contre Le Pen et pas pour le programme de Macron, ceux ayant voulu exprimer un soutien en ce sens l’ont fait au premier tour à hauteur de seulement 24%.
On touche concrètement du doigt l’impérieuse nécessité de mettre en place une VIème République refondatrice de l’ensemble des institutions. A minima ce constat désastreux inviterait à rendre le vote obligatoire et à comptabiliser les votes blancs impactant le résultat des élections. Il invite également à revoir le calendrier électoral qui tel qu’il est ruine et ruinera immanquablement et systématiquement les législatives. Afin que l’Assemblée Nationale soit au niveau de représentativité de la présidentielle, et que le débat de fond imprègne les deux élections, en d’autres termes que le souffle de la présidentielle profite aussi aux législatives, le politologue Thomas Guénolé propose d’associer le premier tour des législatives au premier tour de la présidentielle et idem pour le second tour. Ça peut être une bonne solution en attendant une République totalement refondée, la Sixième.
Voilà le tableau réel de la situation politique à ce jour en France. Forcer l’application des mesures annoncées, vouloir absolument actionner ce coup d’Etat social, c’est prendre un risque là-aussi majeur d’une violence sociale que l’on n’a pas connue depuis longtemps. L’extrême finance devra alors soit reculer soit montrer son vrai visage qui est celui d’un pouvoir autoritaire voire dictatorial, et les mots sont faibles. Pour ceux qui seraient choqués examinez bien la scène internationale : des dirigeants élus et … réélus avec le vernis démocratique internationalement reconnu y compris par la France et qui se sont rapidement transformés en dictateurs, chemin faisant, machette en mains, dans la jungle médiatique.
Notre si gentil président a d’ailleurs échangé dernièrement des poignées de mains appuyées avec certains de ces dirigeants, l’une avec le tsar, l’autre avec l’ottoman… sans oublier celle avec le cow-boy.